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Europe: le partage du marché énergétique et la transition vers un « avenir vert »
Par Alexandre Lemoine
Mondialisation.ca, 09 novembre 2022
Observateur continental
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L’Europe se retrouve devant une opportunité unique qui consiste à changer le paradigme sur le marché énergétique actuel et, pour la première fois depuis une longue période, elle pourrait dissocier le coût de l’électricité de l’hydrocarbure le plus cher en ce moment – le gaz.

C’est ce qu’écrit l’agence de presse Bloomberg. Cette dernière note qu’en cas de succès, cela permettrait de créer un marché de « l’énergie verte » fondamentalement nouveau et indépendant des hydrocarbures, ce qui à terme dissociera complètement les prix de l’électricité des hydrocarbures traditionnels.

L’UE entreprendra des démarches clés concernant le développement de ce marché lors d’un sommet le 24 novembre.

À l’heure actuelle, les prix d’électricité sont attachés et sont définis en fonction du coût du gaz sur le marché. La hausse des tarifs d’électricité affecte tous les secteurs de production en Europe, y compris « l’énergie verte » très marginale, où le coût de production est bas. Les prix record d’hydrocarbures impactent le coût global d’électricité en Europe, même si la « génération verte d’énergie » ne dépend pas des hydrocarbures. Le règlement d’un tel problème s’offre « environ une fois par génération », mais un faux pas peut faire effondrer les investissements dans les nouvelles formes d’énergie.

Les pays européens songent à plafonner les prix du gaz, mais cette méthode comporte bien plus de risques que de profits éventuels, affirment les experts interrogés par Bloomberg. De plus, en cas de refus de la Suisse et du Royaume-Uni d’y adhérer, un tel mécanisme ne fonctionnera tout simplement pas, car les flux de gaz s’orienteront vers les marchés avec une tarification basée sur les mécanismes du marché.

« N’essayez pas de lutter contre le marché. Ce dernier est nécessaire pour gérer les risques. Que le marché détermine d’abord le prix. Mais si vous voulez effectivement adopter une restriction, faites-le le plus tard possible », a déclaré Steffen Köhler, directeur des opérations de l’European Energy Exchange.

À titre de solution à court terme, l’UE étudie ce qu’on appelle le modèle ibérique, qui fonctionne au Portugal et en Espagne. Les compagnies de génération d’énergie qui fonctionnent au gaz doivent limiter les prix de leur production, mais, en fonction de la conjoncture, ils ont le droit de transférer partiellement les dépenses sur le consommateur en augmentant les tarifs.

Un autre moyen d’amortir les conséquences de la réduction des fournitures de gaz russe, nécessaire pour une bonne « transition verte », c’est la limitation des revenus « imprévisiblement élevés » des compagnies énergétiques. L’UE a déjà accepté d’adopter une telle restriction pour tous les fournisseurs d’électricité, le plafond sera établi à hauteur de 180 euros par MWh de décembre à juin 2023. C’est dans cette démarche que, selon Bloomberg, réside la principale difficulté. Tout le monde tombe sous le coup des restrictions: les compagnies énergétiques « vertes » et « non vertes », ce qui réduit les revenus et les investissements, y compris dans le secteur « vert ».

Afin d’accélérer la transition énergétique, les autorités européennes doivent répartir le marché de gros d’électricité en deux parties, « verte » et « non verte », ainsi que de décréter un plafond du coût de l’électricité produite par des hydrocarbures traditionnels. Le mécanisme de transition fonctionne déjà au Royaume-Uni grâce à des « contrats de compensation » pour les producteurs d’énergie écologiquement propres: ils fixent de facto la stabilité des revenus des compagnies « vertes », ce qui leur permet d’augmenter les investissements et les capacités.

En même temps, en dépit des intentions des pays européens de diversifier le secteur énergétique et passer aux sources d’énergie renouvelables, leur part dans la structure de la consommation d’énergie reste très réduite. Les principales sources d’énergie pour tous les pays du monde sans exception demeurent le pétrole (30,95%), le charbon (26,9%) et le gaz (24,42%). Alors que la part des sources renouvelables ne dépassait pas 6,7% en 2021.

L’énergie fossile (pétrole, gaz, charbon) assure 70% de la consommation d’énergie, alors que la région manque de ses propres gisements (sachant que l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne ont décidé de renoncer aux centrales nucléaires). C’est pourquoi l’UE dépend sérieusement des importations d’hydrocarbures.

Alexandre Lemoine

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