Un grand dramaturge, mais aussi, sur les massacres des Palestiniens, sur les forfaits du grand empire d’Occident, sur les omissions et l’omertà des mass medias et sur le silence des intellectuels, un témoin de vérité, un défenseur farouche des droits de l’homme, un grand combattant de la liberté.
Huit mois avant sa mort, qui a coïncidé avec le dernier et le plus atroce des massacres, Harold Pinter avait écrit à propos du 60ème anniversaire d’Israël :
« Nous ne pouvons pas célébrer la naissance d’un état fondé sur le terrorisme, sur les massacres, sur l’expropriation des terres appartenant à un autre peuple. Nus ne pouvons pas célébrer la naissance d’un Etat encore et toujours engagé dans un nettoyage ethnique qui viole la loi internationale, qui inflige une monstrueuse punition collective au Moyen-Orient ».
Sa dénonciation des crimes des Etats-Unis d’Amérique, constante tout au long des années et constamment tue par les mass médias, il l’a élaborée ensuite avec une éloquence superbe dans son discours de réception du prix Nobel en 2005. Sur l’omerta d’omissions et de distorsions de la vérité par les opérateurs de l’information, qui se vérifie à nouveau ces jours ci par les comptes-rendus du massacre israélien des Palestiniens de Gaza, avec les armes les plus sophistiquées de l’arsenal étasunien, il s’était exprimé ainsi, en 1996 :
« Les crimes étasuniens dans le monde entier sont connus : complètement, systématiquement, sans moyens termes, mais personne n’en parle. Personne ne l’a jamais fait. Probablement parce que le prix serait celui de la survie d’un journal ou d’une chaîne de télévision. Il faut dire aussi que la nécessité absolue du contrôle économique est le déterminant fondamental de tout cela et que le témoin innocent qui élève la voix sera pris à coups de pied dans la bouche. Ce qui est très logique. Le marché doit triompher et triomphera ».
Grâce au vignettiste politique Enzo Apicella, j’ai rencontré Harold Pinter à Londres en 1989 : je travaillais à New York pour le Tg3 de la Rai (journal télévisé de la 3ème chaîne d’Etat, NdT) et je rentrais d’une énième visite au Nicaragua sandiniste dévasté par les attaques des mercenaires « Contras » financés et armés par les Etats-Unis. Et j’avais lu à ce sujet un de ses commentaires, fait deux ans plus tôt :
« Les Etats-Unis ont infligé des dommages énormes et pour longtemps à ce pays fier, petit, vulnérable et extrêmement courageux. Des milliers de Nicaraguayens, hommes, femmes, enfants ont été assassinés et mutilés par les Contras, comparés par Ronald Reagan aux Pères Fondateurs des Etats-Unis. On les a violés, écorchés vifs, décapités, châtrés.
Nous devons arrêter l’éléphant américain ».
L’éléphant n’a pas été arrêté. Un mois avant notre rencontre à l’Hôtel Savoy de Londres, le Président Nicaraguayen Daniel Ortega avait lancé des élections anticipées, fort des sondages qui le donnaient favori avec 64% des voix contre son adversaire soutenu par les Etats-Unis, Madame Viletta Barrios de Chamorro. A cette occasion comme en d’autres, il se montra prophétique : « Le front sandiniste perdra les élections – nous dit-il. Les trente mille civils assassinés par les « Contras » et les millions de dollars investis dans ces élections par Washington retourneront les humeurs de l’opinion publique. Les fraudes électorales complèteront le travail. La tragédie du Nicaragua est une tragédie sans fin ».
Je ne sais pas si, avant de mourir, il aura pu prendre acte de la vérification de sa dernière prévision. Les Etats-Unis ont annulé à Daniel Ortega, revenu au pouvoir avec des alliances équivoques, les rares aides économiques qu’ils avaient accordées. Et en décembre, à la suite du résultat des élections municipales à Managua – élections plus ou moins truquées qui ont vu la victoire des sandinistes- l’administration Bush, avec l’accord de l’Union Européenne, a suspendu même ses aides humanitaires au Nicaragua (médicaments, semences et jusqu’à l’assistance de la Croix Rouge étasunienne). Un événement aux conséquences dramatiques complètement ignoré par les mass médias occidentaux. Mais ce n’est pas seulement l’exécrable larcin de vérité perpétré par les mass médias sur les tragédies nicaraguayenne, palestinienne, kurde, irakienne, afghane et libanaise qui engendrait les protestations de Harold Pinter : il était aussi indigné par le silence des intellectuels étasuniens et européens sur les forfaits de l’empire d’occident dans les trente dernières années. Rares furent les exceptions dont nous parlâmes dans cette rencontre londonienne : principalement Graham Greene et Tennessee Williams. Des intellectuels italiens, il se borna à dire : « Ils semblent uniquement intéressés par le succès de leur production littéraire aux Etats-Unis ».
L’assourdissant silence de nos intellectuels sur les massacres sans précédents perpétrés ces jours-ci par l’Etat israélien à Gaza confirme que leur intérêt pour les droits d’auteur a balayé celui pour les droits de l’homme.
Lucio Manisco
[email protected]
Traduction: Marie-Ange Patrizio
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