Guerre et torture rapportent aux USA

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Washington. La privatisation des tâches les plus sordides de l’armée à la société Blackwater n’a pas cessé alors que de nouvelles révélations surgissent sur ses méthodes d’interrogation.

En avant-première, Newsweek publie cette semaine des extraits d’un long document officiel relatant comment la CIA confiait une partie du « sale boulot » de la guerre en Irak et en Afghanistan à une armée de mercenaires. Ils se chargeaient de la torture des détenus, simulant des exécutions, appliquant des électrodes, utilisant ce manuel mode d’emploi à destination des bourreaux dont la révélation avait déjà provoqué un débat sur les méthodes employées au temps de George Bush. Sauf que cette fois, il apparaît, selon d’autres sources, que la sous-traitance d’opérations de « sécurité » se poursuit .

La semaine dernière, le directeur de la CIA, Léon Panetta, avait informé le Congrès que la société Blackwater avait été chargée par la Centrale, en 2004, de mettre en œuvre un programme secret d’exécutions de dirigeants d’Al Qaida. Les assassins ayant raté leurs cibles le programme fut annulé, mais il reste que jamais le Congrès, sauf quelques « privilégiés », n’avait été informé, alors que cette décision devait avoir son approbation.

Le rapport de Leon Panetta a déclenché une série de révélations sur les activités de cette armée privée prête à fournir assassins, bourreaux ou agents de sécurité. Deux anciens mercenaires ont confié à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel que leur compagnie avait été chargée de transférer des détenus de Guantanamo dans les prisons secrètes de la CIA au Pakistan, en Afghanistan et en Ouzbekistan. Des opérations qui se déroulaient alors que l’actuel ministre de la Défense, Robert Gates, était à la tête de la CIA. Leon Panetta n’a-t-il ouvert qu’une partie de la boîte à Pandore ?

Au lendemain de l’invasion de l’Irak, c’est à Blackwater que fut confiée la garde de la plus grande ambassade américaine du monde, celle de la zone verte à Bagdad et la sécurité des oléoducs irakiens. Blackwater est actuellement poursuivie aux États-Unis pour l’implication de ses mercenaires dans une intervention qui a fait 17morts en plein centre de la capitale irakienne. Elle est également accusée par les Irakiens de viols, de vols, de destructions…

Repliée en grande partie en Afghanistan, elle a été chargée récemment d’y remplacer, écrit le New York Times, les spécialistes de la CIA qui chargeaient les bombes et dirigeaient les avions robots en opération au Pakistan depuis des bases secrètes établies dans les deux pays. Jusqu’ici leur guidage, et les bombardements, était opérés sur des écrans d’ordinateurs depuis une base de la CIA située près de Los Angeles à partir des caméras de bords, par des opérateurs photographiés par Times magazine.

Blackwater a participé au conflit en Bosnie (début des années quatre-vingt-dix), à la « révolution des roses » en Géorgie (2003). La compagnie s’est installée dans la foulée du déploiement américain en Asie centrale, en Azerbaïdjan, au Kazakhstan, où elle veille sur l’oléoduc qui va de Bakou à Ceyhan, en Turquie.

Le PDG de cette prospère société, Erik Prince, un fondamentaliste chrétien, emploie des anciens des commandos de l’Apartheid, de l’armée de Pinochet, des ex-contras du Nicaragua, des escadrons de la mort du Honduras ou de Colombie, des anciens détenus…Tous sous la direction de cadres venus de la CIA qui font l’aller retour entre public et privé, plus rémunérateur. Le coût des opérations traités par Blackwater est bien plus élevé que celles de la CIA. Son compte a été ouvert sur le budget du Département d’État et partiellement du ministère de la Défense.

Blackwater domine un marché où les concurrents sont Triple Canopy et Dyn Corp. Les mercenaires représenteraient 27% des quelque 100000employés du renseignement, formant « l’armée privée la plus puissante du monde », selon le titre du livre que lui a consacré le journaliste américain Jérémy Scahill (Acte Sud).

Au temps de George W. Bush, le prix Nobel Joseph Stiglitz avait estimé dans son livre, Une guerre à 3000milliards de dollars (Fayard, 2008), à plus d’un milliard par an le coût de cette sous-traitance pour les contribuables. De quoi enrichir le débat sur les crédits qui devraient être affectés à une « option publique », une sorte de sécurité sociale, pour le système de santé qui fait scandale dans les rangs conservateurs et chez certains élus démocrates, au nom de la liberté d’entreprise des assurances privées et de l’industrie pharmaceutique de rançonner les malades



Articles Par : Jacques Coubard

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