Fabrication de «preuves»? Opération clandestine israélienne en Syrie pour «suivre l’arsenal chimique»
Israël mène une opération clandestine transfrontalière contre le gouvernement syrien, en liaison avec l’OTAN et le Pentagone.
Après avoir cherché des preuves probantes (un « revolver fumant ») en Iran plus tôt cette année les forces spéciales israéliennes « suivent » maintenant les « réserves d’armes chimiques et biologiques », selon le Sunday Times :
« L’opération transfrontalière fait partie d’une guerre secrète visant à suivre les armes syriennes non conventionnelles et à saboter leur développement. “Nous connaissons l’emplacement exact des munitions chimiques et biologiques de la Syrie depuis des années” a affirmé une source israélienne en faisant référence aux satellites d’espionnage et aux drones du pays. “Mais cette semaine des signes nous ont indiqué un déplacement de munitions vers un nouvel endroit” » (Uzi Mahnaimi et Lucy Fisher Israel tracks Syria’s chemical arsenal, The Sunday Times 9 décembre 2012.)
Tout le monde se rappelle de l’hyper médiatisation des armes de destruction massive (ADM) avant le lancement de la guerre en Irak. La menace des ADM irakiennes s’est révélée être une pure fabrication.
Ceux qui étaient derrière ce subterfuge appliquent désormais leurs compétences à la fabrication de preuves impliquant des ADM afin d’intervenir en Syrie. Selon un reportage du Jaffee Center for Strategic Studies de l’Université de Tel-Aviv, les Israéliens ont « mal interprété la menace irakienne ». En 2003, la BBC a publié un reportage sur les conclusions du rapport :
Les services de renseignement israéliens ont mal évalué la menace posée par Saddam Hussein […] Cela a contribué au « faux » portrait brossé par les services de renseignement étasuniens et britanniques […]
« Le renseignement israélien était un partenaire à part entière des États-Unis et de la Grande-Bretagne en contribuant à la fausse représentation de la capacité des armes de destruction massive de Saddam Hussein », a déclaré l’auteur du rapport, le brigadier-général Shlomo Brom.
Israel Radio a cité le parlementaire gauchiste Yossi Sarid : « Le renseignement a sérieusement surestimé la menace irakienne pour Israël et renforcé la croyance des États-Unis et de la Grande-Bretagne en l’existence de ces armes. Dorénavant lorsque nous présenterons des données importantes concernant d’autres pays, comme l’Iran par exemple, qui nous prendra au sérieux? » (Israelis ‘misread’ Iraqi threat, BBC, 5 décembre 2003.)
À la fin mars 2012, le The Sunday Times rapportait qu’« Israël utilise une base permanente au Kurdistan irakien pour lancer des missions de renseignement transfrontalières dans le but de trouver “des preuves irréfutables“ que l’Iran développe une ogive nucléaire. » (Israeli spies scour Iran in nuclear hunt, The Sunday Times, 25 mars 2012.)
Il n’existe aucune preuve que l’Iran possède des armes nucléaires, même les agences de renseignement étasuniennes l’admettent. Mondialisation.ca a publié un article sur l’opération clandestine visant potentiellement à fabriquer des preuves d’ADM relatives à l’Iran. Ce qui se déroule actuellement avec la Syrie est une reprise des tentatives précédentes de faire passer des preuves fabriquées dans le réseau médiatique :
Des sources occidentales ont dit au Times qu’Israël surveillait « la radioactivité et la magnitude de tests d’explosifs [et que] des forces spéciales utilisaient des hélicoptères Black Hawk pour transporter des commandos déguisés en membres de l’armée iranienne et utilisant des véhicules militaires iraniens sur le terrain ». Les sources croient que les « Iraniens tentent de cacher des preuves révélant des tests d’ogive afin de préparer une possible visite de l’AIEA [Agence internationale de l’énergie atomique] ». (Cité dans Report: Israeli soldiers scour Iran for nukes, Ynet, 25 mars 2012.)
Selon cet article, le nombre de missions du renseignement israélien à la base militaire de Parchin en Iran s’est accru dans les derniers mois. Durant cette période, Téhéran négociait avec l’AIEA, qui avait demandé de visiter Parchin. Selon le représentant permanent iranien de l’AIEA, Ali Asghar Soltanieh, les deux parties s’étaient entendues au début de février pour que la visite ait lieu en mars. (Gareth Porter, Details of Talks with IAEA Belie Charge Iran Refused Cooperation, IPS, 21 mars 2012.)
L’AIEA a demandé de visiter Parchin à la fin janvier ainsi qu’à la fin février, après avoir accepté une visite en mars. L’Agence a donc demandé à voir le complexe militaire au moment même où Israël intensifiait ses opérations secrètes dont le but présumé est de chercher une preuve, un « pistolet fumant » (smoking gun). (Julie Lévesque, Fabricating a “Smoking Gun” to Attack Iran? Israeli Spies Disguised as Iranian Soldiers on Mission Inside Iran Global Research,March 27, 2012)
L’opération clandestine d’Israël en Syrie fait partie d’un long programme du renseignement contre le gouvernement de Damas. Selon intelNews :
[…] Les activités clandestines d’Israël contre l’arsenal chimique et biologiques du gouvernement syrien ont débuté il y a presque 30 ans. Certaines de ces activités récentes pourraient avoir eu pour cibles des scientifiques russes, croit-on.
Bien que la Russie le nie régulièrement, on estime que l’arsenal syrien non conventionnel s’est significativement accru à la fin des années 1980 et au début des années 1990 grâce au général russe à la retraite Anatoliy Kuntsevich […]
Fait intéressant, Kuntsevich est mort soudainement en 2003 à bord d’un vol de la capitale syrienne en direction de Moscou. À l’époque, on supposait que le Mossad, l’agence des services secrets d’Israël, pourrait avoir joué un rôle dans la mort soudaine du général russe. En 2010, un autre général à la retraite, Yuri Ivanov, ancien directeur adjoint de la GRU, l’agence du renseignement militaire russe est mort dans des circonstances nébuleuses […]
Selon les reportages parus dans la presse israélienne, l’ancien représentant de la GRU était en route pour une réunion avec des agents du renseignement syrien lorsqu’il est disparu. Israël n’a jamais admis avoir joué un rôle dans la mort d’Ivanov, toutefois nombreux sont ceux qui suspectent que Tel-Aviv ciblait les deux Russes depuis très longtemps. (Joseph Fitsanakis Israel special forces conducting cross-border operations in Syria, intelNews.org, 10 décembre 2012.)
Cette interprétation des événements est plausible puisque des assassinats ciblés de scientifiques étrangers par les services secrets israéliens ont déjà été admis par le passé :
Selon les représentants, [la diminution des opérations clandestines d’Israël en Iran] touche un vaste éventail d’opérations, non seulement les missions très en vue comme les assassinats et les explosions sur des bases iraniennes de lancement de missiles, mais aussi la collecte de renseignement sur le terrain et le recrutement d’espions au sein du programme iranien. (Karl Vick, Mossad Cutting Back on Covert Operations Inside Iran, Officials Say, 30 mars 2012, cité dans Julie Lévesque, «À court de cibles», les services secrets israéliens «diminuent les assassinats» en Iran, Mondialisation.ca, 17 avril 2012.)
Alors qu’il est concevable que l’opération secrète d’Israël en Syrie vise des scientifiques russes, il faut comprendre que le but ultime est d’intensifier la campagne de propagande concernant l’arsenal chimique syrien. Il se peut que cette fuite dans le Sunday Times relève de l’opération psychologique continue contre la Syrie et vise à forger un prétexte pour mener une guerre préemptive contre la Syrie.
Depuis le début de l’insurrection armée en mars 2011, les États-Unis et leurs alliés, au même titre que les médias dominants occidentaux, accusent le gouvernement syrien d’avoir commis des atrocités à l’endroit des civils, dont le massacre de Houla. D’après les reportages des médias indépendants et les témoignages recueillis sur le terrain, ces atrocités ont été commises par les forces d’opposition parrainées par les États-Unis et l’OTAN.
Le gouvernement syrien a été diabolisé à tel point par les médias mainstream qu’advenant une attaque, l’opinion publique pourrait facilement être portée à croire, sans preuves à l’appui, que le gouvernement syrien est responsable de crimes contre son propre peuple.
Un tel contexte est parfait pour une opération sous faux pavillon ou une propagande intensive impliquant des armes chimiques. Ces allégations fondées sur de fausses preuves d’ADM contre le gouvernement syrien pourraient à nouveau être employées pour faire pression sur le Conseil de sécurité de l’ONU afin qu’il donne à l’OTAN un « mandat légal » pour intervenir en Syrie en vertu de la doctrine de la « responsabilité de protéger ».
CNN rapportait récemment que les États-Unis et « certains alliés européens emploient des sous-traitants du domaine de la défense pour entraîner les rebelles syriens à sécuriser les réserves d’armes chimiques en Syrie ». Le gouvernement syrien a exprimé ses inquiétudes dans une lettre à l’ONU :
Cette nouvelle que font circuler les médias suscite des inquiétudes. Nous craignons sérieusement que certains des pays appuyant le terrorisme et les terroristes fournissent des armes chimiques aux groupes terroristes armés et affirment que c’est le gouvernement syrien qui les a utilisées […] (Quoted in John Glaser, US Defense Contractors Training Syrian Rebels to Handle Chemical Weapons, Antiwar.com, 10 décembre 2012.)
Julie Lévesque
Journaliste
Article initialement publié en anglais :
Fabricating WMD “Evidence”: Israeli Covert Operation inside Syria to “Track Chemical Arsenal”