Hillary Clinton et la politique de l’opportunisme

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L’auteur de ces lignes reste perplexe et dérouté par l’apparent amour universel des démocrates dont est recouvert l’unique et seul grand candidat annoncé du parti, Hillary Clinton.


Il reçoit des demandes sans fin de la part d’organisations comme « Emily’s List », le « comité démocratique de campagne du Congrès » et « Florida for Hilary’s » pour son argent durement gagné, afin de soutenir le couronnement de l’ancienne première Dame, sénatrice et secrétaire d’Etat. Ces sollicitations incluent généralement un certain nombre de personnes ayant déjà fait une donation, et les montants ayant été atteints, sont toujours un peu en dessous de l’objectif. Il est sous-entendu que l’auteur de ces lignes pourrait pousser Madame Clinton au sommet.

Mais pourquoi, et cet auteur cherche réellement à le savoir, y-a-t-il autant d’enthousiasme pour Madame Clinton ? Qu’a-t-elle fait durant toutes ces années de vie publique, pour le garantir ? N’a-t-elle jamais accompli quelque chose pour le plus grand bien sans décevoir ?

Penser à Mme Clinton, cela nous évoque Paris Hilton, une créature essentiellement inutile qui est simplement célèbre pour sa célébrité. Madame Clinton est-elle si différente ? Peut-être l’est-elle ; au moins Mme Hilton n’est pas dangereuse.

Penchons-nous sur une situation dans laquelle Mme Clinton aurait pu prendre une position fondée sur des principes, mais où elle a, à la place, choisi le plus simple chemin de l’opportunisme politique.

Suivant les attaques aux Etats-Unis du 11 septembre 2001, l’administration du président George Bush a cherché à fabriquer quelques liens entre ces attaques et l’Irak abondant de pétrole.

Les services de renseignements américains ne purent cependant trouver de lien crédible, information dont disposait l’administration Bush, mais qui ne fut guère partagée avec le Congrès. Malgré tout une invasion fut requise par l’autoproclamé « président de guerre ».

Afin d’y parvenir, quelques connexions douteuses entre Al-Qaïda et l’Irak, ainsi que des accusations publiquement proclamées selon lesquelles l’Irak disposait « d’armes de destruction massive » directement pointées sur les USA. Chez la population crédule des Etats-Unis, cela déclencha l’effroi, un sentiment de revanche contre les crimes du 11 septembre et la volonté de se prévenir d’éventuels événements similaires.

Ainsi la résolution de guerre avec l’Irak (officiellement la résolution pour l’autorisation d’utiliser la force militaire contre l’Irak) de 2002 fut adoptée en octobre de la même année, avec 29 sénateurs démocrates votant en sa faveur. Incluse dans cette liste disgracieuse, l’actuelle coqueluche des démocrates, Mme Clinton.

Deux ans plus tard, quand le bilan des morts s’accroissait et que l’Irak sombrait dans la guerre civile, Mme Clinton déclara ne pas regretter son vote, bien qu’elle estimait que M. Bush avait mal géré l’entière situation.

Maintenant, bien que Mr Bush ait choisi de cacher des faits importants au Congrès, examinons quelques-uns d’entre eux qui étaient largement connus à l’époque.

— Les inspecteurs en armement, menés par Hans Blix de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), obtenaient pour n’importe quelle requête, un accès sans précédent à chacun des sites en Irak lors de leurs recherches sur ces « armes de destruction massive ». Ils n’en trouvèrent aucune.

— Quelques un des plus proches alliés des USA, parmi lesquels la Russie, le Canada et la France, refusèrent de participer à l’invasion. Ils souhaitaient que les inspecteurs en armement continuent leur travail et trouvaient douteuses les proclamations américaines concernant le risque que représentait l’Irak pour le monde.

— À travers le monde, des millions de personnes protestèrent contre l’imminente invasion. Ainsi, basées sur ces trois faits, quelques questions auxquelles Mme Clinton n’a jamais convenablement répondu.

— Pourquoi autoriser une guerre quand son motif, dans ce cas le désarmement d’armes de destruction massive, était pour le moins douteux ? Si l’on décide de déclarer la guerre (et cet auteur est loin d’être convaincu que cette forme particulière de massacre puisse être un jour justifiée), ne faudrait-il pas au moins attendre de voir si sa motivation est pertinente ?

N’y a-t-il aucune valeur à écouter la considération réfléchie d’alliés de confiance ? Si bien d’autres pays, spécialement ceux qui ne dépendent pas de l’aide américaine internationale et qui sont donc d’une certaine manière plus libres d’exprimer une opinion honnête, s’opposent à une résolution majeure américaine, résolution périlleuse, ne faudrait-il pas leur prêter plus d’attention ?

— Enfin, si les représentants élus des USA veulent ignorer l’opinion mondiale, c’est une chose. Mais avec l’opposition massive contre l’invasion bien démontrée dans les rues américaines, cela n’appelle-t-il pas peut-être à un délai dans le processus de guerre, afin que plus d’informations puissent être obtenues, et les soucis de la population entendus ?

Apparemment, des considérations aussi insignifiantes telles que de ne pas avoir une raison réelle pour la guerre, l’opposition d’alliés et la voix des citoyens, n’étaient pas dignes de l’attention de Mme Clinton. Elle a sans doute préféré ne pas paraître faible face au terrorisme (quel qu’il soit) ; au 21ie siècle, dans les cercles politiques américains, cela aurait pu être aussi dévastateur que de ne pas se montrer ferme face au communisme il y a une génération.

Non, il vaut mieux ne pas trop faire de vagues, surtout quand l’on est à peine une jeune sénatrice et que l’on a à l’esprit un retour à la Maison-Blanche, cette fois en tant que star et non comme simple personnage de soutien. Après tout, qu’ont le sens politique, le leadership de principe et la morale à voir avec le fait de gouverner aux Etats-Unis ? Ce sont de bonnes bouchées pour les infos du soir qui comptent.

Mais il se peut aussi que Mme Clinton n’ait pas assez réfléchi au point de manquer une sérieuse opportunité. On peut en effet soutenir qu’à l’inverse de cette sénatrice arriviste de l’Illinois, elle aurait été nommée présidente en 2008 si elle avait voté contre cette résolution de guerre.

Aujourd’hui, même si la base démocrate peut avoir la mémoire courte, Mme Clinton aura besoin de tout ce qu’il reste de la vraie gauche pour gagner ; bien trop de gens la méprisent à droite ; elle aura donc besoin des votes de toute la gauche et du centre.

Mais peut-elle compter sur eux ? Cet auteur espère sincèrement que non. Alors que le cirque pour la nomination républicaine vient à peine de commencer, avec ses attendus clowns cherchant leurs soutiens, il est temps pour les démocrates de voir Mme Clinton comme l’opportuniste qu’elle est et de chercher une alternative viable. Qu’une telle personne sorte du lot est improbable, et c’est symptomatique du triste état des affaires politiques et gouvernementales aux Etats-Unis.

Robert Fantina

Source originale : The Politics of Opportunism, Hillary Clinton: the Savior That Wasn’t, Counter Punch, 24-26 avril 2015

Version française : Investig’Action 
Traduit de l’anglais par O.M. pour Investig’Action 



Articles Par : Robert Fantina

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