Irak : des anges gardiens pour les mercenaires étasuniens

New York

Avec une initiative qui a fait les titres des journaux de samedi (6 octobre 2007), la secrétaire d’état  étasunienne Condoleeza Rice a annoncé sa trouvaille pour enrayer le scandale irakien des mercenaires à la gâchette facile. En particulier ceux de Blackwater, cette compagnie de Caroline du Nord, issue d’un cocktail mortel de christianisme évangélique, hommes entraînés à tuer comme des machines et surpayés pour le faire, industrie de l’armement, financements électoraux et méga profits de guerre. Un mélange capable d’abattre l’armée régulière étasunienne basée à Bagdad et alentours bien plus que n’importe quelle marche ou initiative pacifiste –même si, comme on pouvait s’y attendre, Rush Limbaugh* et consort ne l’ont pas remarqué.

Le coup de Rice n’a pas tant pour objectif de répondre aux pressions du Congrès (jeudi la  grande majorité des députés a voté pour que le mercenaires  passent sous la juridiction des  tribunaux fédéraux étasuniens, alors que, pour le moment, ils ne peuvent être jugés nulle part) ; ni à l’indignation de l’opinion publique face à une accumulation progressive de nouveaux détails non seulement sur les faits du 16 septembre (où 17 civils au moins ont perdu la vie sous les balles d’un convoi Blackwater qui aurait tiré sur la foule dans le Quartier de al Mansour), mais aussi sur d’autres épisodes de violence commis par la compagnie de Erik Price.

Et, non plus, la secrétaire d’Etat n’est pas intervenue pour sauver la face au gouvernement Maliki qui avait immédiatement demandé l’expulsion de Blackwater d’Irak, puis fait marche arrière deux jours après. Rice est intervenue parce que sans Blackwater la Maison Blanche risque la paralysie totale à Bagdad : aucun diplomate étasunien ne peut de fait mettre le nez  hors de la Zone verte étant donné que, depuis 2003, Blackwater est responsable de leur protection. Selon les nouvelles directives, tout convoi d’escorte Blackwater pour des diplomates étasuniens sera accompagné d’un inspecteur du département d’état qui en contrôlera les actes ; en outre, les véhicules blindés de Blackwater seront munis de télé caméras qui, en cas d’enquête, pourront informer sur le comportement des mercenaires de Price (les autres compagnies de sécurité privée n’entrent pas dans la directive). Enfin, le département d’état conservera les enregistrements  des conversations radio entre les convois Blackwater et les agences gouvernementales Us (militaires ou non).

Il est évident  que ce nouveau cadre  ne touche pas le problème principal,  qui a explosé après les faits de Al Mansour, à savoir que les mercenaires  sont au-dessus de toute loi quand ils opèrent en Irak (et pas seulement) en toute liberté, comme une milice privée. Dans le cas de Blackwater, il faut ajouter qu’il s’agit d’une milice privée  qui intervient dans le cadre d’un projet idéologique bien précis, celui de la droite évangélique dont la famille d’Erik Price (déjà familier de Bush senior) est un financeur historique. Son père a en effet fondé avec Gary Bauer le think tank évangélique Family Research Council qui, selon la revue Salon, a reçu des Price, entre 2003 et 2006,  des financements se montant à 670.000 dollars. Pour Focus on the Family (un groupe analogue) les Price ont par contre déboursé 531.000 dollars. Et, alors que sa sœur, Betsy Davos, a été chef du Parti Républicain au Michigan, Erik ferait à présent partie de la direction de Christian Freedom International, un lobby lancé pour « protéger ceux qui sont persécutés parce qu’ils croient en Christ ».

Sans entrer plus dans les détails, la fragilité de l’expédient « baby sitter de Washington » dégoté par Rice est manifeste aussi dans une nouvelle parue ultérieurement sur les journaux de samedi, en relation avec une autre enquête sur Blackwater : celle sur le mercenaire qui, complètement saoul, aurait tué un garde du corps du vice premier ministre irakien.

Licencié de Blackwater et renvoyé  chez lui  avec l’approbation du Département d’état tout de suite après « l’incident », Andrew J. Moonen, était réembauché peu de temps après par Combat Support Associated, une autre boîte de sécurité privée qui opère pour le ministère de Rice, et envoyé travailler au Koweït.

Personne ne les avait prévenus.

Edition de dimanche 7 octobre 2007 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/07-Ottobre-2007/art38.html

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio.

* Rush Limbaugh « est un animateur de radio américain. L’un des animateurs les plus écoutés du pays, il présente l’actualité dans un point de vue conservateur. Sa réputation a récemment été entachée dans une affaire de consommation illicite de drogues. Il est écouté par plus de 13 millions de personnes par semaine. Il est un des représentants les plus connus de la droite américaine et il a aidé, notamment, à faire élire George W. Bush en 2000 et 2004.«  Source: Wikipédia.



Articles Par : Giulia D’Agnolo Vallan

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