Isabel Allende « La vie des travailleurs doit enfin être prise au sérieux »
Isabel Allende, sénatrice socialiste de la région d’Atacama
On dénombre près de 4 000 exploitations minières au Chili, de cuivre surtout. Toutes aussi dangereuses que San José ?
Isabel Allende. En matière de sécurité, la situation des mines est souvent liée à leur taille. Il existe de grandes entreprises minières, comme le géant public Codelco, qui disposent de ressources importantes et investissent dans la sécurité. Dans ces exploitations, il y a des syndicats, des négociations collectives, de bonnes conditions de travail, des plans de santé et des salaires enviés par beaucoup de Chiliens. Mais le pays compte aussi des mines moyennes, comme San José, qui n’investissent pas dans la sécurité et sont prêtes à mettre en danger la vie des travailleurs pour faire plus de bénéfices. Dans les petites mines, la situation est encore pire. Les « pirquineros » – les mineurs indépendants – travaillent de manière artisanale et sont très peu protégés.
Et le Service national de géologie et des mines, Sernageomin, chargé d’inspecter les exploitations, contrôle peu…
Isabel Allende. Dans la région d’Atacama, il n’y a que deux inspecteurs pour près de 2 000 mines. C’est impensable ! L’État doit investir plus dans ces contrôles, il doit doter Sernageomin de moyens supplémentaires et soutenir les petites mines. Mais il faut aussi que les entrepreneurs aient une conscience sociale. Car on ne peut pas mettre un inspecteur ou un policier dans chaque mine.
Le drame de San José permettra-t-il d’aller dans ce sens ?
Isabel Allende. Pour le moment, tout le monde est concentré sur le sauvetage, mais deux enquêtes, l’une parlementaire, l’autre judiciaire, sont déjà en cours. Le président a annoncé une augmentation du budget de Sernageomin en 2011 et plus d’inspecteurs. J’espère qu’il tiendra parole. En tant qu’élus, nous allons passer au peigne fin la législation pour voir comment faire pour, non seulement, augmenter les moyens et multiplier les inspections, mais aussi former les travailleurs et générer plus de conscience. J’espère que les leçons de ce drame seront tirées. Que les citoyens n’oublieront pas et feront pression sur le ministre des Mines et le gouvernement, car l’intérêt médiatique est éphémère. Il est temps que les entrepreneurs prennent au sérieux la vie de leurs travailleurs.
Entretien réalisé par L. G.