France: épreuve de force
Après la validation du CPE par le conseil constitutionnel, le président Chirac a décidé de faire appliquer la loi dite « d’égalité des chances », qui livre les jeunes à la merci des patrons.
La France s’engage dans l’épreuve de force. Des millions de grévistes et manifestants réclament le retrait pur et simple du CPE. Le Premier ministre et le président campent sur leur position: le CPE sera instauré « dans l’intérêt de l’emploi ».
Certains, même dans son propre camp, reprochent au Premier ministre français d’avoir agi par initiative personnelle, de ne pas avoir négocié avec les interlocuteurs sociaux. Le PS français est inquiet de cette « logique d’affrontement » et demande de « renouer le dialogue ». Mais là n’est pas l’essentiel. Le CPE n’est pas une simple mesure conjoncturelle « hexagonale » mais l’application de la stratégie de l’Union Européenne. Le sommet de Lisbonne (2000) a décidé de faire de l’Europe « l’économie la plus compétitive ». Une orientation ratifiée par tous les Etats et gouvernements. Chirac et Jospin – PS – ont signé pour la France, Verhofstadt et ? ? ? ? PS pour la Belgique.
Partout dans les Etats de l’Union européenne, et quel que soit le gouvernement en place, la politique suivie est la même : réduction des charges sociales pour les patrons, baisse du « coût du travail », privatisation des services publics, précarité, flexibilité, chômage de masse.
Pour les jeunes, le sommet de Lisbonne fixait l’objectif suivant : « favoriser l’employabilité et l’adaptabilité de la jeunesse aux besoins de l’entreprise »! Voilà l’origine du Contrat Première Embauche, qui livre les jeunes à la merci du patron.
Cette politique vise à assurer, en période de crise économique, la réalisation du maximum de profits capitalistes. Des profits qui explosent: 84 milliards d’euros pour les 40 plus grands groupes capitalistes en France. 1
Le premier ministre, Dominique de Villepin, souligne d’ailleurs lui-même qu’il n’y a pas d’alternative à la réforme et que la France doit s’aligner sur l’Europe. 2 Mais les autres pays européens lorgnent aussi vers la France. Le parlement suédois débat d’une proposition similaire au CPE, avancée par la dirigeante du Parti du centre, Maud Olofsson. « En prenant exemple sur la France, Mme Olofsson veut en réalité abolir la sécurité de l’emploi », écrit le quotidien Aftonbladet. « Mais en France, comme en Suède, un contrat d’embauche est la clé d’accès à des besoins vitaux tels que pouvoir louer un logement ou faire un prêt bancaire pour en acheter un. La sécurité de l’emploi, cette plate-forme pour le bien-être dans la vie, est devenue un objet rare, voire un luxe. »
Un projet du même genre est également en préparation en Allemagne : la grande coalition (chrétiens et socialistes) au pouvoir à Berlin prévoit également de modifier le Code du travail et d’introduire une période d’essai de deux ans – pour tous les salariés. (Courrier international, 27/03/06) Ce que le gouvernement français veut d’ailleurs faire en juin, sous le nom de « contrat unique ». Un contrat calqué sur le CPE et applicable à tous les salariés, quel que soit leur âge. C’est la spirale vers le bas.
Front européen des travailleurs
Mais il n’y a pas que les Français qui sont dans la rue. La Grande-Bretagne vient de connaître la plus grande grève dans les services publics depuis 1926 (1,5 million de grévistes) contre l’allongement de 5 ans de la carrière. Et en Allemagne, toute la métallurgie se bat pour une augmentation de salaire de 5% (voir pages X et Y). Il y a donc dans le concret une possibilité de faire reculer l’offensive du patronat européen.
Pour la première fois depuis très longtemps, les jeunes et les travailleurs en France sont en mesure de faire reculer l’offensive patronale capitaliste. Leur victoire sera un encouragement pour toutes les luttes en Europe. Leur victoire sera aussi la nôtre.