H1N1 : les médias contaminés par la fièvre
Alors que le vaccin contre la grippe H1N1 sera bientôt disponible en France de nombreuses questions se posent. Alarmisme et obligation de se vacciner d’un côté, théorie du complot et peur du vaccin de l’autre. Où se placer pour comprendre les enjeux et les dangers de ce phénomène? Il semble qu’en fait cette crise révèle les défauts de nos sociétés autour de la question médiatique, des rapports entre pouvoirs politiques et économiques, du contrôle croissant des autorités et des inégalités Nord-Sud.
Le caractère bénin de la grippe H1N1 est de plus en plus attesté par de nombreux professionnels de santé (voir: «Halte à la désinformation»), pourtant les grands médias publient des articles alarmistes. Pour ne prendre que deux exemples, Libération titrait le 8 septembre : «La France compterait 20.000 cas par semaine ». Or, si nous allons vérifier ses propres sources (Institut National de Veille Sanitaire), il ne s’agit que de consultations pour symptômes grippaux (fièvres, courbatures) et de quelques dizaines de cas avérés. Beaucoup moins grave ! De même dans Le Figaro : «Grippe A: 40% des décès frappent les bien portants » tout en admettant un peu plus bas : «Pour l’instant, on ne connaît pas bien le taux de décès lié à ce virus. Pour cela, il faudrait connaître le nombre exact de personnes ayant été infectées et le nombre exact de personnes décédées». Ces perles médiatiques ont été recensées en détails par le docteur Girard (1).
D’autre part, les résultats des tests de vaccins ne sont pas encore connus. Ils présentent donc un potentiel de risque de développer d’autres maladies. On se souvient de la vaccination massive contre l’hépatite B qui a favorisé des cas de scléroses en plaque. De même en 1976 aux Etats-Unis, des cas de troubles neurologiques ont été observés après la campagne de vaccination contre… une grippe porcine. Pourtant les mêmes journaux font la promo des vaccins et des produits anti-grippe. Le Monde explique même comment se laver les mains et porter les masques. Des animations complexes montrent sans convaincre comment le virus pénètre et comment l’anti-viral Tamiflu le combat. Le Figaro fait parler une de ses stagiaires malades : «Pour une jeune fille en pleine santé, ce fut juste un très mauvais moment à passer, mais je mesure mieux aujourd’hui à quel point ce virus peut être dangereux quand on est une personne fragile.» (2)
Tamiflu contesté
Pourtant l’efficacité du Tamiflu est fort contestée par de nombreux médecins. Selon Pharmacritique (3), 19% des virus AH1N1 circulant en Europe en 2008 se sont révélés résistants à l’oseltamivir [Tamiflu]. L’efficacité semble faible pour un médicament coûtant 50 euros, voire même 150 euros sur ebay ! Alors que selon le Dr Dupagne: « les antibiotiques sont inefficaces, les antiviraux rarement justifiés. Le traitement de la grippe, c’est le repos au lit avec des boissons chaudes et du paracétamol pour la fièvre.» (4)
Non seulement, on diffuse des chiffres trompeurs, mais surtout on omet de confronter les différents points de vue médicaux. Ce qui repose la question : que vaut l’information de ces journaux ? Besoin de sensationnel pour vendre ou moyen de véhiculer les messages d’en haut ?
Bien sûr, l’Histoire est pleine d’épidémies meurtrières et il paraît censé que les gouvernements appliquent le principe de précaution en cas de pandémie potentielle. Mais il n’y a eu en France métropolitaine qu’un millier environ de cas avérés et cinq décès. Alors pourquoi tant de tapage ? A qui cela profite-t-il ?
D’étranges coïncidences mènent à s’interroger, par exemple : Nicolas Sarkozy visite le Mexique et fait signer un contrat pour la construction d’une usine de vaccins par Sanofi-Aventis (5). Six semaines plus tard, la pandémie éclate dans ce pays. Aux Etats-Unis, D. Rumsfeld est un gros actionnaire de la compagnie qui produit le Tamiflu. (6)
Sans embrayer sur des théories du complot, on peut en tout cas observer qu’ils savent dans quels secteurs très rentables investir. Sanofi Aventis annonce – en pleine récession mondiale ! – une croissance du chiffre d’affaires de 5,4% aux Etats-Unis, de 4,6% en Europe et de 20,1% dans les pays émergents.
Inégaux devant la maladie
H1N1 soulève une autre question cruciale : pourquoi investit-on massivement dans une maladie, bénigne, du Nord alors qu’on ne fait rien pour les maladies mortelles du Sud comme la diarrhée ou la malaria ? (voir: La grippe dope la santé des firmes). En outre, les vaccins sont accaparés 90% par le Nord dont les citoyens ont les moyens de payer. Pour qu’ils ne tombent pas malades et continuent à travailler. L’INRS (Institut chargé de la sécurité au travail) déclare qu’en moyenne 20% des employés seront absents sur toute la durée de la pandémie. Lors du pic, un sur deux ne travaillera pas. Plus le nombre de contaminés sera élevé, moins la machine économique tournera. Finalement, ces milliards sont un investissement, et on se soucie peu des effets secondaires probables. D’ailleurs, Yves Charpak, directeur de l’institut Pasteur (associé au groupe Sanofi-Aventis) déclare à Politis que l’investissement est «moins cher qu’un sous-marin nucléaire».
Du fait que les médias traditionnels se comportent ainsi, toutes sortes d’inquiétudes et d’idées circulent sur Internet. Parfois délirantes. Ainsi, la journaliste ( ?) autrichienne Jane Burgemeister prétend que le vaccin serait un outil conçu par un syndicat international afin de tuer 90% de la population mondiale. Dans cet article plein de syllogismes et de non-sens, elle prétend aussi que Michael Jackson a été assassiné par la CIA car il en savait trop. Ces théories du complot jettent la confusion surtout si elles intègrent, ça et là, l’un ou l’autre fait véridique. D’autres prétendent rejeter tous les vaccins quels qu’ils soient, sous prétexte qu’il existe des abus.
Des lois liberticides
Elisabeth Guigou, ex-ministre française de la Justice, affirme dans un communiqué officiel (7) qu’il existe une circulaire visant à limiter les libertés en cas de pandémie : « La grippe devient le prétexte à des lois d’exception qui jouent sur la peur et nient les principes démocratiques ». Le syndicat de la magistrature a confirmé ses propos : « Nous ne pouvons tolérer que de telles atteintes aux principes démocratiques soient envisagées par le gouvernement. Nous demandons expressément de renoncer à la mise en œuvre d’un tel dispositif liberticide. » (8)
Ces lois prévoient notamment, pour un délai de 6 mois renouvelable une fois :
– de faire juger les mineurs par le tribunal correctionnel, au mépris des principes constitutionnels et internationaux en la matière ;
– de réduire les droits des personnes gardées à vue, en particulier celui de s’entretenir avec un avocat qui pourrait être inexplicablement différé à la 24ème heure ;
– de suspendre tous les délais de prescription.
En Belgique, la Commission de la Santé publique de la Chambre a adopté mardi 22 septembre à l’unanimité un projet de loi accordant des pouvoirs spéciaux au gouvernement en cas d’épidémie ou de pandémie de grippe A (H1N1) « Pour le moment, il n’y a pas plus de malades ni de décès qu’avec les autres grippes. Ce qui me dérange, c’est le plus de lois imposé par le gouvernement. Et si le virus devenait très dangereux, je conseillerais, inciterais mes patients, mais jamais je ne pourrais les obliger. Aucun médecin ne peut administrer un médicament sans consentement. Cela va contre le serment d’hippocrate.», déclare Jean-Louis Seillier, médecin généraliste bruxellois.
En conclusion, cet événement est fort révélateur. 1. Comment nos libertés peuvent être facilement mises en cause. 2. Comment les médias nous désinforment, ce qui peut, à l’inverse, favoriser des délires paranoïaques. 3. Comment les gouvernements prennent des risques envers notre santé au nom des profits des entreprises. 4. Comment l’Occident est égoïste face au pays du Sud.
Bref, une bonne expérience de plus pour conserver son esprit critique de citoyen et pour rechercher les bonnes informations. Et pour lire les trois documents que nous avons rassemblés quelques documents précieux dans notre dossier :
Grippe H1N1: halte à la désinformation par le Syndicat Nationale du Personnel Infirmier
La grippe dope la santé des firmes par Thierry Brun
L’art de créer des alertes en santé publique par Marc Girard
Notes:
1 – http://www.rolandsimion.org/
2 – « Les dix jours de calvaire de ma grippe A» 15/09/2009 Le Figaro
4 – www.atoute.org
8 – www.syndicat-magistrature.org