Guerres ou Paix
Des mouvements de solidarité pour la survie de l'humanité

Depuis quelque temps on évoque la possibilité du déclenchement d’une guerre globale au Proche et au Moyen-Orient. Les pièces sur cet échiquier sont placées de manière à générer un conflit d’une ampleur difficile à imaginer. Les stratèges de Washington sont à l’oeuvre. On sait, entre autres, que les USA ont vendu à Israel en 2004 des armes nucléaires pour une intervention militaire contre les installations nucléaires iraniennes.
Pour permettre à l’Amérique d’envahir et d’occuper de facto toute cette région il faudra faire un grand coup, un «effort» supplémentaire. Les intérêts de l’Occident sont trop importants pour ne pas assurer leurs assises dans cette région du monde riche en ressources naturelles stratégiques.
Comment justifier une intervention majeure aux yeux de l’opinion publique? La menace potentielle que constituent l’Iran et son programme de développement nucléaire, la présence de groupes terroristes possédant peut-être des armes de destruction massive, la crainte de l’État hébreu de voir son hégémonie diminuer sur les plans politique et militaire à la suite de la guerre du Liban, les revendications de plus en plus persistantes du peuple palestinien, la diminution relative de l’influence américaine, la montée en puissance de l’Iran aux yeux des masses populaires sont autant de raisons pour amorcer un mouvement propre à redessiner la géographie de l’espace politique de cette région.
Les enjeux géopolitiques mondiaux : La soumission ou la mort
Toujours à l’arrière-scène l’Empire américain se profile et ses desseins sont d’imposer un ordre qui renforcit ses assises et assure la soumission des peuples à ses doctrines et à ses lois. C’est un processus inéluctable qui ne semble pas ralentir son rythme.
L’Empire soviétique s’est effondré pour laisser le champ libre à celui que les Américains dénommaient « LE MONDE LIBRE », un monde dont la liberté est assurée pour ceux et celles qui restent fidèles aux préceptes du système impérial.
Dans ce contexte, qu’est-ce qui est réservé pour l’Humanité? La soumission ou la mort. La première a pour conséquence un accès de plus en plus limité aux ressources stratégiques et vitales de la planète, en particulier l’eau douce et potable (plus d’un milliard d’habitants en sont privés). La soumission, c’est en plus non seulement l’augmentation du nombre de pauvres mais aussi l’appauvrissement accru de ceux et celles qui le sont déjà (plus de trois milliards réussissent à survivre avec moins de deux dollars US par jour selon les données de l’ONU).
La seconde, à plus ou moins brève échéance, c’est le sort réservé à ceux qui résistent ou qui collaboreront aux œuvres de la résistance. Depuis quelques années, ils sont perçus comme des «terroristes» et depuis quelques temps ils sont devenus aussi des «extrémistes».
Globalement, l’Empire c’est l’imposition des règles de conduite sur le monde par les membres du Club nucléaire ou à toutes choses près par les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU auquel s’est ajoutée informellement l’Allemagne. Ces membres dotés du droit de veto au CS exercent, sous la férule des Américains, une hégémonie absolue sur les ressources planétaires et les autres gouvernements du monde. C’est d’ailleurs à ce club sélect qu’on a l’habitude de se référer quand on parle de la «communauté internationale».
Est-ce que cette réalité dont les effets ont une portée préjudiciable sur l’avenir de la majorité de la population mondiale est là pour se maintenir encore longtemps? Est-ce que les différentes réformes proposées pour changer en profondeur les règles de la gouvernance mondiale sont susceptibles d’aboutir et de réduire progressivement les forces de l’Empire du «BIEN». Permettez-moi d’en douter. Devant les efforts répétés déployés sur ce plan par le Secrétaire général de l’ONU depuis plusieurs années et, en particulier, à l’occasion du Sommet de New York en septembre 2005 les tentatives d’une réforme nécessaire du Conseil de sécurité se sont soldées par un échec. L’ONU, en tant qu’organisation mondiale, est sortie de ce Sommet affaiblie. Elle conserve encore un certain pouvoir moral, car son existence elle-même peut encore se justifier pour présider aux interventions nécessaires, à la fin des conflits armés, pour rétablir ou maintenir la «paix», c’est-à-dire l’ordre souhaité par Washington.
Nous avons ainsi d’un côté l’ONU qui est, en tant qu’organisation responsable de la gouvernance mondiale, un système politique sans pouvoir réel d’autorité et, d’autre part, une puissance, la «communauté internationale» qui correspond à Washington et à ses alliés les plus fidèles. L’ONU se retrouve le plus souvent dépourvue des ressources nécessaires pour prévenir les conflits et l’autre entité qui a un accès libre aux ressources peut imposer ses lois implacables par des sanctions ou par des interventions militaires directes ou indirectes.
Résister à ce processus de manière à pouvoir neutraliser cette entité voire à la rendre moins opérationnelle et moins efficace n’est pas tâche facile. C’est le défi majeur que doit relever l’Humanité pour sa survie en cette première partie du XXIième siècle.
Le Sommet de la Terre et le Forum Global de Rio en 1992 ont permis de dresser, avec l’Agenda 21 et les Traités mondiaux alternatifs, un plan d’action à l’échelle mondiale afin de mettre fin à cette hégémonie et à faciliter une récupération du pouvoir politique par les masses populaires. Ces plans nous ont indiqué la voie à suivre. Les Sommets mondiaux qui ont suivi, le Sommet sur le financement du développement tenu à Monterrey et le Sommet mondial pour le développement durable célébré à Johannesburg en 2002 n’ont pas contribué vraiment à changer la donne, car leurs recommandations en vue d’une mobilisation des gouvernements nationaux n’ont pas été appuyées par des moyens financiers et opérationnels significatifs. Les efforts ont été timides par rapport à la tâche gigantesque à accomplir. Les gouvernements, au lieu de donner priorité au modèle de développement durable, juste et équitable, ont continué de consacrer des sommes énormes à la défense dans le cadre des alliances militaires et à l’acquisition d’équipements militaires, les dépenses militaires mondiales avoisinant les 1 100 milliards de dollars US en 2005.
Des expériences collectives et solidaires de résistance pour la paix
Tandis que les invasions et les occupations militaires des territoires par l’Occident se poursuivent au Proche Orient, au Moyen-Orient et en Asie centrale, des expériences de résistance au néo-libéralisme se développent en Amérique latine. En effet, trois expériences porteuses d’avenir méritent une attention spéciale. Ces expériences obtiennent déjà l’appui inconditionnel de plusieurs peuples du monde dans la recherche des conditions de leur survie.
Ces expériences offrent beaucoup d’espoir pour un avenir meilleur pour la population mondiale, car elles se présentent avec des protagonistes qui reçoivent le support d’un très grand nombre d’artisans du développement par la coopération, la justice sociale et la paix : La révolution bolivarienne, le mouvement zapatiste de libération nationale et les Forums sociaux mondiaux alternatifs.
Le premier élément qui me permet le plus d’espérer est la révolution bolivarienne conduite par le Vénézuéla et le Gouvernement du Président Hugo Chavez. Cette révolution (le terme est approprié ici) s’attaque aux racines du mal développement en cherchant à neutraliser les forces qui promeuvent le néolibéralisme ou la concentration du pouvoir et de la richesse collective entre quelques mains, soit les entreprises multinationales et les oligarchies possédantes.
C’est une révolution qui s’inspire des valeurs universelles de la justice et de l’équité pour tous, le respect des droits humains et des libertés fondamentales tels que l’accès pour tous aux services d’alphabétisation fonctionnelle, d’éducation formelle, de santé et de logements sociaux. L’on a qu’à applaudir devant les résultats extraordinaires obtenus jusqu’à maintenant pour donner accès à tous ces services essentiels pour les plus marginalisés de la société vénézuélienne.
Cette révolution a déjà des effets heureux pour nombre de pays de l’hémisphère. Elle est le prélude de la naissance d’un mouvement profond de solidarité et de coopération entre les peuples qui veulent l’instauration d‘une paix sociale durable. Plusieurs pays, parfois de façon hésitante, se sont joints et ont adopté ou adopteront dans leur constitution nationale les principes et les valeurs de cette révolution. Une alliance solide des peuples latino-américains prend naissance; elle ne sera pas totale tout de suite, car Washington ne tolérera pas que l’on puisse illico neutraliser son influence dans toutes les sphères de la vie latino-américaine. La révolution bolivarienne est intolérable pour l’administration Bush; car elle constitue un danger de déstabilisation politique et économique pour les intérêts nord-américains dans la région. Pratiquer des brèches dans cette alliance est l’approche préconisée par Washington en Amérique centrale et dans les pays andins. Le projet «Intégration de l’Infrastructure Régionale Sud-Américaine» (IIRSA) qui permettra à l’Amérique du Sud de s’ouvrir davantage sur le marché mondial pourrait constituer un outil de neutralisation des effets de cette alliance comme les accords économiques conclus entre les USA et quelques pays tels que le Pérou et des États de l’Amérique centrale.
Ce qui est encourageant, c’est le dynamisme et la détermination inébranlable du président Chavez. Ses actions ont un effet d’entraînement non négligeable sur les autres leaders de gouvernement de plusieurs autres pays. Espérons qu’ils sauront créer le leadership et le momentum que commandent les nécessités de la résistance.
À l’instar de la révolution bolivarienne la résistance zapatiste constitue, au Mexique, un exemple de mobilisation des peuples autochtones de très grande signification. Les changements récents opérés dans la conception des orientations stratégiques de ce mouvement laissent entrevoir qu’il saura étendre davantage son influence sur l’ensemble du pays. Le taux de pauvreté croissant de la population mexicaine s’expliquerait en partie par sa participation aux Accords de Libre échange nord-américains (ALENA) et, ainsi, à l’augmentation des investissements nord-américains dans le pays ayant pour effet de maintenir des conditions de travail qui portent préjudice à l’ensemble des travailleurs mexicains. Faire comprendre au plus grand nombre cette réalité est l’une des tâches du mouvement zapatiste.
La troisième expérience collective de résistance qu’on ne peut pas passer sous silence correspond aux Forums sociaux mondiaux alternatifs qui ont été tenus, depuis 2000, à Porto Alegre (Brésil), à Mumbai (Inde), à Caracas (Vénézuéla), à Bamako (République du Mali) et à Karachi (Pakistan). Ces rencontres mondiales de près d’une centaine de milliers de représentants de la société civile sont porteuses d’espoir, car elles ont un pouvoir incontestable de mobilisation de forces vives pour la construction d’une société plus juste, une économie solidaire et une gouvernance démocratique participative.
Ces expériences extraordinaires sont conduites dans la perspective de sortir les peuples et surtout les peuples autochtones de la misère chronique dans laquelle ils ont été plongés depuis des siècles. Ces expériences doivent être encouragées par tous les moyens. Je sais que les Canadiens et les Québécois sont de plus en plus solidaires des peuples qui vivent ces expériences. Espérons que le Canada et le Québec sauront se joindre à ces expériences porteuses d’espoir pour l’ensemble des peuples de la Planète.
Jules Dufour, Ph.D., est Président de l’Association canadienne pour les Nations Unies (ACNU) /Section Saguenay-Lac-Saint-Jean, membre du Cercle universel des Ambassadeurs de la Paix, membre du Conseil national de Développement & Paix.
Références
CHOSSUDOVSKY, M., (ed.). 2005. Iran : Next Target of US military Agression.. Global Research E-Monograph and Reports Series, No. 3, February 2005. Adresse Internet : http://www.globalresearch.ca
DUFOUR, J. 2003. Le nouvel ordre mondial se met peu à peu en place. Association canadienne pour les Nations Unies (ACNU) – Section Saguenay-Lac-Saint-Jean, Saguenay, Le Devoir, le 20 août 2003, p. A6. http://www.ledevoir.com/2003/08/20/34312.html
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