Fox a les mains maculées de sang

Le gouvernement de Vicente Fox parvient à ses fins en étant l’otage des classes les plus délictueuses du parti qu’il avait essayé de « virer à coup de pieds au derrière » de Los Pinos, avec le stigmate de la trahison à l’égard d’un mouvement populaire avec lequel il était censé être en négociations, avec la même manie de mentir et les mains maculées de sang. Tel est le solde provisionnel de l’incursion répressive lancée hier contre l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (APPO), décidée dans la précipitation absolue après que les services de sécurité de l’État et de la municipalité d’Oaxaca, convertis en escadrons de la mort eurent assassiné vendredi quatre personnes et en aient blessé vingt trois autres.

Le pouvoir fédéral ne s’est pas mobilisé pour désarmer et arrêter les meurtriers mais pour s’acharner contre leurs victimes et pour réinstaller au pouvoir une autorité rejetée et impopulaire comme il n’y en avait pas eu depuis très longtemps dans le pays. Des heures avant l’opération, le secrétariat du gouvernement a coupé les lignes de communication avec les représentants de l’organisation populaire avec laquelle il continuait les négociations. Cette attitude nous rappelle forcément les évènements du 9 février 1995, lorsque le gouvernement d’Ernesto Zedillo, sans interrompre les contacts qu’il maintenait avec la direction de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale, avait tenté de la capturer par surprise et par traîtrise.

Impassible, le responsable de ce ministère est sorti pour fêter le « solde blanc » que lui a rapporté Miguel Angel Yunes Linares, le sous-Secrétaire à la Sécurité Publique, pendant que les médias publiaient les photos de l’un des morts suite à l’escalade répressive, Jorge Alberto López; ce dernier a reçu l’impact d’une capsule de gaz lacrymogène dans la poitrine, lancée par les effectifs de la police fédérale préventive.

La « méthode très méticuleuse qui consiste à ne pas blesser, à ne pas faire de mal » des contingents de police a depuis hier laissé un bilan de trois morts et de dizaines de blessés. La mobilisation policière a montré ses véritables intentions : écraser le mouvement qui demande le départ d’Ulises Ruiz du poste de gouverneur de l’État d’Oaxaca, avec l’arrestation d’environ 60 présumés membres de l’APPO et la violation d’une cinquantaine de domiciles. Et le prétexte de l’incursion – « les deux parties étaient en train de s’entretuer », selon Abascal* -, s’écrase sous son propre poids, parce que la violence de l’Etat s’est dirigée de manière évidente contre le mouvement populaire et en aucun cas contre les responsables de tous les morts, pas loin d’une vingtaine jusqu’à maintenant dans l’entité en proie aux convulsions.

Évidemment, la violente intrusion des forces fédérales dans la capitale d’Oaxaca ne va pas résoudre le conflit, bien au contraire, ce recours répressif complique plus la crise régionale et rajoute un facteur de tension dans un panorama politique national déjà passablement décomposé. Dans l’immédiat, il faut se demander si la reprise des cours par le corps enseignant d’Oaxaca, prévue pour aujourd’hui et si attendue par les autorités fédérales, pourra être menée à bien, au milieu d’un environnement social exacerbé par la présence de blindés anti-émeutes. En ce qui concerne l’APPO, la destruction des barricades, la « récupération » des édifices publics, la persécution, les morts, les agressions physiques et l’évacuation du zócalo d’Oaxaca ne serviront à rien sinon à renforcer les raisons d’être de ce mouvement.

Enfin, si avec cette escalade répressive on cherchait à paver le chemin de Felipe Calderón à la présidence, il se peut que le gouvernement fédéral obtienne le résultat inverse. Avec des décisions si maladroites et insensibles, le foxisme pourrait provoquer dans les 32 prochains jours qu’il lui reste une déstabilisation sans précédent. Il a réussi et ce pour la troisième fois après les interventions des forces fédérales à Lázaro Cárdenas et à Texcoco-Atenco à se tacher les mains de sang.

* Carlos Abascal Carranza, secrétaire du gouvernement (secretario de gobernación), équivalent d’un Premier ministre

La Jornada Traduit de l’espagnol par Florence Razimbaud et révisé par Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs.



Articles Par : Carlos Abascal Carranza

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