Hunger Game: Blockbuster et film contestataire ?

Le deuxième épisode de la trilogie The Hunger Games, Catching Fire (L’Embrasement), est sorti en salles le 27 novembre. Le film devrait réussir, dans la lignée du premier opus de la série, à allier réussite commerciale et message politique progressiste.

L’histoire se déroule dans l’univers de Panem (des États-Unis futuristes post-apocalyptiques). Le gouvernement ultra-autoritaire (le Capitole) est au service de l’oligarchie, et a divisé les travailleurs en différents districts. Ceux-ci vivent tant bien que mal de leur travail, dont les fruits font vivre l’élite.

Le plus terribles des caprices de cette classe dominante décadente sont les Hunger Games. Pour ceux-ci, deux jeunes gens sont choisis dans chacun des districts. Les participants doivent se battre jusqu’à la mort, le dernier survivant étant nommé vainqueur. Le tout, diffusé en direct à la télévision.

C’est là qu’entre en jeu Katniss Everdeen, 16 ans, l’héroïne de l’histoire. Issue du district 12 (celui des mineurs), orpheline de père, Katniss fait vivre sa famille comme elle peut. Mais, lorsque sa petite sœur Primrose est sélectionnée pour les Hunger Games, Katniss décide de se porter volontaire à sa place. Elle participe, mais refuse la logique de compétition à mort, et parviendra à gagner et à contraindre le Capitole de finir le jeu avec deux vainqueurs, elle et Peeta, l’autre jeune de son district.

Le personnage de Katniss Everdeen est exemplaire. Loin des clichés des héroïnes fragiles et coquettes, il s’agit d’une femme forte au caractère bien trempé. Puisse-t-elle plus inspirer les jeunes filles que Barbie et co.

Le deuxième volet s’ouvre avec la tournée de victoire de Katniss et Peeta. En tant que vainqueurs, ils sont en effet contraints de faire le tour des districts, d’y prononcer des discours préparés par le Capitole. Cette tournée a en réalité pour but de calmer la révolte qui gronde dans les districts.

Cependant, les désordres sociaux ne se calment pas. Aussi le Capitole décide-t-il d’organiser des Hunger Games spéciaux, qui feront s’affronter des anciens vainqueurs de chaque district. But de la manœuvre : éliminer Katniss, et briser l’espoir des travailleurs révoltés. Rappelons seulement que ce deuxième volet de The Hunger Games s’intitule L’Embrasement, et que le troisième porte le titre alléchant de La Révolte.

Un blockbuster au fond critique

Hunger Games est une histoire d’aventure bien ficelée, avec des ingrédients et ressorts narratifs efficaces, qui en font un agréable divertissement. On peut regretter que le deuxième volet soit construit de façon quasiment identique au premier, avec la répétition des Hunger Games, de la préparation, des cérémonies, etc. Cela n’empêche heureusement pas L’Embrasement d’avoir sa raison d’être et d’amener de nouveaux éléments à l’histoire.

En effet, si l’aventure semble de prime abord focalisée sur les personnages principaux – Katniss et Peeta – , l’histoire sociale qui se déploie en arrière-plan détermine clairement l’ensemble du récit. Si le premier épisode mettait en avant les inégalités de l’univers de Panem et la dynamique du système, L’Embrasement porte davantage sur le début du changement. La répression et la manipulation ne suffisent plus à calmer la colère du peuple, et on voit les travailleurs commencer à s’insurger dans les districts, montrant ainsi la force collective de la contestation.

Classes, médias, police

Hunger Games est un récit de science-fiction qui parle, comme les meilleures œuvres de fiction, de la réalité. Certes, il ne s’agit pas d’une analyse fouillée du capitalisme et des mécanismes économiques et de propagande idéologique au sein de ce système. Cependant, Hunger Games fait partie de ces œuvres grand public qui, depuis quelques années, intègrent des éléments de critique et des héros révoltés.

Dans l’univers de Panem, la première chose marquante est cette division en classes très marquée. Les travailleurs sont divisés, mais tous les districts ont ceci de commun que les habitants vivent de leur travail, là où l’élite de la capitale semble vivre de ses rentes, donc du travail des autres.

Ensuite vient la critique des médias et de la téléréalité. Celle-ci est au centre de l’histoire, puisque les Hunger Games sont un « jeu » de téléréalité. Un divertissement malsain qui remplit un triple but : divertir les riches, diviser les pauvres et faire comprendre à ceux-ci que la contestation n’est pas tolérée.

Enfin, la logique de répression policière est très évidente dans Hunger Games. Les policiers suréquipés de Panem ont une mission : garantir l’ordre et mater toute contestation.

Classes, médias, police sont les trois éléments principaux de critique sociale de Hunger Games, et il est difficile de ne pas trouver dans notre quotidien des exemples de parallèles avec la fiction.

Une vraie héroïne

Le personnage de Katniss Everdeen est par ailleurs un autre point fort de l’œuvre. Jeune femme issue de la classe ouvrière, elle est amenée à s’opposer au système, et devient l’emblème de la révolte. Le modèle de personnage féminin qu’elle incarne est à des kilomètres du modèle de princesse coquette trop souvent diffusé par les grosses productions. Katniss ne cherche pas à être protégée par un homme fort, à s’occuper de son apparence, à parler de mecs avec ses copines. Elle doit faire vivre sa famille, la protéger, et c’est elle qui montre le plus de courage en s’opposant non pas à ses concurrents dans le jeu, mais bien au jeu lui-même, et donc au Capitole.

Le succès de The Hunger Games – les romans d’abord, qui ont été et sont encore des best sellers, les films ensuite, qui sont de vrais blockbusters – dévoile quelque chose. Cela montre qu’aujourd’hui, le public est sensible à ces récits de révolution, à des œuvres qui montrent les injustices et à des héros qui choisissent de se battre contre celles-ci. Ce phénomène met en évidence la soif de changement, surtout présente chez les jeunes (le public cible de Hunger Games), face à un monde en crise. L’importance d’avoir des références culturelles qui donnent de l’espoir dans la possibilité de changement est dès lors cruciale.

The Hunger Games s’inscrit dans cette lignée, et, s’il ne s’agit pas d’un manifeste marxiste pour la révolution, ce n’en est pas moins une petite étincelle de révolte dont on espère qu’elle enflammera de nombreux lecteurs et spectateurs.

Avant les films, les romans

Avant d’être des films à succès, la trilogie Hunger Games est une série de romans de Suzanne Collins, qui ont rencontré un grand succès en librairie. Ceux-ci ont été publié en français aux éditions Pocket Jeunesse

Quentin Vanbaelen

 

 



Articles Par : Quentin Vanbaelen

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