Irak : le cap des 2 000 soldats américains tués est franchi
A travers les Etats-Unis, le mouvement anti-guerre a organisé des centaines de manifestations demandant le retour des troupes américaines d’Irak.
La place de Union Square à New York est un point de passage obligé de toutes les manifestations. Il y a là celle qui fait sonner des cloches pour les victimes civiles irakiennes, un vieux monsieur noir qui collecte des signatures pour presser les parlementaires locaux de s’opposer à la guerre en Irak, un jeune protestataire couvert de badges anti-Bush qui peste contre «le coma dans lequel est plongée l’Amérique» et une femme qui distribue des prospectus oranges. Au dos, la liste de tous les événements prévus à Manhattan, de Greenwich Village à Central Park, pour saluer la mémoire des 2 000 morts américains en Irak.
Pour les associations anti-guerre, ce nouveau seuil est l’occasion de réclamer un départ des troupes américaines d’Irak, une position désormais partagée par 58 % des Américains, selon un sondage NBC du début du mois. Cindy Sheehan, la mère du GI tué en Irak qui avait galvanisé le mouvement anti-guerre au mois d’août en s’installant en face du ranch présidentiel de Crawford, avait décidé pour l’occasion de reprendre son poste, mais cette fois face à la Maison Blanche. Orchestrant des milliers de veillées à travers le pays, l’association anti-Bush MoveOn en a profité pour lancer une levée des fonds destinés à financer une campagne publicitaire d’opposition à la guerre.
17 morts par semaine
Pour les partisans d’un retrait, le cap des 2 000 morts est un nouveau signe d’enlisement en Irak. Ils font valoir qu’il a fallu, après l’invasion de mars 2003, 18 mois pour atteindre le premier millier de soldats tués alors que ce deuxième millier a été atteint en seulement 14 mois. En fait, depuis mars 2004, le rythme des pertes de l’armée américaine reste relativement stable : autour de 17 morts par semaine.
Dans le camp de la Maison Blanche, on a relativisé l’importance de ce «marquage artificiel établi par des individus et des groupes avec des arrières pensées et des motifs particuliers», selon le porte-parole du Pentagone. Alors que le sénat a marqué une minute de silence, le sénateur républicain John Cornyn a lui aussi parlé de «nombre artificiel que certains utilisent pour essayer de miner nos efforts là bas.» Paradoxalement, tandis que les alliés du président minimisaient la valeur de cette comptabilité, l’armée américaine décidait désormais de communiquer plus régulièrement les chiffres des pertes essuyées par ses ennemis en Irak et en Afghanistan.
«Terminer la mission»
Le président George Bush a bien fait allusion aux pertes humaines en Irak dans son discours de mardi devant des épouses de militaires, mais pour dire que «la meilleure manière de rendre honneur au sacrifice de nos soldats tombés est de terminer la mission.» Il a insisté pour que les résultats en Irak soient mesurés à l’évolution du processus politique. «Selon n’importe quel standard historique, l’Irak a fait des progrès incroyables.» Malheureusement pour lui, le référendum et la ratification de la constitution n’ont pas occupé les Unes de la presse quotidienne américaine comme ces «2 000» affichés en pleine page des tabloïds new-yorkais.
Toujours selon NBC, 40 % des Américains estiment que renverser Saddam Hussein valait les pertes américaines et le coût financier occasionné. Pressés de prendre leurs distances avec un président dont la popularité chute en même temps que celle de la guerre en Irak, plusieurs républicains ont, à l’annonce du cap des 2 000, joint leurs voix à celles des critiques de la stratégie de George Bush en Irak. «Plus les Etats-Unis restent (en Irak), plus nous passerons pour des oppresseurs et des occupants et plus nous y attirerons les terroristes comme nous sommes en train de le faire», a regretté Chuck Hagel, le sénateur républicain du Nebraska.