Flambée des tensions américano-russes en mer Baltique

Le Pentagone a annoncé samedi qu’il déposait une plainte officielle auprès du ministère à la Défense russe et le ministre de la défense américain John Kerry a menacé la Russie de représailles après deux incidents impliquant des forces américaines et russes en mer Baltique.

Le Pentagone a allégué qu’un chasseur SU-27 russe avait volé à moins de 17 mètres d’un avion de reconnaissance américain dans l’espace aérien international le 14 avril, et qu’un avion russe et un hélicoptère avaient « frôlé » le destroyer USS Donald Cook, quand il participait à des exercices militaires avec la Pologne en Mer Baltique deux jours plus tôt.

Les deux incidents démontrent une nouvelle fois que le renforcement militaire agressif de Washington dans toute l’Europe de l’Est, en étroite collaboration avec ses alliés de l’OTAN, a conduit toute la région au bord de la guerre entre puissances nucléaires. Le gouvernement Obama s’est emparé de la crise en Ukraine provoquée par un coup d’état parrainé par l’Occident à Kiev en 2014 pour amplifier massivement sa présence militaire en Europe de l’Est, afin d’encercler et d’isoler la Russie dans une région allant du cercle polaire arctique à la mer Noire.

Alors que l’intensification des opérations militaires américaines sur les frontières russes représente un acte d’agression, le dernier incident démontre aussi la faillite de la réponse de Moscou. L’oligarchie du Kremlin, qui est arrivée au pouvoir en pillant les ressources de l’État suite à la dissolution de l’Union soviétique, a recours à un renforcement militaire et à l’encouragement du nationalisme russe réactionnaire. Les conditions sont tellement tendues qu’une erreur de calcul de chaque côté ou même un accident pourrait être le point de départ d’un conflit qui pourrait rapidement dégénérer vers l’utilisation des armes nucléaires.

Le ministre de la défense Kerry l’a avoué la semaine dernière, quand il a réagi à l’incident de l’USS Donald Cook, en déclarant sans façon que les Etats-Unis auraient été en droit d’abattre l’avion russe. Le chef de la diplomatie de Washington a qualifié le comportement allégué de l’avion d’« irresponsable » et « provocateur », alors que le Pentagone a qualifié l’interception de jeudi de son avion-espion d’acte « erratique et agressif ».

Moscou a nié ces allégations, affirmant dans un communiqué que dans le cas de l’avion-espion, la force aérienne russe avait « détecté sur la Baltique une cible aérienne non identifiée qui s’approchait rapidement de la frontière russe ». Le porte-parole Igor Konashenkov a déclaré que les actions des avions russes étaient en conformité avec les normes internationales sur l’utilisation de l’espace aérien ».

Les confrontations entre l’OTAN et l’aviation russe au-dessus de la mer Baltique sont de plus en plus habituelles. Selon un rapport de janvier de l’United Press International, des avions de l’OTAN ont décollé sur alerte au moins 160 fois en 2015 pour intercepter des avions russes en Mer Baltique. Ce chiffre était en hausse de 14 pour cent par rapport à 2014.

Le rythme de ces incidents est susceptible d’accélérer de façon spectaculaire dans l’avenir immédiat. Le gouvernement Obama a annoncé un quadruplement des dépenses de défense pour l’Europe pour 2017 à 3,4 milliards de dollars. Cette augmentation financera l’envoi de trois brigades supplémentaires. 16 500 soldats de plus seront en rotation permanente dans toute l’Europe de l’Est, allant des états baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) auxquels Obama en septembre 2014 a accordé une garantie de soutien américain en cas de conflit avec la Russie, à la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, et aux états de la mer Noire, la Roumanie et la Bulgarie.

En cela, Washington s’aligne sur des régimes férocement de droite, des régimes anti-russes dont les politiques téméraires pourraient fournir l’étincelle qui enflammerait le bras de fer en cours.

Dans les commentaires sur le forum de sécurité GLOBSEC ce le week-end, le ministre polonais des Affaires étrangères Witold Waszczykowski a proclamé que la Russie était une plus grande menace pour la paix mondiale que l’État islamique. Il a exhorté l’OTAN à déployer en permanence des troupes en Pologne pour protéger sa frontière orientale, promettant qu’il ferait appel à cette fin au sommet de l’OTAN qui se tiendra à Varsovie en juillet. « De toute évidence, l’activité de la Russie est une sorte de menace existentielle parce que cette activité peut détruire des pays », a affirmé Waszczykowski.

La Roumanie, un autre membre de l’OTAN, fait pression pour que le sommet de Varsovie adopte un plan d’une présence navale permanente de l’OTAN dans la mer Noire. Le ministre de la Défense de la Roumanie, Mihnea Motoc, a déclaré plus tôt ce mois lors d’une visite en Géorgie qu’il serait en faveur d’un partenariat renforcé entre les membres de l’OTAN tels la Bulgarie, la Roumanie et la Turquie et les futurs membres comme la Géorgie et l’Ukraine pour établir une flotte de la mer Noire. Motoc a déclaré dans une interview que la flotte proposée serait ouverte « aux membres de l’OTAN qui ne sont pas limitrophes de la mer Noire, mais sont constamment présents dans les ports de la mer Noire et prennent part à des exercices – en premier lieu, les États-Unis.

Au sommet de l’OTAN au Pays de Galles en septembre 2014, l’alliance s’est engagée à ce que tous les membres dépensent 2 pour cent du PIB pour leurs forces armées, et a convenu la création d’une force de réaction rapide pour l’Europe de l’Est qui a été élargie depuis pour permettre à des dizaines de milliers des troupes d’être déployées partout sur le territoire de l’alliance en quelques jours.

L’article à la une dans l’édition de dimanche du New York Times a souligné le fait que les conflits potentiels pour lesquels ces forces sont en préparation impliqueraient probablement le déploiement d’armes nucléaires. Dans ce qu’il décrit comme un renouveau de la guerre froide, le Times a présenté Washington, la Russie et la Chine comme étant engagés dans une course aux armements pour développer une nouvelle classe d’armes nucléaires de petite taille avec des capacités de contourner les boucliers traditionnels de défense antimissile.

Il y a une importance objective au fait que le New York Times, « le journal de référence » de l’Amérique, a publié en une un article mettant en évidence un développement qui depuis longtemps fait l’objet d’une analyse approfondie par les panels d’experts américains. Un rapport du Centre pour les évaluations stratégiques et budgétaires publié plus tôt cette année était intitulé Repenser l’Armageddon : la planification de scénario dans la deuxième ère nucléaire,exprimant le fait que les cercles de décideurs politiques réfléchissent sur les aspects pratiques de comment lancer et gagner un conflit militaire avec des armes nucléaires.

Depuis la promesse du président Obama en 2010, de ne pas poursuivre de nouveaux programmes d’armes nucléaires, Washington a annoncé un financement supplémentaire de 1000 milliards de dollars pour la modernisation de l’arsenal nucléaire américain. L’article du Times fournit des informations sur les types d’armes en cours d’élaboration, y compris une nouvelle arme appelée un véhicule de descente hypersonique. Ces armes, que les États-Unis commenceront à tester en vol l’année prochaine, pourraient « rendre les défenses antimissiles presque caduques » a fait remarquer le New York Times.

A l’issue du sommet nucléaire biennal à Washington à la fin du mois dernier, auquel la Russie a refusé d’envoyer des représentants, Obama a exprimé sa préoccupation à propos de « l’accélération des systèmes nouveaux, plus meurtrières et plus efficaces qui finissent par conduire à une nouvelle escalade de la course aux armements ».

Un deuxième article du New York Times publié pendant le week-end sur l’enclave russe de Kaliningrad souligne on ne peut plus clairement que les plans pour le déploiement d’armes nucléaires ont bien dépassé le stade de la spéculation. Le territoire russe, situé à l’angle sud-est de la mer Baltique entre la Lituanie et la Pologne, a été décrit dans une audition au Congrès par le commandant de l’OTAN le général Phillip Breedlove en février comme une « zone très militarisée » qui est « capable de repousser les attaques par air, terre ou mer. »

Les six années écoulées depuis la promesse creuse d’Obama de réduire les armes nucléaires ont vu une grande intensification des opérations militaires agressives des États-Unis visant à consolider l’hégémonie américaine et l’affaiblissement de la Russie et de la Chine dans les régions géostratégiques clés. Dans le cadre du bombardement continu de l’Irak et de la Syrie, mené sous le prétexte de lutter contre le terrorisme, Washington a récemment envoyé des bombardiers B52 à capacité nucléaire sur ses bases au Moyen-Orient, ce qui mettait l’Iran et de la Russie elle-même à leur portée.

Jordan Shilton

Article paru en anglais, WSWS, le 18 avril 2016



Articles Par : Jordan Shilton

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