Fukushima : « Nous avons découvert un mépris pour la sécurité du public »
La Commission indépendante d’experts nucléaires, chargée par le parlement japonais de déterminer les circonstances de la catastrophe nucléaire de la centrale nucléaire de Fukushima (11 mars 2011), a rendue le 5 juillet dernier un rapport d’enquête accablant de 641 pages !
La commission composée de 10 experts, sismologue, avocats, médecins, journaliste scientifique, professeurs désignés par les parlementaires a mené un travail de recherche approfondie, avec des entretiens auprès de 1 176 personnes, pendant plus de 900 heures lors des 6 derniers mois.
Des responsables sont clairement désignés : « TEPCO, mais aussi le manque de réactivité des agences gouvernementales japonaises. Le rapport souligne et étudie également les aspects culturels, pointant l’extrême respect et la soumission à l’autorité inhérent à la culture japonaise.«
La Commission d’experts était dirigée par Kiyoshi Kurokawa, ancien président du Conseil Scientifique Japonais, qui a écrit, dans le rapport que la fusion « ne peut être considérée comme une catastrophe naturelle. Ce désastre est humain, car il aurait pu et aurait du être prévu et évité. » Le rapport ajoute que « les causes directes de la crise étaient toutes prévisibles, bien avant le 11 mars 2011.«
Les membres de la commission écrivent, dans leur rapport, que « [la catastrophe] a été le résultat de la collusion entre le Gouvernement japonais, les régulateurs et TECPO, ainsi que du manque de gouvernance de ces instances. Nous en concluons que l’accident est d’origine humaine. Les causes profondes étaient organisationnelles« . Le rapport blâme tout particulièrement l’opérateur TEPCO pour avoir failli dans sa mission à renforcer, améliorer les capacités de résistances de la centrales face à une catastrophe naturelle, et critique également la NISA (Agence du sûreté nucléaire japonaise) et le METI (ministère de l’économie et de l’industrie japonais) pour avoir échoué dans leur mission de contrôle.
La Commission pointe qu’en 2006 la NISA avait ordonné des travaux d’amélioration dans le système anti-sismique de la Centrale de Fukushima Daiichi. TEPCO a volontairement ignoré cette directive et l’autorité de contrôle n’a pas fait de suivi, auprès de l’opérateur, ne contrôlant pas la mise en oeuvre de sa demande. « La commission a relevé une ignorance et une arrogance impardonnable pour toute personne ou toute organisation travaillant dans le domaine du nucléaire. Nous avons découvert un mépris pour la sécurité du public. » peut on ainsi lire dans le rapport.
Rappelons que la catastrophe a contraint 150.000 personnes à quitter leur maison, en plus de libérer des quantités importantes de substances radioactives à des kilomètres autour de la centrale.
De manière significative, le rapport de la Commission remet en question les assertions de TEPCO selon lequel l’accident et la situation de criticité des réacteurs de Fukushima sont dûs au Tsunami qui avait suivi le séisme de magnitude 9.
Un positionnement jugé faux par les experts : selon eux, Tepco a mal évalué la probabilité d’un tsunami de cette envergure et n’a pas pris les dispositions nécessaires, alors que cette éventualité avait été testée ! En 2008, Tepco avait simulé un tsunami de plus de 15 m de haut, dont les vagues atteignaient la centrale Fukushima. Aucune initiative n’a toutefois été prise par la suite, car ils ont jugé peu probable qu’une telle catastrophe survienne, précisent les experts. « il est impossible de limiter la cause directe de l’accident au tsunami, sans preuve de fond. La commission estime qu’il s’agit d’une tentative d’éviter la responsabilité en mettant tout le blâme sur le [tsunami] inattendu » écrit la Commission.
Le rapport a également critiqué l’incapacité du gouvernement à gérer efficacement la crise après l’accident : pour les experts « les gouvernements passés et en place à ce moment-là, ont failli à leur devoir de protéger la vie des gens et la société« . Par exemple, dans les jours qui ont suivi la catastrophe, un porte-parole du gouvernement a déclaré que les évacuations ont été engagées « juste au cas où« , plutôt que d’informer les résidents des dangers réels à la suite de grands panaches radioactifs.
La Commission déplore également une mauvaise communication, tant entre les techniciens qu’entre les autorités. Ces dernières ont d’ailleurs rapidement été blâmées pour avoir tardé à révéler la gravité de la situation et à évacuer les zones touchées. Ce rapport soulève ainsi des questions de fond, que tout pays nucléarisé doit se poser en toute transparence.