Face à la grippe aviaire, la Banque mondiale est prête à débloquer 500 millions de dollars
our la première fois depuis l’émergence, il y a près de deux ans, de l’épizootie de grippe aviaire due au virus H5N1, les agences onusiennes concernées, associées à l’Office international des épizooties (OIE), vont chercher à parler d’une même voix. Tel est l’un des objets de la première conférence mondiale consacrée à la lutte contre la grippe aviaire, organisée du 7 au 9 novembre à Genève.
A la veille de cette rencontre qui pourrait marquer un tournant dans la mobilisation contre cette épizootie, la Banque mondiale s’est dite « sur le point de conclure » un plan d’aide aux pays touchés ou menacés d’être frappés par l’épizootie et qu’elle pourrait débloquer à cet effet « entre 300 et 500 millions de dollars » .
« Nous avons les ressources financières pour agir rapidement » , a sobrement déclaré Jim Adams, chef de la délégation de la Banque mondiale à la conférence de Genève. M. Adams a aussi précisé que le mécanisme de financement envisagé était similaire à celui employé par la Banque mondiale pour financer les programmes de lutte contre le sida en Afrique. En pratique, ce procédé permet aux pays concernés d’avoir accès en urgence à des dons ou à des prêts à taux avantageux de la part de l’Agence pour le développement international, bras financier de la Banque mondiale. La Corée du Sud, le Vietnam, le Japon, la Thaïlande, le Cambodge, le Laos, l’Indonésie, la Chine, la Malaisie, la Russie, le Kazakhstan, la Mongolie, la Turquie, la Roumanie et la Croatie figurent désormais sur la liste officielle, établie par l’OIE, des pays concernés, à divers degrés, par la panzootie.
Ce financement viendra « en complément des moyens gouvernementaux » pour l’instauration de programmes de vaccination et d’abattage sélectif des animaux. Ce plan sera discuté à Genève avant d’être soumis au conseil d’administration de la Banque mondiale.
Sollicité par Le Monde, Kofi Annan a répondu, par l’intermédiaire du service de presse de l’ONU, que « Les organisateurs de la conférence de Genève entendent que cette rencontre parvienne à une prise en compte des priorités et des besoins en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique et en Europe . Il importe de mettre en commun les priorités pour dégager des priorités globales de ce dont on a besoin, où et quand. La rencontre de Genève sera suivi e d’un travail qui permettra de valider les concepts et de mettre en oeuvre les propositions en quelques semaines. Tout cela ne va pas être facile. » Le secrétaire général de l’ONU « attend avec impatience les résultats de la conférence de Genève et restera personnellement informé des suites qui y seront données. Il interviendra si besoin est. »
M. Annan indique également qu’il redoute l’émergence d’une pandémie de grippe aviaire si les mesures préventives nécessaires ne sont pas prises. « La progression de la grippe aviaire actuelle mène à une augmentation de la quantité de H5N1 circulant, ce qui, à son tour, augmente la probabilité d’un virus capable de se transmettre à l’homme, et de passer d’homme à homme à la fois, déclare-t-il. La FAO et l’OMS ont été activement engagées dans de tels problèmes depuis plusieurs années. Elles ont été gênées dans l’extension de leur activité par le manque de ressources économiques et humaines. Ce manque de ressources est un problème majeur, particulièrement au niveau national. Beaucoup de pays, maintenant, s’activent rapidement pour donner la plus haute priorité politique au double problème de la grippe aviaire et de la préparation à la pandémie. Cela veut dire que les ministères de la santé et de l’agriculture ont encore plus d’intérêt à bien travailler ensemble. Cela s’applique aux pays du monde entier, du Vietnam et de la Chine à l’Australie et à la France, des Etats-Unis à plusieurs pays africains, du Canada au Brésil. Les pays de l’Europe de l’Est et du Moyen-Orient sont activement engagés. »
LA SOURCE ANIMALE
Toujours à la veille de la conférence de Genève, l’OIE a souligné l’urgence qu’il y avait à tout mettre en oeuvre pour obtenir au plus vite le contrôle de la maladie à sa source animale. « Personne n’est en mesure de calculer la probabilité d’apparition d’une nouvelle pandémie grippale hautement pathogène, mais on peut penser que cette probabilité est étroitement corrélée aux quantités de virus circulant dans les populations animales aviaires à travers le monde », a précisé Bernard Vallat, directeur général de l’OIE.
La position de l’OIE est aussi celle que défend David Nabarro, nouveau coordonnateur des agences des Nations unies concernées par la santé humaine et la santé vétérinaire. « L’urgence sanitaire mondiale est de juguler la maladie chez les animaux », déclarait il y a peu le docteur Nabarro (Le Monde du 25 octobre) . L’OIE insiste depuis longtemps déjà sur l’aide internationale qui devrait être accordée aux mesures visant à réduire la présence et la circulation du virus H5N1 chez les oiseaux. Il en appelle aussi la communauté internationale à aider les pays pauvres directement concernés à vacciner toutes leurs populations avicoles.
Ces derniers temps, cet objectif n’était pas toujours apparu prioritaire aux yeux des responsables de l’OMS, soucieux de tout mettre en oeuvre pour privilégier la lutte contre l’émergence d’une pandémie meurtrière. En février 2004, Jacques Diouf, directeur général de la FAO, déclarait déjà : « L’épizootie de grippe aviaire n’est pas maîtrisée, et il faut impérativement trouver les moyens, en urgence, de réagir. Nous appelons tous les pays à prendre des mesures de précaution et à renforcer leurs services de veille épidémiologique vétérinaire. » La question est désormais une nouvelle fois posée de savoir si, au travers des organisations onusiennes, la communauté internationale trouvera les moyens financiers et stratégiques de réagir face à cette menace sanitaire croissante.