Israël assassine-t-il des scientifiques nucléaires iraniens ?

Israël assassine des scientifiques nucléaires iraniens dans le cadre d’une guerre secrète contre le programme d’armement illicite[1] de la République Islamique. C’est ce que le Daily Telegraph a rapporté aujourd’hui, citant des analystes des services de renseignements occidentaux.

Le quotidien britannique a dit qu’il y avait des rumeurs selon lesquelles l’agence d’espionnage d’Israël, le Mossad, était derrière la mort d’Ardeshire Hassanpour, un atomiste iranien de premier plan à l’usine d’uranium d’Ispahan, qui est mort dans des circonstances mystérieuses, apparemment « empoisonné au gaz » en 2007.

Selon ces analystes, d’autres morts récentes de personnalités importantes liées au processus d’acquisition et d’enrichissement [d’uranium] en Iran et en Europe ont été le résultat de « frappes » israéliennes, destinées à priver Téhéran de talents techniques clés à la tête de ce programme.

Le Telegraph a également cité des sources des services de renseignements américains qui auraient dit qu’Israël utilise le sabotage, des sociétés écrans et des agents doubles pour interrompre le programme illicite d’armement du régime, comme une alternative à des frappes militaires directes.

Toutefois, il devrait être noté qu’Israël a mené des activités secrètes similaires pendant environ dix ans, depuis que l’Iran a été soupçonné pour la première fois de rechercher l’arme nucléaire. Le journaliste américain James Risen a écrit récemment que la CIA et le Mossad avaient planifié ensemble une quantité d’opérations de sabotage contre le programme iranien, dont des dégâts causés aux lignes électriques alimentant des sites nucléaires afin d’endommager les systèmes informatiques et leur équipement.

Le Telegraph a également cité des officiels israéliens qui ont reconnu en privé que la nouvelle administration étasunienne n’autoriserait probablement pas une attaque aérienne contre les installations nucléaires de l’Iran et que la proposition du Président Barack Obama de tendre une main de paix vers Téhéran met toute action militaire directe hors de portée pour l’instant.

En tant que tel, l’objectif rapporté de la campagne secrète d’Israël est de retarder ou de perturber le programme de recherche iranien, sans engager une confrontation directe qui pourrait conduire à une guerre plus étendue.

« Ces perturbations sont destinées à ralentir la progression du programme et sont menées de telle sorte qu’ils ne réalisent pas ce qu’il se passe. Vous ne les arrêterez jamais », aurait dit un ancien officier de la CIA à propos de l’Iran.

Article original : « Is Israel assassinating Iran nuclear scientists? », Haaretz, le 17 février 2009.

Traduit de l’anglais par Jean-François Goulon, Questions critiques.

Note du traducteur:

[1] [NdT] Le programme nucléaire iranien serait illicite s’il était destiné à mettre au point l’arme atomique. Pour l’instant, ceci n’est pas prouvé. S’il est vrai que l’Iran a débuté un programme militaire de recherche nucléaire dans le passé, on ne peut pas affirmer la même chose aujourd’hui. Deux éléments essentiels viennent corroborer les affirmations de l’Iran selon lesquelles leur programme de recherche est entièrement pacifique. Le premier est le rapport des services de renseignements américains qui ont affirmé dans leur rapport sur l’évaluation de ce programme que l’Iran a cessé toute activité militaire nucléaire en 2003. Le deuxième élément est le fruit des travaux de l’Agence Internationale à l’Energie Atomique [AIEA] qui n’a absolument rien trouvé pouvant corroborer la thèse israélienne. Evidemment, si ce programme existait, il serait illicite au regard du Traité de Non Prolifération nucléaire [TNP] signé par l’Iran.

Il est à noter que l’Iran, contrairement à Israël, à l’Inde et au Pakistan, est signataire du TNP. En outre, ce pays a signé le Protocole Additionnel de l’AIEA, rendant plus contraignante la vérification des matières nucléaires déclarées. Les pays signataires du TNP ont légalement le droit d’enrichir l’uranium pour alimenter leurs centrales nucléaires. Il faut savoir que l’uranium enrichi nécessaire aux centrales nucléaires et l’uranium enrichi nécessaire à la fabrication d’une arme nucléaire ne sont pas de même qualité. L’uranium de qualité militaire doit passer par une cascade d’environ 50.000 centrifugeuses pour atteindre le niveau requis. En matière de nucléaire civil, 5.000 à 10.000 centrifugeuses en cascade sont suffisantes.

Actuellement, l’Iran dispose de 6.000 centrifugeuses et prévoit d’en ajouter 3.000. Ce pays est donc loin du compte pour produire l’uranium de qualité militaire. On peut toujours arguer que ce sont les chiffres officiels et que l’Iran a de nombreux sites secrets souterrains que l’AIEA n’a pas découverts. Cependant, les contrôleurs de l’AIEA ne restent pas les mains dans les poches à attendre que les iraniennes leur fournissent des informations. Ils peuvent intervenir quand bon leur chante dans les installations nucléaires iraniennes et ils ne s’en privent pas.

Ne disait-on pas en 2002 que Saddam Hussein pouvait lancer une attaque nucléaire sur l’Europe en moins de 45 minutes ?

On ne peut pas croire une seule minute que les renseignements étasuniens ou israéliens ne savent pas ce qu’il se passe vraiment. En réalité, l’objectif de cette « guerre » israélienne, menée avec la complicité d’une partie des services secrets américains, semble bien être tout autre : tout faire pour que l’Iran ne devienne pas une superpuissance régionale qui ferait de l’ombre à Israël. Les Israéliens ne souffrent aucune concurrence dans leur région, ni commerciale, ni industrielle, ni militaire, ni politique. Et, de leur côté, les Etats-Unis ne supportent pas que l’on puisse nationaliser le pétrole. Mais tout le monde sait que celui qui veut noyer son chien l’accuse de la rage…

Yossi Melman, correspondant de Haaretz.



Articles Par : Yossi Melman

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