Expulsion de Bolivie de deux importantes organisations d’aide au développement: Evo Morales prudent face à certaines ONG

« Nous ne permettrons pas qu’une ONG utilise ses fonds pour comploter contre la démocratie et le gouvernement national ».

L’an dernier, le gouvernement bolivien a expulsé du pays deux organisations d’aide au développement. Atteinte à la démocratie ou vrai problème ?

Une question de dignité

Le 20 décembre dernier, le gouvernement de Bolivie annonçait l’expulsion de l’ONG danoise Ibis. Dans les trois mois, celle-ci devra clôturer tous ses projets dans le pays. Au mois de mai précédent, le gouvernement bolivien avait déjà banni du pays USAID, la grande ONG étatsunienne.

On sait que l’organisation Ibis travaille avec des mouvements indiens opposés au gouvernement (1). Selon le gouvernement, l’ONG danoise est expulsée parce qu’elle sème la division au sein des organisations sociales boliviennes. « Ibis doit quitter la Bolivie parce que nous détenons des preuves de son ingérence politique. Sa conduite inacceptable cherchait à influencer des organisations d’aide sociale dans le but de les diviser et de les orienter vers le conflit ».

Le President Evo Morales n’est pas disposé à accepter des tentatives de déstabilisation par des organisations non-gouvernementales. « C’est une question de dignité pour le peuple bolivien, nous ne permettrons pas qu’une ONG utilise ses fonds pour comploter contre la démocratie et le gouvernement national ».

Selon Morales, « les Boliviens ont le droit constitutionnel de faire de la politique, mais pas de magouiller avec les capitaux étrangers. Certaines ONG viennent ici pour conspirer. Elles financent des opposants et nous traitent comme si nous étions incultes. Elles nous regardent de haut comme le feraient tout dominant ou toute grande puissance. Nous ne le tolérerons pas ».

Morales a de la considération pour le travail positif effectué par les ONG. Elles soutiennent et coordonnent notamment les efforts des administrations municipales pour promouvoir le développement social. Pareille collaboration est soutenue et cautionnée par le gouvernement. (2)

Elargir le cadre

Morales perd-il son sang-froid, ou bien s’agit-il ici de tout autre chose ? Pour en juger, il est utile de se situer dans une perspective plus large.

Les ONG sont très populaires en Occident pour deux raisons : Primo, elles ne sont pas du gouvernement, et en ces temps néo-libéraux, par définition, c’est mieux. Le caractère non gouvernemental est évidemment relatif puisque dans presque tous les cas ces organisations dépendent largement de subventions d’Etat. Mais bon, c’est la perception qui importe.

Secundo, les ONG incarnent souvent des idées critiques. Elles représentent un peu la conscience de l’opinion publique.

C’est précisément en raison de cette « innocence » et de cette popularité auprès du grand public que les ONG sont volontiers attelées au char de l’establishment. L’ex-agent de la CIA Philip Agee s’est confessé et a admis que des ONG comme USAID et NED « sont des instruments de l’ambassade US » et que « derrière ces organisations, il y a la CIA » (3).

Evidemment l’establishment ne crie pas sur les toits qu’il instrumentalise les ONG, mais à de rares occasions, celles-ci soulèvent elles-mêmes un coin du voile.

Ainsi par exemple Allen Weinstein, l’ancien président de NED (National Endowment for Democracy), une ONG étatsunienne qui « promeut la démocratie » partout dans le monde. Une des rares fois où il en a un peu trop dit : « Bien des choses que nous faisons actuellement étaient faites il y a 25 ans par la CIA ». (4)

C’est un secret de Polichinelle que la CIA, par l’intermédiaire de telles ONG, a joué un rôle-clé dans les révolutions dite « des fleurs » en Yougoslavie, en Géorgie, en Ukraine et en Kirghizie. (5)

Norman Schwarzkopf, le général quatre étoiles qui dirigeait la Première Guerre du Golfe, n’avait pas mâché ses mots devant le Congrès : « Notre présence est l’expression ostensible de l’intérêt et de la préoccupation que les USA portent sans discontinuer à la région. Il s’agit de plus que d’une simple force militaire. Des programmes d’aide humanitaire et d’échanges (…) constituent notre présence et sont les éléments-clés pour maintenir à niveau les relations étroites que nous entretenons avec nos amis dans toute la région ».

Colin Powell, le ministre des Affaires étrangères sous Bush, a été encore plus explicite : « Les ONG sont pour nous un tel levier, une part tellement importante de notre équipe de combat » (6).

Conclusion

Il ne saurait être question de mettre toutes les ONG dans le même sac. Beaucoup de ces organisations accomplissent un travail excellent et sont irremplaçables. Mais cela n’empêche pas que certains les utilisent pour des objectifs moins nobles.

C’est certainement le cas en Bolivie. Evo Morales navigue nettement à gauche et il a restreint le pouvoir des multinationales dans son pays. L’Histoire nous a montré que tout président qui fait preuve d’un tel culot subit immanquablement des tentatives de déstabilisation, dans lesquelles les ONG jouent un rôle-clé.

Cela s’est déjà produit en Equateur, au Venezuela et à Cuba (7). Un homme averti en vaut deux …

Marc Vandepitte

Traduction du néerlandais : AMM pour Investig’Action



Articles Par : Marc Vandepitte

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