Grèce et Islande : 2 visions de la démocratie
Le drame grec
Wall Street a clôturé en hausse lundi, après le vote de mesures d’austérité par le Parlement grec, les investisseurs voulant croire que cette nouvelle étape permettra d’avancer vers une résolution de la crise de la dette en Grèce.
Wall Street a gagné plus de 20% depuis son plus bas de clôture inscrit début octobre, portée par un certain optimisme, celui de voir la crise de la dette en Europe finalement résolue.
(Reuters)
Comme si la punition infligée au peuple grec était l’absolution de nos propres turpitudes.
Plus que jamais, le monde de la spéculation prend le masque du vautour qui se réjouit de l’agonie de son prochain festin.
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lundi soir devant l’ambassade de Grèce à Paris pour exprimer leur solidarité avec la population après le vote d’un nouveau plan d’austérité par le Parlement grec sous la pression de la zone euro.
Jean-Luc Mélenchona assuré lors d’une prise de parole que le plan d’austérité appliqué à la Grèce pourrait l’être « exactement de la même manière en France ».
« Ceci sera décidé à l’Assemblée nationale le 21 février prochain quand passera à l’Assemblée nationale le Mécanisme européen de stabilité financière qui, s’il est approuvé, conduira à ce que nous soyons nous aussi soumis à la vindicte de la troïka de la Banque centrale européenne, du FMI et de la Commission » européenne, a-t-il déclaré.
Olivier Besancenota assuré qu’il aurait été « clairement sur les barricades » s’il s’était trouvé dimanche en Grèce, où une nuit de violence a opposé forces de l’ordre et adversaires des nouvelles mesures.
« Le parlement grec, hier, n’a été finalement que la succursale du Fonds monétaire international, de la Banque centrale européenne et du système bancaire européen », a-t-il dit aux journalistes.
« On est venus pour réclamer, comme mesure immédiate, l’annulation de la dette grecque et, au-delà de la Grèce, car c’est une question qui touche tout le monde, une grande enquête citoyenne, un audit, sur les dettes européennes pour savoir qui spécule sur quoi », a-t-il ajouté.
(Reuters)
Ce point de vue est partagé par Sonia Mitralia, membre du Comité grec contre la dette et du CADTM international, et il a été évoqué devant la Commission Sociale de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe qui s’est tenue le 24 janvier 2012 à Strasbourg sur le thème : “Les mesures d’austérité : un danger pour la démocratie et les droits sociaux”.
Son plaidoyer qui détaille la paupérisation du peuple grec (à lire ici) se termine ainsi :
Notre conclusion est catégorique : la tragédie grecque n’est ni fatale ni insoluble. La solution existe et la répudiation, l’annulation et le non paiement de la dette publique grecque en font partie en tant que premier pas dans la bonne direction. C’est-à-dire, vers le salut de tout un peuple européen menacé par une catastrophe humanitaire sans précédent en temps de paix…
Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’annulation d’une dette, c’est à dire une sorte de banqueroute, est un procédé très classique pour les états de régler leur passif en un claquement de doigt. Bien entendu, la note est lourde à payer, mais austérité pour austérité, autant se libérer de ses créanciers. Et cela ne signifie en aucun cas la disparition de l’Etat et des infrastructures productives du pays.
La solution islandaise
On pourrait citer le cas de l’Argentine ; mais plus près de nous l’exemple de l’Islande marque un profond contraste avec le visage de chaos que l’on voit en Grèce, et il n’en est que plus significatif.
Une véritable révolution démocratique et anticapitaliste a lieu en Islande en ce moment même, et personne n’en parle, aucun média ne relaie l’information, vous n’en trouverez presque pas trace sur Google, le black-out total. Pourtant, la nature des évènements en cours en Islande est sidérante : Un Peuple qui chasse la droite au pouvoir en assiégeant pacifiquement le palais présidentiel, une « gauche » libérale de remplacement elle aussi évincée des « responsabilités » parce qu’elle entendait mener la même politique que la droite, un référendum imposé par le Peuple pour déterminer s’il fallait rembourser ou pas les banques capitalistes qui ont plongé par leur irresponsabilité le pays dans la crise, une victoire à 93% imposant le non-remboursement des banques, une nationalisation des banques, et, point d’orgue de ce processus par bien des aspects « révolutionnaire » : l’élection d’une assemblée constituante le 27 novembre 2010, chargée d’écrire les nouvelles lois fondamentales qui traduiront dorénavant la colère populaire contre le capitalisme, et les aspirations du Peuple à une autre société. (InterObjectif.net)
Ólafur Grímsson, le président islandais, a fait grincer des dents à Bruxelles en mettant le redressement plus rapide de son pays sur le compte de son refus de rembourser ses créanciers, pour la plupart étrangers. “La différence est qu’en Islande nous avons laissé les banques faire faillite, a-t-il expliqué. C’étaient des institutions privées ; nous n’y avons pas injecté de l’argent pour les maintenir à flot. L’Etat n’a pas à assumer cette responsabilité. (…)
Selon le Prix Nobel d’économie Paul Krugman, l’Islande s’est relevée plus vite parce qu’elle n’a jamais adopté l’euro. “Elle a fortement dévalué sa monnaie et imposé un contrôle des capitaux. Il s’est alors passé quelque chose d’étrange : bien qu’elle ait traversé la pire crise financière de l’Histoire, elle a été bien moins lourdement sanctionnée que d’autres nations.” Deux ans plus tard, la couronne islandaise a perdu 30 %, les fonderies d’aluminium tournent à plein régime pour satisfaire la demande étrangère, tandis que les produits locaux ont remplacé les légumes exotiques et autres tomates de serre importés.
Morale de l’histoire : si le choc d’une dévaluation peut déclencher une crise violente – et sur le coup très douloureuse –, une politique de rigueur et de déflation par la dette finit par causer plus de dégâts. (Courrier International 16-12-2010)
L’enlèvement d’Europe
L’Europe, la Démocratie, de beaux concepts inventés par les Grecs… Que les Islandais, leurs opposés géographiques et culturels, ont utilisé à leur façon, en refusant la monnaie unique et en donnant le libre choix au peuple de décider de son destin.
Deux visions de la démocratie, celle de ceux qui l’ont inventé, et celle de ceux qui ont compris comment l’utiliser.