Israël empile 1,8 million de Palestiniens dans une zone de la taille d’un aéroport
“Entasser autant de monde dans une zone aussi petite, avec aussi peu d'infrastructures ou de services augmentera considérablement les risques pour la santé de ceux qui sont déjà au bord du gouffre”.
Israël a déclaré qu’une zone plus petite que l’aéroport d’Heathrow était un espace sûr pour les personnes déplacées de Gaza.
L’armée israélienne a demandé aux résidents palestiniens de Gaza d’évacuer vers une partie de la ville d’al-Mawasi dans le sud de la bande assiégée, la désignant comme un espace sécurisé.
Cette directive intervient alors qu’Israël a intensifié ses bombardements sur le sud de la bande de Gaza, en particulier autour de la ville de Khan Younis, qui, selon l’armée israélienne, abriterait des dirigeants du Hamas.
L’ordre d’évacuation d’Israël n’est rien d’autre qu’une couverture pour le nettoyage ethnique
Mais l’espace dit “sûr” par les autorités israéliennes peut-il réellement accueillir les plus de 1,8 million de Palestiniens contraints d’évacuer leurs maisons depuis le déclenchement des violences le 7 octobre ?
Quelle est la taille d’al-Mawasi ?
Ville bédouine côtière située au sud de la bande de Gaza, al-Mawasi est une petite ville d’environ 1 km de large par 14 km de long. Elle était autrefois cernée par des colonies israéliennes jusqu’à ce que l’ancien Premier ministre israélien, Ariel Sharon, désengage les colonies de Gaza en 2005.
Israël a déclaré qu’une zone de seulement 6,5 km² de terres sablonneuses et dévastées, à l’intérieur de la ville, est la zone humanitaire où les personnes évacuées sont censées trouver refuge.
Cette zone représente la moitié de la superficie de l’aéroport londonien de Heathrow. Environ 61 millions de passagers ont transité par Heathrow en 2022, soit environ 167 000 par jour en moyenne.
En d’autres termes, la densité de population dans la partie dite “sûre” d’al-Mawasi serait plus de 20 fois supérieure à celle d’Heathrow, même si tous les passagers quotidiens de l’aéroport s’y trouvaient en même temps
À quel point est-ce un endroit “sûr” ?
L’intensification des bombardements israéliens sur le sud de la bande de Gaza après la rupture de la trêve a réduit les possibilités de zones sécurisées pour les Palestiniens au cours de l’offensive sanglante qui dure maintenant depuis plus de 60 jours. Israël a estimé que Khan Younis, auparavant considéré comme un lieu sûr, était désormais une “zone de combat dangereuse”.
Alors qu’Israël affirme qu’il existe des zones sûres pour les civils à Gaza, les habitants affirment qu’aucun endroit ne l’est plus, et les experts soulignent que les espaces réservés par Israël pour l’évacuation des personnes sont insuffisants ou dans l’incapacité d’accueillir de grandes populations déplacées.
Cette situation entrave-t-elle l’acheminement de l’aide humanitaire vers Gaza ?
Bushra Khalidi, juriste basée à Ramallah, a déclaré à Al Jazeera :
“Gaza était déjà surpeuplée… [maintenant] nous parlons de 1,8 million de personnes dans un aéroport”.
Mme Khalidi a ajouté que le choléra et la gastro-entérite se propagent rapidement en raison du surpeuplement. “Les gens sont malades parce que les conditions ne leur permettent pas de se soigner”, a-t-elle déclaré.
La création de zones de sécurité inappropriées dans la bande de Gaza pose-t-elle un problème sanitaire ?
Mme Khalidi n’est pas la première à critiquer la déclaration israélienne d’al-Mawasi en tant qu’espace sûr. Le 17 novembre, le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a qualifié la proposition israélienne de recette pour un désastre.
“Tenter d’entasser autant de gens dans une zone aussi petite, avec aussi peu d’infrastructures ou de services, augmentera considérablement les risques pour la santé de ceux qui sont déjà au bord du gouffre”, a-t-il déclaré, ajoutant que l’OMS ne participera pas à la création d’une soi-disant “zone de sécurité” à Gaza “sans un très large consensus, et à moins que les conditions fondamentales ne soient réunies pour assurer la sécurité et répondre aux autres besoins essentiels, et qu’un mécanisme ne soit en place pour superviser sa mise en œuvre”.
Al-Mawasi dispose-t-elle de structures d’accueil adéquates ?
Une équipe de Sky News s’est rendue à al-Mawasi pour enquêter sur la situation. Elle n’a trouvé aucun dispositif d’hébergement, tel que des tentes ou des cuisines collectives, dans une région est déjà confrontée à une grave pénurie de services de santé.
Article original en anglais : How Israel is squeezing 1.8 million Palestinians into an airport-sized area, Al Jazeera, le 6 décembre 2023.
Traduction : Spirit Of Free Speech