Inquiétudes pour la sécurité

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Depuis son élection, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a multiplié les discours de politique étrangère donnant le sentiment que, là comme ailleurs, le thème de la rupture allait s’imposer. Les deux inflexions les plus notables qui semblent se dessiner portent sur notre attitude à l’égard de l’Iran et sur notre relation par rapport à l’OTAN.

Lors du discours à la conférence des ambassadeurs, Nicolas Sarkozy posait les termes d’une alternative a priori sans ambiguïté : « la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran ». Par la suite le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a fait monter encore d’un cran la pression en osant évoquer le terme de guerre. Lors de la visite du même ministre aux États-Unis, une semaine plus tard, puis lors du déplacement du président de la République à l’Assemblée générale des Nations unies, le ton semblait moins belliqueux, le différend devant trouver normalement sa solution par la voie diplomatique.

En ce qui concerne l’OTAN, c’est lors de la même conférence des ambassadeurs, le 27 août, que le président de la République appelait à la nécessité de revoir la relation de la France vis-à-vis de l’OTAN. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu’il signifiait que la question de la réintégration dans la structure militaire intégrée de l’OTAN était posée. Le ministre de la Défense, Hervé Morin, devait développer les termes du débat lors d’une intervention le 11 septembre, à l’instar de ce que devait faire Bernard Kouchner avec l’Iran. En ce qui concerne l’Iran, l’objectif avoué est d’interdire à l’Iran l’accès à l’arme nucléaire. Qui ne contesterait cet objectif, puisque la bombe iranienne, alors même que ce pays a signé le traité de non-prolifération, signifierait la mort du régime de non-prolifération, un des outils principaux du système de sécurité collective ? Dans le cas de « la révision de la relation de la France vis-à-vis de l’OTAN », l’objectif fixé est de permettre une avancée de l’Europe de la défense, la politique européenne de sécurité et de défense. Là encore rares seront ceux qui contesteront un objectif poursuivi depuis près de vingt ans par des présidents de la République et des gouvernements issus des deux principales familles politiques françaises. Toutefois, derrière ce discours qui apparaît novateur, tout en poursuivant des objectifs tout à la fois historiques et consensuels, se pose la question de la traduction concrète de cette politique.

Accroître la pression diplomatique sur l’Iran via l’imposition de nouvelles sanctions ? Si celles-ci devaient se mettre en place en dehors du Conseil de sécurité des Nations unies, nous affaiblirions encore un peu plus le système de sécurité col- lective et nous nous écarterions du multilatéralisme, méthode que tant la France que l’Union européenne, dans la stratégie européenne de sécurité de 2003, ont jugée incontournable pour traiter les questions de sécurité. L’intervention militaire ? Tout le monde sait que personne n’a la garantie de pouvoir détruire par des bombardements toutes les installations iraniennes supposées abriter un programme nucléaire militaire. Englués en Irak, les Américains ne peuvent déclencher une opération terrestre sur le territoire iranien. En revanche, une telle intervention finirait d’embraser un Proche-Orient où aucun des conflits n’a aujourd’hui été réglé. Le remède serait pire que le mal. Soutiendrions-nous alors un bombardement déclenché par Israël ou les États-Unis ?

Concernant l’OTAN, le retour dans la structure militaire intégrée serait censé nous permettre de mieux influer sur l’OTAN et de faire progresser l’Europe de la défense. Mais quelle garantie de succès avons-nous ? Quelles sont les conditions concrètes que nous allons poser à ce retour et quel rôle exact voulons-nous voir jouer à l’OTAN ? Quelle garantie aurons-nous d’un rééquilibrage au profit des Européens, objectif que personne n’a réussi à obtenir depuis la chute du mur de Berlin ? Sur toutes ces questions, aucune réponse n’a été donnée pour le moment.

Au-delà des discours déclaratoires, qui alimentent le thème de la rupture, il est donc permis de s’interroger sur le contenu concret de cette nouvelle politique étrangère, qui n’a pas été dévoilé, et sur les conséquences de cet aggiornamento stratégique. On peut objectivement craindre que les réorientations annoncées ne trouvent une traduction concrète donnant les résultats souhaités. En cas d’échec ne resterait alors que le sentiment d’un alignement plus grand sur l’Amérique de George Bush alors même que tout le monde s’accorde à penser que la politique étrangère conduite par le président américain durant ses deux mandats aura été un échec.

Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).



Articles Par : Jean-Pierre Maulny

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