Honduras : Clinton, Zelaya et le peuple du Honduras
Entrevue avec Arnold August
Entrevue avec Arnold August à l’émission Le monde cette semaine d’André Pesant sur les ondes de CIBL, Radio Montréal, le 6 septembre 2009.
Arnold August, auteur montréalais et expert de la démocratie cubaine, a suivi de près la situation au Honduras depuis le coup d’État du 28 juin 2009 et l’animateur André Pesant lui pose les questions incontournables concernant cet évènement. À noter qu’August est d’ailleurs auteur d’un article qui traite la question en profondeur, intitulé «Washington face au Honduras : un numéro d’équilibriste ».
M. Pesant a remis les auditeurs en contexte en rappelant que ce coup d’État militaire a été mené par le chef des armées le général Vasquez, «légalisé» immédiatement par la cours suprême, dans un pays où l’importante base militaire états-unienne de Soto Cano a constituée le point de départ de plusieurs autres agressions contre les États voisins. « Pourtant la résistance de la population persiste et l’appui extérieure de Roberto Micheletti, président de facto, semble s’affaiblir », souligne l’animateur. Ce coup a-t-il été monté par les États-Unis à partir de la base militaire de Soto Cano? Quels sont les possibilités que l’ordre constitutionnel soit rétabli au Honduras? Pour que cesse l’ingérence militaire états-unienne dans les affaires des pays de la région? Le premier mandat du président Obama sera-t-il marqué par un changement de manière d’agir ou par la continuation de la politique de la canonnière à l’égard des régimes voisins inspirés par le Vénézuélien Hugo Chavez?
M. August explique d’abord les circonstances qui ont mené à l’enlèvement brutal du président Zelaya de sa résidence dans la nuit du 28 juin dernier. La politique que Manuel Zelaya suivait avant le coup a effectivement marqué un changement de cap dans ce petit pays d’Amérique centrale. Les mesures concrètes de Zelaya précédant son agression comprend entre autres choses celles-ci : il a décidé d’augmenter le salaire minimum, il a abaissé les taux bancaires, il a offert des subventions aux petits agriculteurs, il a développé un programme de réduction de la pauvreté, il a proposé une plus grande participation du peuple à la vie politique et a proposé au congrès en 2008 l’adhésion à l’ALBA, l’Alternative Bolivarienne des Amériques, dont sont membres des pays tels que Cuba, le Venezuela, l’Équateur et la Bolivie. Zelaya envisageait également la fermeture de la base militaire de Soto Cano et le projet de la transformer en aéroport international. August a fait remarquer que Soto Cano était la base d’opération des états-uniens, entre autres, durant les événements contras au Nicaragua, guerre responsables de la mort de dizaines de milliers de personnes.
M. Pesant a questionné August concernant le rôle des grands médias locaux Hondurien lors du coup d’État, soulignant que le contrôle de ceux-ci est entre les mains des riches oligarchies du pays : « On sait par le témoignage de l’ambassadeur états-uniens lui-même que la télévision nationale principale était hors d’usage tôt le matin le 28 juin. Pour des raisons évidentes, on ne devait pas faire l’annonce de l’enlèvement de Zelaya par les militaires et son expulsion du pays par la force. » August a aussi souligné que les médias du Canada et des États-Unis ont également appliqué un boycott de l’information additionnée d’une campagne de dénigrement du président Zelaya. «Les médias d’informations au Honduras qui osent vouloir diffuser l’information objectivement ont été et sont encore réprimés violemment et emprisonnés.» C’est la guerre médiatique contre le peuple du Honduras. Si ce n’étais pas de certains médias à l’extérieurs tels que Telesur international basé au Venezuela, Cubavision de Cuba et Prensa Latina de Cuba plusieurs informations, photos et vidéos n’auraient pu être diffusés du tout.
M. Pesant a questionné son invité concernant la rencontre qui a eu lieu le 3 septembre dernier entre la secrétaire d’État Hilary Clinton et le président Hondurien Manuel Zelaya, à savoir si elle fut un pas en avant pour le rétablissement de l’ordre au pays. Au lieu de clairement dénoncer le coup d’État militaire, la secrétaire d’État a adopté la position contraire en négligeant de décréter l’illégalité de l’opération en tant que coup d’état militaire et en donnant ainsi une apparence de légitimité à la position des putschistes. Clinton l’avait fait par l’entremise d’une déclaration du Département d’état qui a fait allusion, comme cause de putsch, à un conflit entre le Congrès, la Cour suprême, le militaire, etcetera. Voici des paroles qui coïncident exactement avec la position des putschists. August a fait remarquer : « La coupure financière de 30 millions de dollars annoncée le 3 septembre est un très petit montant à comparer les 164 millions donnés par le Fond Monétaire Internationale, (dans lequel Washington détient un veto), argent qui aide directement les putschistes.» « De plus, il y a 200 millions de dollars puisé du Millenium Challenge Corporation qui seront dirigés vers le Honduras dans les mois à venir » rajoute August. En vue de telles circonstances, comment espérer un retour de l’ordre constitutionnel, demandait André Pesant ?
Selon August, c’est avant tout dans les rues du Honduras que se dessinera la suite des évènements au cours des semaines et des mois à venir, donc l’avenir de la lutte est entre les mains du Front National de Résistance.
Karine Walsh est une militante pour la justice sociale, membre de la Table de concertation de solidarité Québec-Cuba et animatrice de Dimension Cubaine à Radio Centre-Ville, radio communautaire de Montréal (Québec).