Forages pétroliers au large de l’Amazonie : le Brésil refuse à Total ce que la France lui a docilement accordé

Risques écologiques

Le Brésil a refusé à Total un permis de prospection pétrolière au large de l’Amazonie, jugeant que l’entreprise n’avait pas apporté de réponse satisfaisante aux inquiétudes environnementales. Quelques semaines plus tôt, le gouvernement français avait autorisé sans sourciller Total à forer au large de la Guyane.

L’Agence brésilienne de protection de l’environnement a formellement refusé à Total la licence que l’entreprise sollicitait pour prospecter du pétrole au large de l’Amazonie. Ce n’est pas une surprise dans la mesure où elle avait signifié plusieurs fois au groupe français que ses plans de gestion des risques environnementaux étaient insuffisants. Dans la zone que veut forer Total se trouve en effet un récif de corail nouvellement découvert, qui abrite une précieuse biodiversité. Autre risque mis en en avant par les régulateurs brésiliens : celui d’une marée noire qui atteindrait les côtes de l’Amazonie. Pour Greenpeace, qui mène campagne depuis deux ans contre ces projets de Total, c’est une « victoire historique ».

La décision du Brésil intervient quelques semaines avant l’investiture officielle de Jair Bolsonaro. Le nouveau président d’extrême-droite n’a pas caché son souhait de faire table rase de toutes les réglementations protégeant l’environnement et les peuples indigènes, pour laisser la voie grande ouverte à l’industrie et à l’agrobusiness en Amazonie [1].

Entre le Brésil et la France, qui ose dire non aux multinationales ?

Le refus du Brésil à Total contraste aussi fortement avec l’attitude des autorités françaises, qui ont accordé il y a quelques semaines au groupe pétrolier une licence pour procéder à des forages offshore un tout petit peu plus au Nord, au large de la Guyane. Et ce bien que la France ait officiellement voté la fin de l’exploitation des hydrocarbures sur son territoire (y compris d’outre-mer) d’ici 2040… L’autorisation a été accordée par le préfet de Guyane aux termes d’une enquête publique marquée par une très large majorité d’avis négatifs sur le projet, et sans organisation d’un débat public formel alors que toutes les conditions légales étaient remplies. Les commissaires-enquêteurs avaient même signalé leur manque d’expertise pour évaluer les réponses apportées par Total sur les risques environnementaux. Peut-être auraient-ils dû s’adresser aux experts brésiliens…

Le gouvernement français avait justifié cette autorisation en affirmant qu’il était « légalement impossible » de refuser la demande de Total. En réalité, il aurait été tout à fait possible de refuser son permis à Total au vu des risques environnementaux, avec à la clé un possible recours judiciaire, sans grand risque, de la part du groupe pétrolier. Le gouvernement français s’est déclaré perdant avant même d’avoir mené cette bataille. Tout comme il l’avait fait lors de l’examen de la loi Hulot sur la fin des hydrocarbures (lire nos enquêtes ici et ), et tout comme il l’avait fait en 2012 en forçant à la démission la toute nouvelle ministre de l’Environnement Nicole Bricq parce qu’elle avait osé remettre en cause les permis de forage pétrolier au large de la Guyane.

Olivier Petitjean



Articles Par : Olivier Petitjean

Avis de non-responsabilité : Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que le ou les auteurs. Le Centre de recherche sur la mondialisation se dégage de toute responsabilité concernant le contenu de cet article et ne sera pas tenu responsable pour des erreurs ou informations incorrectes ou inexactes.

Le Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) accorde la permission de reproduire la version intégrale ou des extraits d'articles du site Mondialisation.ca sur des sites de médias alternatifs. La source de l'article, l'adresse url ainsi qu'un hyperlien vers l'article original du CRM doivent être indiqués. Une note de droit d'auteur (copyright) doit également être indiquée.

Pour publier des articles de Mondialisation.ca en format papier ou autre, y compris les sites Internet commerciaux, contactez: [email protected]

Mondialisation.ca contient du matériel protégé par le droit d'auteur, dont le détenteur n'a pas toujours autorisé l’utilisation. Nous mettons ce matériel à la disposition de nos lecteurs en vertu du principe "d'utilisation équitable", dans le but d'améliorer la compréhension des enjeux politiques, économiques et sociaux. Tout le matériel mis en ligne sur ce site est à but non lucratif. Il est mis à la disposition de tous ceux qui s'y intéressent dans le but de faire de la recherche ainsi qu'à des fins éducatives. Si vous désirez utiliser du matériel protégé par le droit d'auteur pour des raisons autres que "l'utilisation équitable", vous devez demander la permission au détenteur du droit d'auteur.

Contact média: [email protected]