Fukushima : opération à haut risque sur le réacteur chargé avec le mélange plutonium-uranium « Mox » d’Areva
Dans les jours qui viennent, la compagnie Tepco va tenter de retirer du réacteur n°3, le plus endommagé par la triple catastrophe nucléaire de mars 2011, l’engin de plus de 20 tonnes qui sert à déplacer les produits de fission radioactive. Opération à haut risque, du fait du Mox, le diabolique mélange de fission d’Areva qui gorge ce réacteur comme ceux de 900Mw en France. Risque immense tant pour la région et le monde que pour ceux qui seront au plus proche de la zone ultra radioactive que seuls des robots pourront approcher pour quelques minutes.
Le réacteur n°3 du complexe atomique de Fukushima-Daïchi est détruit à 90%. La radioactivité y atteint un tel niveau mortel qu’aucun humain ne peut approcher du lieu, notamment du fait de la présente de Mox – mélange d’oxyde d’uranium et d’oxyde de plutonium (le plus dangereux des produits atomiques créé par l’homme) – fabriqué et livré par Areva.
L’opération, extrêmement délicate et que personne au monde n’a encore menée nulle part va être tentée par le haut, au-dessus de l’épave saccagée du réacteur nucléaire. Il s’agit de tenter de retirer l’équipement de plus de 20 tonnes servant en temps normal à déplacer les barres de produits de fission et qui empêche tout autre exploration et opération.
Les produits de fission radioactifs (faussement appelés « combustible ») ont disparu dans la tourmente des premiers jours de la catastrophe. Nié pendant de longs mois par l’exploitant électrique, le réacteur nucléaire n°3 est en effet entré en fusion quelques jours après le tremblement de terre et le raz de marrée et tout un magma diabolique de ferrailles et de « combustibles » s’est agglutiné pour former du corium.(1)
« En termes de radioactivité, le corium, c’est le top du top. Ça tue un homme ou un éléphant à proximité. Dans les réacteurs n°1, n°2 et n°3 de la centrale de Fukushima Daiichi, le corium est le déchet radioactif le plus préoccupant » pouvait affirmer un spécialiste à la presse. A-t-il percé la barrière de confinement en métal et celle en béton pour poursuivre sa course folle au cœur de la terre et jusqu’aux nappes souterraines ? Nul ne le sait ou ne l’avoue à ce jour.
Le scénario du pire
Le scénario du pire a commencé en mars 2011 bien plus grave qu’à Tchernobyl 25 ans plus tôt. Une calamité qui dure encore alors que là-bas en Ukraine il n’y avait « que » de l’uranium… et à ce jour 1 million de morts.
L’exploitant atomiste va donc devoir intervenir au cours d’une opération aussi inédite que dramatique menée à l’aide de robots télécommandés. Par un verbiage toujours aussi manipulateur, l’exploitant nucléaire Tepco avoue d’ailleurs qu’il s’agit d’«une opération difficile car la radioactivité au-dessus du réacteur 3 rend impossible l’accès à des hommes». (2)
«Nous faisons de la sécurité la priorité et ne poursuivrons l’opération que lorsque nous aurons confirmé sa faisabilité sans danger», a précisé, non sans ironie, le porte-parole. Ce que chacun-e a sous les yeux le prouve à l’évidence.
Ce sont ces mêmes spécialistes du nucléaire et leur gouvernement qui, pendant plusieurs semaines après la catastrophe du 11 mars, avaient affirmé que « seule une fusion partielle » s’était produite et que les réacteurs atomiques étaient relativement stables et « les fuites radioactives dangereuses largement contenues« . Des informations qui s’avèrent aujourd’hui être ce qu’elles sont toujours en de telles circonstances : des mensonges pour berner la population (3).
Seuls des robots pourraient être utilisés et encore….
Les précédentes tentatives d’utiliser des robots télécommandés pour aller voir l’étendue des dégâts sur les autres réacteurs nucléaires de Fukushima-Daïchi se sont soldées, depuis quatre ans, par des échecs à répétition. Ces robots flambant neufs, souvent mis au point par le japonais Hitachi tombent en panne car sensibles, eux aussi, à la mortelle radioactivité.
On le savait pourtant depuis 1986 et la catastrophe nucléaire de Tchernobyl: les robots, aussi sophistiqués soient-ils ou robustes comme un russe, ont une électronique qui ne résiste pas longtemps face à des niveaux de radioactivité démesurés. Durée de fonctionnement sur la brochure : 10 heures, durée effective maximale de 3 heures à 3 secondes.
Le consortium français de l’Intra (« groupe d’intervention robotique sur accidents nucléaire » créé en 1988 par le Commissariat à l’énergie atomique/CEA, Areva et EDF) avait bien tenté de se positionner sur ce nouveau marché de la mort et ses millions d’euros de profits à la clef. Il avait envoyé en 2011 à Fukushima, 130 tonnes de matériel dont des robots tricolores. Mais Tepco, n’étant plus très convaincu par la technologie française après l’usage du « Mox », avait préféré la technologie américaine.
Mais japonaise, française, états-unienne, russe, quelle que soit la bannière nationaliste, le nucléaire et sa pseudo technologie de pointe sont dépassés par le monstre qu’ils ont engendré.
Alors Tepco et l’AIEA (agence internationale pour le développement de l’énergie atomique civile) espèrent. Pas très scientifique ni technique, mais dans une telle situation, les adorateurs du dieu atome ne savent pas quoi faire d’autre. Et cela va durer, disent-ils, plus de 40 ans. Et coûter quelques milliers de milliards d’euros que la population devra payer. Les milliers d’enfants qui déjà pissent la radioactivité dans leurs urines ne seront plus là pour applaudir l’exploit.
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(1) Après les explosions d’hydrogène qui avaient fortement endommagé le bâtiment extérieur de deux des six réacteurs de la centrale, les responsables avaient assuré que les réacteurs étaient intacts et ne posaient qu’un faible risque « immédiat » pour la santé. On a appris ensuite que des fuites radioactives massives s’étaient produites alors que beaucoup d’habitants du voisinage étaient encore chez eux.
(2) Quelque 7000 travailleurs de centaines d’entreprises sous-traitantes sans forcément de qualification, ou recrutés parmi les déshérités et pauvres du pays, œuvrent chaque jour à des tâches des plus dangereuses à la centrale Fukushima Daiichi. La radioactivité les atteint violemment et, déjà, un nombre non-négligeables à « disparu » de la circulation (on évoque plus de 1400 travailleurs victimes)
(3) Le Premier ministre japonais de l’époque, Naoto Kan, avait admis ensuite devant le Parlement que son gouvernement n’avait pas repéré les inexactitudes des précédentes déclarations de l’opérateur électrique et dit « Ce que j’ai déclaré à la population était totalement erroné… Nous n’avons pas su détecter les fausses affirmations de Tepco. J’en suis profondément désolé ». Depuis Naoto Kan milite pour l’arrêt du nucléaire partout dans le monde.