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Israël a bien largué des bombes au phosphore au Liban
Par Global Research
Mondialisation.ca, 23 octobre 2006
Le Devoir 23 octobre 2006
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Israël a bel et bien largué des bombes incendiaires au phosphore lors de son action meurtrière au Liban l’été dernier. Accusé depuis plus de trois mois d’avoir eu recours à de telles armes, l’État hébreu a finalement confirmé ce qu’affirmaient déjà le gouvernement libanais et des organisations humanitaires, tout en en défendant l’emploi.

Le quotidien Haaretz a publié hier les propos tenus à ce sujet la semaine dernière par Yaacov Ederi, le ministre chargé des relations entre le gouvernement et la Knesset. Lors d’une séance de questions au Parlement, ce dernier a admis que «Tsahal a utilisé des obus au phosphore contre des objectifs militaires en terrain découvert lors de la guerre contre le Hezbollah». Il parlait alors au nom du ministre de la Défense, Amir Peretz. Jusqu’ici, Israël avait affirmé avoir utilisé ce type de bombes — qui causent de graves brûlures, voire la mort — uniquement pour signaliser des cibles ou des territoires pendant sa campagne de 34 jours contre le Hezbollah.

M. Ederi a donc corroboré ce que de nombreux soldats israéliens, de retour du front, avaient déjà révélé. Le ministre n’a toutefois pas précisé où, ni contre quelles cibles, ces armes avaient été employées. Au ministère de la Défense, on a en outre précisé que «l’armée israélienne possède des munitions au phosphore sous différentes formes».

M. Ederi a du même coup justifié l’emploi de ces armes. «Selon le droit international, l’usage de munitions au phosphore est autorisé, et l’armée se conforme à la réglementation et aux normes internationales», a-t-il ajouté. Cependant, le troisième protocole de la Convention de Genève sur les armes conventionnelles en interdit l’usage, mais Israël ne l’a pas ratifié, à l’instar de son plus grand fournisseur d’armement, les États-Unis. En revanche, les traités qu’ils ont signés en interdisent l’utilisation contre des populations civiles.

Plusieurs experts estiment que les bombes au phosphore devraient être considérées comme des armes chimiques en raison des brûlures qu’elles infligent, en plus d’attaquer le système respiratoire des personnes touchées. La Croix-Rouge et d’autres organisations humanitaires ont également réclamé une interdiction de ces munitions. Les bombes au phosphore ont été utilisées pendant les deux guerres mondiales et au Vietnam. Elles ont été progressivement bannies depuis plusieurs années, mais les Américains ont utilisé des bombes au phosphore contre les insurgés de Fallouja, en Irak. Ils ont eux aussi fait valoir qu’aucune convention ne l’interdisait.

Accusations confirmées

Et même si Tsahal vient tout juste d’avouer le largage de bombes incendiaires, les premières accusations en ce sens ont été lancées il y a déjà plus de trois mois. Le 16 juillet, le président libanais Émile Lahoud affirmait d’ailleurs que «le bombardement par Israël de villages du Liban avec des bombes incendiaires au phosphore constitue une violation flagrante des conventions internationales qui interdisent le recours à de telles bombes».

Un porte-parole de l’armée libanaise avait aussi indiqué que l’aviation israélienne utilisait des bombes prohibées internationalement, «des bombes à charges spéciales, qui pourraient être des bombes à implosion, ou bombes à vide» dans son pilonnage de la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah chiite, ainsi que des bombes au phosphore dans son bombardement du Liban sud.

Pendant la guerre, plusieurs médias étrangers au Liban avaient rapporté que des civils avaient des blessures caractéristiques de bombardements au phosphore. Des médecins libanais avaient aussi révélé avoir reçu de grands brûlés dont la peau carbonisée était noire et verdâtre, ce qui leur avait mis la puce à l’oreille.

Un expert occidental en armement basé au Liban avait en outre expliqué à l’Agence France-Presse qu’«Israël utilisait incontestablement des bombes à sous-munitions». «Elles servent normalement à attaquer des véhicules blindés et il est totalement incorrect d’en faire usage contre les civils, avait estimé l’expert. En outre, nous avons des rapports sur l’utilisation de bombes au phosphore et d’obus d’artillerie à sous-munitions perforantes.»

L’armée israélienne avait lancé cette offensive destructrice et meurtrière au Liban après que deux de ses soldats eurent été capturé et huit autres tués, par le Hezbollah à la frontière israélo-libanaise, le 12 juillet. La conflit a causé la mort d’environ 1200 Libanais et de 157 Israéliens.

Bombes à sous-munitions

Du côté libanais, le Hezbollah a pour sa part été accusé par Human Rights Watch d’avoir utilisé plus d’une centaine de projectiles à sous-munitions contre des zones civiles israéliennes lors du conflit de cet été. Un rapport de l’organisation, publié jeudi dernier, souligne que c’est la première fois que l’usage, par la milice chiite, de ce type d’armes interdit par les conventions internationales, est confirmé. Le Hezbollah a tiré près de 4000 roquettes sur le nord d’Israël

Israël a fait de même au sud du Liban. L’utilisation de bombes à sous-munitions dans la guerre contre le Hezbollah avait d’ailleurs été fermement dénoncée par le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. L’ONU a estimé à quatre millions le nombre de sous-munitions envoyées au Liban, dont un million qui n’a pas explosé. Les bombes à sous-munitions sont composées d’un conteneur principal qui libère dans l’air plusieurs centaines de petites bombes sur une large zone.

Certaines n’explosent pas tout de suite et font chaque jour, en moyenne, trois morts parmi les civils depuis le cessez-le-feu du 14 août. Encore hier, un garçon de 10 ans a été tué par l’explosion d’une sous-munition et son frère grièvement blessé dans le sud du Liban, à proximité de la frontière israélienne. La famille cueillait les olives sur ses terres dans le village de Helta quand les deux garçons ont déclenché l’engin.

Le Devoir avec l’Agence France-Presse, Associated Press, la BBC, Haaretz, Le Monde et Reuters

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