Irlande: les syndicats du secteur public acceptent une interdiction de faire grève pendant quatre ans

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L’accord conclu entre les syndicats du secteur public irlandais, le gouvernement et le patronat pour l’interdiction de faire grève jusqu’en 2014 donne une bonne idée du rôle joué par la bureaucratie syndicale comme alliée de l’aristocratie financière et de son pillage des finances publiques.

L’accord, conclu le 31 mars dans les locaux de la Commission irlandaise sur les relations de travail (Labour Relations Commission, LRC) aura des conséquences drastiques sur la vie de 300.000 travailleurs du secteur public. Il constitue un nouveau jalon dans la collaboration de classe pratiquée par les bureaucraties syndicales de toute l’Europe qui cherchent à imiter le « modèle irlandais » en imposant les coûts de la récession et de la crise financière à la classe ouvrière.

Les mesures proposées prévoient des suppressions d’emplois à grande échelle ainsi que des dispositions s’appliquant au rendement et à la flexibilité et visant une « rationalisation organisationnelle, » et le remplacement des augmentations annuelles de salaire par un salaire évoluant en fonction de critères de mérite et de performance. Enfin, « Les grèves et les autres formes de conflits sociaux et d’action syndicale menés par les syndicats, les employés ou employeurs sont exclus pour ce qui concerne les apstecs couverts par le présent accord. »

En échange de ces promesses, le gouvernement et le patronat ont accepté en apparence qu’il n’y aura pas d’autre baisse de salaire et que tout licenciement sera d’ordre « volontaire. » Et ce, bien que 18.000 emplois soient immédiatement menacés dont 6.000 dans le service de la santé. En vérité, ces promesses ne valent rien vu qu’elles ne s’appliquent pas dans le cas de « détérioration budgétaire actuellement imprévisible. »

Anticipant une véhémente opposition de la part de vastes sections de travailleurs, Jack O’Connor du syndicat SIPTU (Services, Industrial, Professional and Technical Union) a dit, « Vaut-il mieux continuer de lutter tout en sachant que nous vivons encore dans une économie ruinée et que toute action que nous entreprendrons sera vue comme une attaque par les citoyens du pays ? »

Une interdiction de faire des heures supplémentaires dans les bureaux de passeports a été levée par le syndicat Civil and Public Services Union. SIPTU et IMPACT dont les membres suivent une grève du zèle pour obliger le gouvernement à entrer en négociations, font campagne pour l’acceptation de l’accord. Jusque-là, seuls les syndicats des enseignants – l’Association of Secondary School Teachers et le Teachers Union of Ireland – ont rejeté l’accord en encourageant leurs membres à voter contre.

Ces propositions sont pires que les termes soumis par les syndicats lors des négociations de « partenariat social » qui ont échoué en décembre. A l’époque, le gouvernement avait refusé un marché proposé par les syndicats et qui aurait réduit les dépenses publiques de 1,3 milliards d’euros au moyen de rationalisations et de congés non payés. Le gouvernement et le patronat avaient décidé d’exiger plus, rejetant l’accord et imposant une nouvelle série de coupes dans les acquis sociaux et les salaires. Par la suite, chaque grève des syndicats a été menée de façon à rétablir une collaboration avec le gouvernement et le patronat.

Un rôle clé dans ceci a joué l’accord conclut par IMPACT en mars dernier pour recommander un pacte concocté par la Commission irlandaise sur les relations de travail et comprenant la perte de 600 emplois à la compagnie aérienne irlandaise Aer Lingus. Ceci fut regardé par le gouvernement et le patronat comme une indication claire de la volonté de la bureaucratie syndicale de se conformer à leur volonté.

Les événements irlandais expriment, dans une forme plus accomplie peut-être que partout ailleurs, le total effondrement des syndicats en tant qu’organisations de défense de la classe ouvrière.

Durant des années, ce fait avait été caché par la conjoncture économique spécifique dans laquelle se trouvait l’Irlande durant les années de boom du soi-disant « Tigre celtique. » Grâce à une multitude de subventions accordées par l’Union européenne et d’investissements des Etats-Unis, les entreprises sises en Irlande avaient été en mesure de tirer profit d’opportunités d’exportation vers l’Europe. Les syndicats avaient joué un rôle crucial dans ce projet vu que les accords de « partenariat social » qu’ils préconisaient avaient assuré la paix industrielle au patronat.

Pendant un certain temps, les bénéfices énormes tirés des travailleurs irlandais furent accompagnés d’augmentations de salaires consenties à certaines catégories. L’Irlande était même devenue la destination de travailleurs migrants du monde entier.

La fin du boom survint pour le Tigre celtique quand les avantages offerts par l’Irlande comme base de production furent dépassés par les coûts infiniment moindres disponibles en Europe de l’Est, sur le continent indien et en Chine. Par la suite, l’économie irlandaise, y compris les finances de l’Etat, devint de plus en plus tributaire du secteur financier du pays, des bénéfices spéculatifs qui générèrent des profits considérables et une énorme bulle immobilière.

La plupart des prêts toxiques qui sont actuellement transférés du système bancaire irlandais ruiné vers la « bad bank » du pays, la National Asset Management Agency (NAMA), avaient été ficelés durant les années 2004 à 2008.

En l’espace de quelques heures après l’accord LRC, le parlement irlandais approuvait finalement un plan de sauvetage pour la NAMA. Les représentants politiques de la même élite parasitaire avec laquelle les syndicats avaient promis de collaborer votèrent un transfert massif de dettes vers le trésor public, et dont le paiement sera soutiré de la classe ouvrière à la première occasion. Les estimations du coût total de la NAMA sont encore contestées mais certaines s’élèvent à 100 milliards d’euros – excédant l’équivalent de trois années de dépenses publiques.

Chacune des banques du pays reste proche de la ruine et il se peut que celles-ci soient renflouées avec plus d’argent public encore. Durant le débat sur le sauvetage de la NAMA, le ministre irlandais des Finances, Brian Lenihan, avait annoncé que l’Anglo Irish Bank, qui avait dernièrement annoncé la plus grosse perte de l’histoire irlandaise – 12,7 milliards d’euros – aurait besoin de 10 milliards d’euros supplémentaires s’ajoutant aux 8,3 milliards d’euros déjà versés. L’Irish Nationwide Building Society devrait recevoir 2,7 milliards d’euros, AIB 7,4 milliards d’euros, Bank of Ireland 2,7 milliards d’euros et EBS 875 millions d’euros.

C’est ce à quoi a abouti la subordination par les syndicats de la classe ouvrière irlandaise à la bourgeoisie irlandaise.

L’époque où la coquille vide de la bureaucratie pouvait encore dominer la classe ouvrière s’achève rapidement. Aucun appel au patriotisme et aux intérêts partagés par le « peuple irlandais » ne peut dissimuler le fait que sous le capitalisme, l’Irlande a presque été poussée à la faillite par une mince couche d’ultra riches. Il n’y a pas d’issue à cette situation sur une base purement nationale et sans défier les fondements essentiels du capitalisme.

Les circonstances objectives ont créé la base pour la création de nouvelles organisations de masse des travailleurs et un nouveau parti socialiste révolutionnaire dont la tâche sera de souder les luttes de la population laborieuse en Irlande à celles de ses frères et sœurs de classe partout en Europe et dans le monde.

Article original, WSWS, paru le 13 avril 2010.



Articles Par : Steve James

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