Inondations majeures au Québec : Instabilité climatique ou crise annoncée ?

Québec Canada - apprentissage collectif entourant les inondations dues aux crues extrêmes

Région :
Analyses:

Le Québec vit en ce moment des inondations majeures qui affectent plusieurs régions du Québec. Des citoyens ont commencé à revivre le cauchemar des inondations de 2017.

Sir les rives du lac St-Pierre tout comme la rivière Chaudière en Beauce, le niveau d’eau a déjà dépassé celui de 2017. Le bilan d’Urgence Québec indique que près de 3000 résidences sont inondées au Québec et plus de 1300 personnes ont été évacuées.

Le Premier ministre du Québec Jean-François Legault a déclaré que les sinistrés devaient envisager de déménager ou à être relogés. Cela a certes suscité la polémique chez les Québécois.  Les sinistrés recevront une somme maximale de $100 000, mais $200 000 pour déménager…: « Est-ce qu’on est capables de déplacer un groupe de citoyens ? Si on les envoie chacun de leur côté, c’est certain qu’on perd la vie de quartier. Il faut regarder si c’est possible de faire des déménagements en groupe », a-t-il déclaré. « Peut-être que ça va nous coûter moins cher que de déménager tout le monde »… (en parlant des 200 maisons détruites à Pointe-Gatineau).

« Les autorités municipales sont encore sur un pied d’alerte. Leurs ressources sont toujours mobilisées et les nôtres aussi. Personne ne crie victoire même si on voit la lumière au bout du tunnel », indique Éric Houde, porte-parole de la sécurité civile. Les gens devront également redoubler de prudence, dit-il : le dégel du sol va causer des épisodes de glissement de terrain dans les prochains jours.

Source : Le Devoir, 23 avril 2019

Par ailleurs, la plus petite municipalité du Québec, Ile-Cadieux, s’est vite organisée face à la montée des crues… Des centaines de sacs de sable sont encore disponibles et les bénévoles sont les bienvenus.

Photo prise à l’Ile-Cadieux, le 22 avril 2019 par Micheline Ladouceur

Dans ce contexte, Mondialisation.ca publie à nouveau le texte important du regretté géographe Jules Dufour en juillet 2017.


Les changements brusques de température, l’instabilité climatique et les caprices de mère nature semblent perturber de plus en plus les différentes régions de notre planète. De vastes espaces dans l’ouest canadien et en Europe sont présentement sous l’emprise de vastes feux de forêt forçant l’évacuation de milliers de résidents. Au printemps 2017, le Québec a vécu des inondations dépassant les prévisions des  zones définies comme inondables sur une échelle de 100 ans.

Réchauffement climatique ou perturbations climatiques extrêmes ? Si l’instabilité climatique est de plus en plus réelle, les experts ont souligné que le réchauffement de la planète n’était pas la véritable cause des crues printanières exceptionelles au Québec et qu’il s’agissait d’un événement météréologique inattendue. Néanmoins les lois régissant les constructions en zones inondables ont certes amplifié le problème des inondations dans le sud du Québec obligeant les municipalités à évacuer des centaines de résidents.  

Le géographe Jules Dufour décrit les phénomènes des crues à travers les données historiques des inondations au Québec, Canada, depuis les vingt dernières années. Son regard porte plus particulièrement sur l’importance de la gestion du territoire en privilégiant un aménagement axé sur la protection de l’environnement. Éviter les erreurs du passé en empêchant la construction en zones inondables.

Micheline Ladouceur, rédactrice de Mondialisation.ca

*** 

En avril et mai 2017, des inondations majeures ont affecté le sud du territoire québécois au cours de la période printanière. Nous vivions ainsi pour la troisième fois en 20 ans les affres de ces débordements. Cet essai décrit les principaux événements entourant les crues extrêmes à l’origine de ces inondations. Nous évoquons les éléments d’une gestion du risque d’inondation par l’aménagement du territoire, éléments que nous avons analysés dans le cadre de l’enquête conduite par la Commission Nicolet en 1996 dans la région du Saguenay.

Nous vivions ainsi pour la troisième fois en 20 ans les affres de ces débordements dus à la convergence de plusieurs facteurs, des pluies diluviennes abondantes, une fonte rapide d’un important couvert nival dans les bassins de réception des rivières, la saturation des nappes phréatiques et une partie significative de l’habitat installé dans les plaines inondables le long du fleuve Saint-Laurent et dans la portion aval de ses affluents.

Le premier épisode majeur correspond à ce qu’il a été convenu d’appeler le « déluge du Saguenay » survenu en juillet 1996 marqué par des pluies abondantes dans l’Est du Canada au Québec gonflant considérablement le module spécifique des cours d’eau et provoquant ainsi la rupture de l’épaulement de barrages et de digues. Le second s’avère celui qui a caractérisé une crue printanière dévastatrice dans la vallée de la rivière Richelieu en 2011. Le troisième est celui qui a affecté en 2017 un total de 250 municipalités dans la région montréalaise, les Laurentides et la Mauricie.

Dans cet essai, nous décrivons brièvement les principaux événements entourant ces crues extrêmes et analysons les conséquences sur les établissements implantés dans les plaines inondables. Nous donnons un aperçu des dommages estimés et les coûts du rétablissement du patrimoine. Nous évoquons, en dernier lieu, les éléments d’une gestion du risque d’inondation par l’aménagement du territoire, éléments que nous avons analysés dans le cadre de l’enquête conduite par la Commission Nicolet en 1996.

Nous avons observé et analysé en 1996, en tant que membre de la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages, la gestion du risque d’inondation par l’aménagement du territoire. Il s’agit du 8ième chapitre du rapport de la commission que nous avons-nous-mêmes rédigé. Nous reproduisons, ici, les facteurs aggravants à l’origine des crues extrêmes ainsi que les sections consacrées aux dispositions préventives générales proposées à ce moment-là afin que cela puisse servir dans le travail de réflexion concernant les facteurs responsables de l’ampleur des crues et inondations observées en 2017.

Les crues extrêmes 1996-2011-2017

1) Les pluies diluviennes au Québec – Juillet 1996 (figures 1 à 4)
« Le jeudi 18 juillet 1996, une gigantesque dépression cyclonique commence à se former au-dessus du centre du continent nord-américain. Le 20 juillet 1996, cette importante tempête tropicale couvre en grande partie l’Est de l’Amérique du Nord. En raison de conditions favorables, cet énorme système nuageux stagne au-dessus de la réserve faunique des Laurentides » (museedufjord.com).

Selon Perrier, et Slivtzky (1999), « l’analyse hauteur-surface-durée des pluies tombées indique des chiffres élevés pour 48 heures sur des superficies de 1 000, 5 000, 10 000 et 100 000 km2. Ainsi, les auteurs en arrivent à la conclusion que :

« Pour tout l’ensemble des cas répertoriés au Canada, on constate que cette tempête n’est pas celle ayant généré les plus importantes accumulations de pluie sur 1 000, 10000 et 100 000 kilomètres carrés, mais qu’elle figure parmi les extrêmes pour 48 heures. Cependant, pour les tempêtes répertoriées sur le territoire québécois, la tempête de juillet constitue celle ayant généré les plus importants volumes d’eau sur une période de 48 heures. Sur 24 heures, la tempête étudiée se démarque de la majorité des cas répertoriés mais se compare à d’autres cas datés des années 1920 & 1930. »

Figure 1. Trajectoire du système selon Environnement Canada

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9luge_du_Saguenay

Figure 2. Le débordement des eaux de la rivière Chicoutimi dans la ville de Saguenay en juillet 1996

Source : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/793158/deluge-saguenay-20-ans-1996-inondation

Les bassins hydrographiques des rivières Aux-Sables, Chicoutimi, À Mars et Ha! Ha! ont été les plus affectés. La digue retenant les eaux du Grand Lac Ha! Ha! a cédé et a provoqué un écoulement torrentiel énorme venant détruire les infrastructures installées sur son cours et dans la zone du delta. Dans le bassin de la rivière Chicoutimi les résidences du secteur de Laterrière installées dans le lit majeur de la rivière ont subi beaucoup de dommages (figure 3).

Il en fut de même sur le cours de la rivière jusqu’à son embouchure (figure 4). Des barrages ont vu leur épaulement détruits par l’écoulement des eaux et, notamment, sur le cours de la rivière Chicoutimi. Le déversement des eaux dans la rivière Aux-Sables a provoqué la destruction d’un certain nombre de résidences et d’un complexe résidentiel. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur le Saguenay à l’été 1996 laissent derrière elles, outre les 3000 résidences endommagées, les 426 maisons détruites et les 1850 entreprises sérieusement touchées, des traumatismes que seul le temps nous permettra de mesurer. Les coûts de la reconstruction et des indemnisations ont totalisé 1 G$ (pressreader.com).

Figure 3. Le débordement des eaux de la rivière Chicoutimi dans la ville de Saguenay en juillet 1996

Source : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/793158/deluge-saguenay-20-ans-1996-inondation

« Le jeudi 18 juillet 1996, une gigantesque dépression cyclonique commence à se former au-dessus du centre du continent nord-américain. Le 20 juillet 1996, cette importante tempête tropicale couvre en grande partie l’Est de l’Amérique du Nord. En raison de conditions favorables, cet énorme système nuageux stagne au-dessus de la réserve faunique des Laurentides » (museedufjord.com).

Figure 4. Cette image a été captée le 20 juillet 1996 à 14 heures (heure locale de l’Amérique du Nord). Elle représente une photographie de la tempête tropicale à partir d’un satellite situé à 800 kilomètres d’altitude. Le territoire couvert par l’image a une superficie d’environ 4 000 kilomètres du nord au sud et de 2 400 kilomètres d’ouest en est.

Source : Laboratoire de télédétection, Université du Québec à Chicoutimi, (Musée du fjord).

2) Les inondations dans le bassin de la rivière Richelieu – 2011 (figures 5 et 6)

En 2011, suite à une crue exceptionnelle dans la vallée du Richelieu, 3000 maisons et chalets, dans 40 municipalités, avaient été inondés.

« Les inondations du bassin du lac Champlain et de la rivière Richelieu en 2011 furent d’importantes montées des eaux survenues de la fin d’avril à la fin de juin 2011, consécutives à la crue de la rivière Richelieu au Canada et au débordement du lac Champlain aux États-Unis. Du côté canadien, ces inondations touchèrent environ 3 000 foyers en Montérégie au Québec (Lia Lévesque, Pierre St-Arnaud et La Presse canadienne, « L’armée se déploie en Montérégie : « La plus importante catastrophe depuis le Saguenay » selon Jean Charest », La Tribune, 6 mai 2011) (« Inondations en Montérégie : l’eau monte encore plus », Radio-Canada,‎ 5 mai 2011 (lire en ligne [archive]) ».(1)

« Au Québec, les principales villes touchées par l’inondation furent Venise-en-Québec, Noyan, Saint-Jean-sur-Richelieu, Henryville, Saint-Paul-de-l’Île-aux-Noix et Sainte-Anne-de-Sabrevois8. Les Forces armées canadiennes furent demandées le 5 mai pour aider l’évacuation des résidents et établir des digues pour tenter de protéger les zones les plus à risque. Le Service météorologique du Canada a mis cet événement dans son palmarès des phénomènes météorologiques les plus importants à frapper ce pays en 2011, juste après les inondations dans l’Ouest canadien et le feu de forêt qui ravagea la communauté de Slave Lake en Alberta (wikipedia.org)

Dans la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu, 560 résidences avaient été endommagées, dont 34 devaient être démolies. Dans la zone à fort risque d’inondation, une trentaine de maisons ont ainsi été reconstruites.(Améli Pinada, Inondations: éviter les écueils du passé, Le Devoir, 15 juillet 2017)

Les sinistrés des inondations de 2017 réclament que le gouvernement du Québec permette aux résidents de construire en zone inondable. Cependant cela risque d’amorcer de nouveaux problèmes dans l’avenir. A un an des élections du Québec, Améli Pineda croit que le gouvernement pourrait permettre de nouveau la construction en zone inondable

La politique de reconstruction de maisons en zones inondables en 2011, en Montérégie, n’est pas un exemple à suivre, selon des experts. Si, à l’époque, le gouvernement avait dérogé à sa réglementation qui interdit de rebâtir dans les secteurs inondables aux 20 ans, Québec semble aujourd’hui déterminé, à la suite de la crue printanière qui a ravagé 278 municipalités, à appliquer sa politique à la lettre. Mais à un an des élections provinciales, la volonté du gouvernement résistera-t-elle à la pression des élus et à celle des sinistrés en colère qui veulent eux aussi avoir le droit de reconstruire ? (Améli Pinada, Inondations: éviter les écueils du passé, Le Devoir, 15 juillet 2017)

Figure 5 Les inondations dans le bassin de la rivière Richelieu en 2011

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Inondations_du_bassin_du_lac_Champlain_et_de_la_rivi%C3%A8re_Richelieu_en_2011

Figure 6. St.Paul-Ile-aux-Noix, rivière Richelieu. Zone inondée, 1 mai 2011 obtenue par RADARSAT-2

Source : Québec géographique

3) La crue printanière et les inondations dans la plaine montréalaise, les Laurentides et la Mauricie – « 2017 (figures 7 à 9).

L’intervention de l’armée dans la plus petite municipalité du Québec, Ile Cadieux (Photo par Micheline Ladouceur)

Selon les derniers rapports d’Urgence Québec, en soirée du 11 mai, 175 municipalités étaient touchées, 4701 résidences inondées et 3894 personnes évacuées (Le Soleil, 13 mai 2017, p. 29). Ce bilan revu par Urgence Québec fait état, le 12 mai de 4485 résidences inondées, de 3641 citoyens évacués, de 187 municipalités touchées et de 552 routes touchées (A. Pineda, p. A 2).

Il importe de noter que la section 8.3.1 du rapport traite de la nécessité de tenir compte dorénavant de l’occurrence de crues extrêmes dans la définition de la zone inondable.

Figure 7. Zone inondée dans la région de l’Outaouais.

Source : STÉPHANE PLANTE. Le Journal de Montréal, le 6 2017. En ligne : http://www.journaldemontreal.com/2017/05/06/video-le-drone-du-journal-survole-les-inondations-en-outaouais

Figure 8. 28 avril 2017: La situation dégénère à Sainte-Anne-de-la-Pérade où l’eau du fleuve inonde plusieurs rues. Photo : Radio-Canada/Maude Montembeault. Ces dernières semaines, plusieurs riverains ont troqué les automobiles pour des canots.

Source : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1032147/les-inondations-2017-en-images

Figure 9. Inondation de la zone riveraine du Lac Saint-Pierre au droit de l’embouchure de la rivière Nicolet

Source : Claude Beaudin, Québec

Inondation dans la région de Vaudreuil-Soulanges, municipalité d’Ile Cadieux

Photo : Micheline Ladouceur

II. Pour une gestion du risque d’inondation par le biais de l’aménagement du territoire

Nous présentons, dans cette seconde partie, les données concernant cet aspect de la gestion des crues extrêmes et des débordements tel que nous l’avons introduit, en 1996, dans le rapport de la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages ou rapport Nicolet du nom de son président. Il s’agit du chapitre 8 du rapport.

RÉFORME DES POLITIQUES D’AMÉNAGEMENT

La crue de juillet 1996 peut être considérée comme un phénomène exceptionnel ou extrême à cause de l’ampleur considérable de la longue durée des pluies qui en sont à l’origine. Elle a cependant été amplifiée par des facteurs aggravants tels que le débordement des eaux de réservoirs, la rupture de digues, la densité d’occupation des sols du lit majeur de certaines rivières et le degré de saturation des sols des versants des bassins récepteurs.

CARTOGRAPHIER LES ZONES INONDABLES EN TENANT COMPTE DES CRUES EXTRÊMES

Étant donné qu’une crue de 20 ans a 64% de possibilité d’être dépassée par une crue supérieure sur une période de 20 ans, 92% sur une période de 50 ans et 99% sur une période de 100 ans ou qu’une crue de 100 ans a 18% de possibilité d’être dépassée sur une période de 20 ans, 39% sur une période de 50 ans ou 63% sur une période de 100 ans, il serait approprié et possiblement opportun de restreindre ou de pénaliser plus sévèrement certaines constructions dans la zone d’inondation de récurrence 20-100 ans en tenant compte dorénavant de la possibilité de crues supérieures à 100 ans.

Il faut également remarquer que les limites d’inondation 20 et 100 ans ne tiennent pas compte des embâcles qui relèvent encore davantage les niveaux potentiels de crues.

Présentement, la construction n’est pas autorisée dans la zone de 0-20 ans alors qu’elle l’est dans la zone 20-100 ans dans la mesure où l’on a recourt à certaines mesures de protection.

Étant donné que les probabilités de dépassement de la crue centennale sont de 18%, 39% et 63% sur des périodes de 20, 50 et 100 ans, ces probabilités étant jugées élevées, il y a lieu de se demander, du moins sur le plan strictement technique, si la zone d’interdiction de construire ne devrait pas être étendue à la limite de la crue centennale et la zone de construction, nécessitant des mesure d’immunisation, repoussée à la limite de la crue de 200 ans.

Doit-on perpétuer une situation qui entraîne depuis de nombreuses années des coûts d’indemnisation, et qui entraînera probablement dans l’avenir, à cause des changements climatiques dus à l’effet de serre, encore davantage de coûts pour l’État? En effet, entre 1975 et 1995, le gouvernement du Québec a payé plus de 50 millions de dollars en indemnisations et l’année 1996 ne sera sûrement pas la moindre, sans compter le désastre dans la région du Saguenay…

Ne devrait-on pas établir une distinction entre les habitations qui ont acquis certains droits, et les futurs projets de développement qui seraient soumis à des règles plus strictes de sécurité?

Il a été établi par les responsables de la production de cartes inondables que l’écart entre le crue vingtennale et la crue centennale est de l’ordre de 30 cm. Cet écart de niveau est relativement faible mais il peut être important lorsque la topographie est plus ou moins subhorizontale; il peut faire la différence entre une habitation inondée ou non et toutes les conséquences socio-économiques que cela peut entraîner.

Finalement, tel qu’indiqué dans Hydrologie des crues au Canada, (guide de planification et de conception, Conseil national de recherche du Canada, Comité associé d’Hydrologie, 1990, ISBN 0-660-92390), les ponts et le niveau des autoroutes sont conçus pour la crue centennale et les ponceaux pour la crue cinquantennale.

La Commission reconnaît toutefois que l’ensemble des questions soulevées dans ce paragraphe dépasse largement le mandat qui lui a été confié. La réflexion gouvernementale sur les paramètres qi ont guidé la définition des zones inondables et dont l’origine remonte à l’entente Canada/Québec mériterait d’être poursuivie dans une perspective à plus long terme.

LIMITER LES USAGES EN ZONES INONDABLES

Une meilleure connaissance, par la population, des risques entourant l’occupation des plaines inondables et des zones d’érosion active ou de glissement de terrain, serait propre à responsabiliser davantage ceux qui cherchent à le faire. La promotion de la valeur écologique des plaines d’Inondation devrait amener progressivement la société à les considérer plutôt comme des écosystèmes à conserver et cesser de les mettre en valeur pour des fins urbaines ou de récréation intensive.

Guide d’utilisation élaboré des cartes des zones inondables

Le MEF doit faire en sorte que le texte de la politique des rives, du littoral et des plaines inondables et celui de la Convention soient plus clairs pour qu’ils soient mieux compris par les utilisateurs. Il a été constaté, en effet, que les municipalités n’appliquent pas toutes exactement les mêmes normes. Les textes laissent place à l’interprétation et c’est le cas, par exemple, des possibilités de remplayage en zone centennale. De plus, dans ce contexte, les municipalités trouvent qu’il est impossible d’identifier la ligne des hautes eaux. Même si la définition de cette ligne est claire, son identification s’avère par contre très difficile sur le terrain.

VIDÉO : Vaudreuil – Pointe Fortune – Ile Cadieux – Rigaud – Inondations Mai 2017

Conclusion

En reproduisant les réflexions que nous avons formulées dans le cadre de l’analyse intégrée dans le rapport de la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages en 1996, nous avons fait état de la situation générale des dispositions concernant la gestion des risques liés aux inondations qui prévalait au Québec à l’aube de l’An 2000 en ce qui concerne les effets des crues extrêmes.

Le recours privilégié par les autorités compétentes à des moyens préventifs était alors à l’ordre du jour : la cartographie des zones inondables, l’assurance-inondation et la relocalisation.

Aujourd’hui, se préparer pour des crues extrêmes est devenu un impératif étant donné les aléas climatiques observés au cours des deux dernières décennies. Le lit majeur des cours d’eau ayant une plus grande étendue devrait être défini pour tenir compte des caractéristiques spécifiques de ces crues. De plus, la fonte rapide des précipitations nivales dans la partie supérieure des bassins de drainage doit être considérée avec une grande attention dans l’analyse des modules spécifiques des rivières orientées nord-sud en direction du fleuve Saint-Laurent.

Au cours des années qui ont suivi les municipalités ont été trop permissives et « on a beaucoup construit en zone inondable dans le sud du Québec. Un problème jamais endigué parce qu’il rapporte des revenus trop importants aux municipalités » (H. Buzetti, 2017, Journal le Devoir, p. A 3).

Il importe de connaître les pratiques qui ont prévalu au cours des deux dernières décennies et apporter les changements qui s’avèrent absolument nécessaires pour être bien préparés pour ces crues et inondations de grande ampleur.

Le chapitre 8 du rapport Nicolet peut constituer une base utile dans cet apprentissage collectif exigé par des circonstances exceptionnelles.

Jules Dufour

 

Photo de présentation : Inondation à Vaudreuil, à proximité du pont de l’Ile aux Tourtes reliant Vaudreuil à l’île de Montréal. Les crues printanières de mai ont entrainé des travaux d’urgence à l’entrée du pont afin d’éviter sa fermeture. Photo prise à l’entrée de l’hôtel 4 étoiles, Le Château Vaudreuil, par Micheline Ladouceur.

Notes

(1) Aux États-Unis, sept comtés du Nord du Vermont subirent des dommages estimés à six millions US$ près des rives du lac Champlain. Des dommages similaires furent constatés du côté de l’État de New York ».

Références

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BRUNO BISSON, Bruno. 2017. Inondations : une facture de 42 millions pour le ministère des Transports. La Presse. Le 13 juin 2017. En ligne : http://www.lapresse.ca/actualites/201706/22/01-5110280-inondations-une-facture-de-42-millions-pour-le-ministere-des-transports.php

BUZETTI, Hélène. 2017. Où ne pas reconstruire? Les changements climatiques complexifient la délimitation des zones inondables. Journal Le Devoir, le 10 mai 2017, p. A 3.

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CHAYER, Mireille. 2016. Il y a 20 ans : le déluge du Saguenay. Radio-Canada. Le 18 juillet 2016. En ligne : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/793158/deluge-saguenay-20-ans-1996-inondation

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Articles Par : Prof. Jules Dufour

A propos :

Jules Dufour, Ph.D., C.Q., géographe et professeur émérite. Chercheur-associé au Centre de recherche sur la Mondialisation, Montréal, Québec, Canada.

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