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Israël et les Etats-Unis menacent l’Iran et la Syrie
Par Chris Marsden
Mondialisation.ca, 18 décembre 2006
WSWS 18 décembre 2006
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Lundi dernier, dans une entrevue à la télévision allemande, le premier ministre israélien Ehoud Olmert a commis un soi-disant lapsus en admettant tacitement qu’Israël avait l’arme nucléaire.

Répondant à une question, Olmert a dit que l’Iran ne pouvait être comparé à ce qu’il appelait les puissances nucléaires responsables, dans lesquelles il a inclus Israël aux côtés des Etats-Unis, de la France et de la Russie. Israël a toujours refusé de reconnaître qu’il avait un arsenal nucléaire que les experts estiment être composé de 80 à 200 ogives nucléaires.

En réalité, Olmert faisait une menace délibérée qui visait principalement l’Iran. Commentant le manquement à la politique officielle israélienne de l’« ambiguïté », Yosef Chagal de Yisrael Beiteinu, le partenaire d’ultra-droite de Kadima, la coalition dirigée par Olmert, a noté « A mon avis, ceci n’est pas un lapsus. Selon moi, c’est une démonstration de puissance. » Le message d’Olmert était « Nous sommes forts. Nous n’avons peur de personne. Si vous ne voulez pas être nos partenaires, si vous voulez avoir l’Etat d’Israël, alors nous avons les moyens de répondre. »

Que l’Iran ait été la cible d’un tel avertissement est montré par les commentaires faits le même jour par la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, qui a dit que Washington tentait d’utiliser les manifestations de masse contre le gouvernement pro-occidental de Fouad Siniora au Liban pour justifier des hostilités contre l’Iran et la Syrie, y compris une possible attaque militaire.

Depuis presque deux semaines, des manifestations dans lesquelles participent des centaines de milliers de personnes ont lieu à Beyrouth. Sous la direction politique du Hezbollah, et avec le soutien d’un autre mouvement chiite, l’Amal, ainsi que du Courant libre patriotique chrétien du général Michel Aoun, les manifestants ont pris les deux principaux squares au centre de Beyrouth et les rues adjacentes. Ils demandent au gouvernement de céder plus de pouvoir et de sièges aux partis de l’opposition ou bien de démissionner.

L’administration Bush a accusé la Syrie et l’Iran d’avoir organisé les manifestations dans le but d’élargir leur influence au Moyen-Orient. Plus tôt ce mois, le porte-parole du secrétariat d’Etat américain, Tom Casey, a dit que « Le Hezbollah et ses alliés, avec le soutien de la Syrie et du gouvernement iranien, continuent à travailler pour déstabiliser le Liban. » L’ambassadeur pour les Nations unies John Bolton a dit que les manifestations du Hezbollah faisaient « partie d’un coup inspiré par l’Iran et la Syrie ».

Lundi, Rice a donné une entrevue à l’agence France-Presse dans laquelle elle avertissait que les Etats-Unis « n’allaient pas se trouver dans une situation où il est même concevable de penser en Syrie ou en Iran que l’avenir du Liban pourrait être échangé pour d’autres intérêts des Etats-Unis… Je veux qu’il soit très clair que l’avenir du Liban n’est pas une question à négocier avec qui que ce soit. »

« Jamais les Etats-Unis ou la communauté internationale n’accepteront que la Syrie réaffirme son autorité sur le Liban », a-t-elle ajouté.

Passant ensuite à la question de l’Iran, Rice a déclaré qu’elle était « optimiste » que le Conseil de sécurité des Nations unies voterait bientôt une résolution menaçant l’Iran d’action internationale à moins qu’il ne suspende son programme d’enrichissement nucléaire.

Après des mois d’argumentations avec la Russie et la Chine, elle était satisfaite de la dernière version parce qu’elle sera votée en vertu du Chapitre VII de la Charte de l’ONU. « Cela établit le Chapitre VII, ce qui est dans mon esprit l’élément le plus important de la résolution », a-t-elle dit. Le Chapitre VII stipule que « Le Conseil de sécurité constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression » et « décide quelles mesures seront prises », y compris l’action militaire, « pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».

Les commentaires de Rice sont la continuation de l’offensive montée par l’administration Bush suite à la publication du rapport du Groupe d’étude sur l’Irak. Les déclarations du président Bush lui-même et d’une pléiade de néo-conservateurs en vue à Washington ont nettement rejeté tout appel à la négociation avec l’Iran et la Syrie qui viserait à stabiliser l’Irak, une demande en évidence du rapport de la commission bipartisane, et font plutôt pression pour l’intensification des hostilités contre la Syrie et l’Iran.

Le Liban est vu par l’administration américaine comme l’antichambre d’un conflit plus fondamental avec l’Iran pour établir son hégémonie sur le Moyen-Orient, un objectif qui est déjà âprement disputé en Irak et qui sera en fin de compte décidé par une offensive directe sur Téhéran.

Dans cette offensive, Israël joue un rôle clé en tant que partenaire régional militaire et politique des Etats-Unis, offrant ses services pour monter des provocations contre l’Iran, la Syrie et le Liban.

Il est probable qu’Olmert ait discuté avec l’administration Bush de ce qu’il allait dire en Allemagne. Commentant l’entrevue, Christiane Schlötzer a fait remarquer dans le Süddeutsche Zeitung que « quelques jours plus tôt, le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, avait aussi mentionné qu’Israël était une puissance nucléaire. Dans une autre entrevue avant sa visite en Allemagne, Olmert n’a pas rejeté la possibilité d’une frappe militaire contre le programme nucléaire iranien. »

Schlötzer a aussi replacé les commentaires d’Olmert dans le contexte de la guerre de factions que se déroule aux États-Unis à propos de la politique à adopter au Moyen-Orient. Il a écrit : « Depuis la publication la semaine dernière du rapport Baker-Hamilton, les réactions inquiètes et même apocalyptiques des médias se sont accumulées en Israël. Dans de tels rapports, le pays est présenté comme la victime d’une nouvelle politique américaine : une politique qui, jusqu’à maintenant, n’existe pas. »

Il serait plus juste d’affirmer qu’Israël joue un rôle déterminant en implémentant la véritable politique de l’administration Bush. Rappelons-nous qu’après avoir rencontré le président russe Vladimir Poutine le mois dernier, Olmert a dit que les Iraniens « devraient craindre » les conséquences de leur refus de tenir compte des demandes internationales pour qu’ils arrêtent leurs tentatives de développement nucléaire. « Ils doivent comprendre que s’ils s’opposent à tout compromis, le prix à payer sera élevé », a-t-il affirmé.

Ce qu’il a voulu signifier par là est indiqué par la discussion en cours sur une possible frappe militaire israélienne sur les installations nucléaires iraniennes. En décembre de l’an dernier, le Sunday Times britannique a fourni les détails d’une telle attaque sur une usine d’enrichissement d’uranium. Ces détails provenaient de sources anonymes au sein de l’armée et des services du renseignement israéliens. L’attaque qui était prévue pour l’été 2006, un assaut aérien et terrestre utilisant des unités des forces spéciales et des chasseurs F-15I à longue portée, n’a pas été menée. Mais on a assisté durant cette période au commencement d’attaques militaires soutenues et dévastatrices contre les Palestiniens et le Liban.

Israël continue de menacer le Liban, même après avoir accepté le cessez-le-feu le 14 août. Il n’a levé son blocus naval et aérien qu’en septembre et n’a retiré la plupart de ses troupes qu’en octobre. Régulièrement, la Force aérienne israélienne a pénétré illégalement l’espace aérien libanais, volant à basse altitude au-dessus des zones où sont stationnés les gardiens de la paix de l’ONU. Le ministre israélien Meir Sheetrit a déclaré récemment : « Si le gouvernement de Siniora tombe, cela veut dire que le Liban sera contrôlé par le long bras de l’Iran. »

Quant à elles, les puissances européennes ont fait d’importantes déclarations dénonçant le mouvement contre le gouvernement Siniora et jetant le blâme sur l’ingérence de la Syrie. « La France et l’Allemagne demandent que cesse toute ingérence dans les affaires qui concernent le Liban », ont soutenu la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Jacques Chirac dans une déclaration commune. « Ils souhaitent que la Syrie n’appuie plus des forces qui veulent déstabiliser le Liban et la région », était-il ajouté dans la déclaration.

Le ministre des Affaires étrangères italien, Massimo D’Alema, a déclaré quant à lui : « Le président Siniora a été élu légitimement par le peuple, il dirige un gouvernement appuyé par la majorité, l’Occident ne lui dicte pas quoi faire. » Lorsqu’on l’a questionné sur la situation au Liban, il a ajouté que « les gouvernements se forment par des élections, pas par des rassemblements dans les rues ».

D’Alema oublie fortuitement que le gouvernement de Siniora est arrivé au pouvoir au terme de la soi-disant révolution du cèdre, une série de manifestations de rues entièrement soutenues par les puissances occidentales qui ont suivi l’assassinat de l’ancien premier ministre Libanais Rafik Hariri en février 2005 et qui se sont terminées par le démantèlement du gouvernement prosyrien du premier ministre Omar Karami le 27 avril 2005.

La prétention que le mouvement de masse contre le gouvernement de Siniora n’est que le produit d’un plan syrien est loin de la vérité. En réalité, la principale raison de la déstabilisation du régime dirigeant est l’assaut dévastateur mené par Israël et pleinement appuyé par l’administration Bush qui maintenant, feint l’outrage à la violation de la souveraineté libanaise.

Le bombardement israélien n’a pas seulement détruit la plupart des infrastructures libanaises, tué plus de 1000 personnes et forcé le déplacement d’un million de plus, il a aussi détruit le peu de crédibilité qui restait au gouvernement Siniora. Depuis, il a fait face à une montée de l’opposition populaire qui a contribué à renforcer sa dépendance aux puissances occidentales.

Le principal bénéficiaire de cet outrage populaire contre les États-Unis, contre Israël et contre le gouvernement de Siniora a été le Hezbollah, dont l’autorité a été renforcée parmi les sections les plus opprimées de la population, majoritairement des sections chiites.

Les partis d’opposition ont demandé plus de sièges au parlement en échange d’un accord de participation dans un gouvernement d’unité nationale, une proposition qu’a rejetée Siniora. En novembre, cinq ministres chiites du Hezbollah, du Amal et du Courant patriotique libre ont quitté le gouvernement. En vertu de la constitution, le décès ou la démission de deux ministres supplémentaires ferait automatiquement tomber le gouvernement.

Deux semaines plus tard, le 21 novembre, le ministre de l’Industrie, le phalangiste antisyrien Pierre Gemayel, était assassiné.

Les Etats-Unis et ces alliés au Liban ont immédiatement, sans la moindre preuve corroborative, désigné la Syrie comme coupable de l’assassinat. Cela a ouvert la voie au Conseil de sécurité de l’ONU pour s’entendre sur le tribunal d’Hariri, qui avait été reporté à cause de l’opposition de la Russie et du Qatar.

Le 25 novembre, le cabinet libanais a voté pour approuver que soit établi un tribunal international pour juger les suspects de l’assassinat de Hariri, ce qui a mis la table pour une confrontation entre le Conseil de sécurité de l’ONU et le gouvernement syrien du président Bashar al Assad, qui a été accusé d’orchestré le meurtre.

Le 1er décembre, en réponse à un appel du dirigeant du Hezbollah Hassan Nasrallah, des centaines de milliers de personnes se sont jointes à la première manifestation antigouvernementale à Beyrouth, qui s’est poursuivie depuis. La manifestation a été caractérisée par ses dénonciations du gouvernement pour être le pantin des Etats-Unis et d’Israël.

La Syrie ne veut pas de confrontation avec Washington et a appuyé les efforts diplomatiques de la Ligue arabe d’obtenir un compromis négocié avec le gouvernement de Siniora, en vertu duquel le nombre de ministres dans le gouvernement libanais serait augmenté de 30. Deux tiers de ceux-ci représenteraient la majorité parlementaire et l’autre tiers, l’opposition. En plus, le plan donne au nouveau gouvernement le pouvoir d’établir une nouvelle Cour internationale pour l’enquête du meurtre d’Hariri.

Le dirigeant du Hezbollah, Hasan Nazrallah a aussi accepté en principe le plan de la Ligue arabe. Mais il n’y a aucun signe qui indiquerait que l’administration Bush ou Jérusalem soit intéressé par un tel compromis.


Article original anglais publié le 14 décembre 2006,
WSWS

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