Israël et la guerre des drones

Introduction
« Trois facteurs expliquent le succès d’Israël , devenu le premier dans le monde à développer et produire des Véhicules Aériens Télécommandés (Drones ou UAV en anglais). … et nous en avons une utilisation opérationnelle immédiate car nous sommes toujours au sein d’un conflit, ce qui nous permet d’améliorer nos systèmes ». (Katz Yaakov -Ministère de la Défense israélien – Jerusalem Post, 10 juillet 2011)
Si les Etats-Unis et leur utilisation des drones ont attiré l’attention, le présent article s’articulera autour de la fabrication, l’utilisation et l’exportation par Israël de la technologie des drones qu’un rapport de mai 2013 signalait comme étant l’exportateur mondial de ces armes.
Israël, non seulement, produit des drones depuis les années 1970, les exporte depuis les années 1980 mais se range parmi les trois Etats, aux côtés des Etats-Unis et de la Grande- Bretagne, pour y avoir recours à des fins militaires.
Alors que la grande majorité des drones militaires sert à la surveillance, au ciblage et à la collecte de renseignements, les drones télécommandés, capables d’attaques armées sont le système d’armement que « l’on doit avoir » pour les conflits d’aujourd’hui.
Avec détecteurs et caméras, les opérateurs rassemblent les informations, offrent commandes et fonctions de contrôle, sélectionnent les cibles et tirent missiles ou bombes à des milliers de kilomètres, tout comme dans un jeu vidéo auquel cette arme a souvent été comparée. Ses partisans prétendent que les missiles tirés des drones sont plus précis que ceux tirés des avions de guerre mais il n’existe aucune preuve de cette prétention en raison du secret qui entoure son utilisation.
Les exportations d’armes du ministère de la défense sont devenues le principal poste de l’économie israélienne et la part des drones s’élève entre 3% et 10%. Selon SIPRI (Institut de recherche suédois), le nombre de pays destinataires de ces exportations est de 24 sur les 76 pays disposant des capacités militaires en matière de drone, mais cela semble une sous- estimation pour les chercheurs de Drones War UK qui chiffrent à cinquante les pays ayant reçu des drones ou une technologie dronique d’Israël.
Si Israël a développé la technologie des drones depuis des décades, la guerre à Gaza de novembre 2012 et sa campagne « Bordure protectrice » a été décrite par Israël comme le summum de l’utilisation par ce pays de cette arme illégale. « Le type de guerre chirurgicale que nous avons pratiquée sur Gaza n’aurait pu se faire sans l’utilisation massive de ces plateformes sans personnel » (Arie Egozi, Flight Global)
Pour la première fois, il n’y eut pas de bottes israéliennes dans les attaques sur la Palestine au cours d’une offensive majeure pour la simple raison, selon le ministre israélien de la défense, Moshe Ya’alon que « nous les (drones) utilisons et les adaptons à la nouvelle réalité, que les conflits, armée contre armée, comme nous les avons connus, il y a 40 ans avec Yom Kippour, ne sont plus d’actualité».
Le secret le plus strict est soigneusement gardé sur l’utilisation de ces drones militaires, que ce soit au cours d’une guerre ou en dehors de tout guerre déclarée, par les trois pays connus pour leur pratique. Israël s’y tient d’autant plus qu’il n’a jamais admis se servir de drones militaires comme le remarque le journal israélien Haaretz du19 février 2013: « Alors que le sujet des (assassinats ciblés par drones) fait la une des journaux dans le monde, il y a un pays, qui a été à l’avant-garde de la guerre de drones, où le débat n’a pas reçu le coup d’envoi … aussi, nous ne pouvons que nous reposer sur des sources étrangères qui affirment qu’Israël a utilisé des drones militaires depuis des années pour accomplir des assassinats ciblés »
Israël et la guerre des drones (2ème partie)
« Les Véhicules Aériens Télécommandés (UAV) sont devenus indispensables pour accomplir une panoplie de missions en soutien à notre stratégie de défense. Pas un jour ne se passe sans qu’ils ne soient déployés dans des opérations multiples ». (Tal Inbar, Chef de la Recherche pour l’Espace et les VAT, Centre Fisher, Israël, – Jerusalem Post, 8 août 2012).
La longue histoire du développement des drones montre que les Forces Aériennes Israéliennes (FAI) les ont déjà utilisés pour la surveillance de l’Egypte en 1971, en prévision de la guerre du Kippour (ou du Ramadan pour les Arabes). La première mention de leur utilisation pour le ciblage militaire fut en 1981, peu avant la guerre du Liban de 1982, quand les drones localisaient les lieux ou autres que les bombardiers venaient ensuite frapper.
La preuve la plus évidente du recours aux drones d’Israël à des fins militaires a été révélée par WikiLeaks dans les dépêches secrètes de l’ambassade US sur les frappes contre Gaza. Une dépêche de 2009 (publiée par Wikileaks 1 sept. 2011) se rapporte à une réunion tenue entre les officiels américains et israéliens pour discuter des conséquences légales et opérationnelles des activités de l’armée israélienne en cours à Gaza, dénommée Opération Plomb durci ainsi que des incidents spécifiques relatifs aux violations du droit humanitaire international.
Voici ce que dit un extrait de cette dépêche : « Les VAT ont tiré deux missiles contre (deux militants du Front Populaire). Le premier a manqué son but, mais le deuxième les a touchés.
Les photos des VAT prouvent que le shrapnel a pénétré dans la mosquée par une porte ouverte. Si la mosquée n’était pas visée, spécifie Avichai Mandelbit, Brigadier–Général et juge israélien, les civils à l’intérieur furent tués ».
Quarante ans de guerre de drones de 1970 à 2013.
Cherchant une méthode pour recueillir du renseignement sans risquer la vie de ses pilotes, Israël a tout d’abord acheté les drones de surveillance Firebee US en 1971 et mis sur pied le premier escadron de drones sur la base Palmachim près de Tel Aviv.
En 1973, dans la guerre israélo-arabe, Israël utilisa des drones-leurres Chukar US, pour la première fois au-dessus du Golan pour faire croire aux Syriens qu’une attaque massive de leur défense aérienne avait commencé. Pour compenser les coûts du développement de leur armement, Israël se mit à exporter tout en recevant 3 milliards de dollars par an des Américains en aide, principalement militaire.
Israël commença la production de drones en 1974 au travers d’Israel Aerospace Industries (IAI), en 1979, et les drones de surveillance Scout furent mis en service. Une autre société Tadiran développa le Mastiff. Ils furent mis en action concurremment au cours de la crise israélo-libanaise de 1981 et de la Première guerre au Liban de 1982.
Le drone Pioneer, développé par la AAI US Corporation et IAI fut acheté par la marine israélienne en 1985 et en 1988, le nouveau Searcher de IAI prit du service. En janvier 1991, les drones de surveillance Pioneer, achetés d’occasion en Israël équipèrent la marine US, pendant la première guerre du Golfe, pour guider les missiles tirés des bâtiments en mer.
Le 16 février 1992, un drone Scout attaque un convoi de véhicules dans le sud Liban dans lequel le dirigeant du Hezbollah, Cheikh Abbas al-Musawi fut ciblé et tué.
Du 25 au 31 juillet 1993, au cours de l’Opération Responsabilité les forces israéliennes opérèrent 27 vols de drones au-dessus du Liban ainsi que des attaques aériennes contre des organisations militantes dont celles du Hezbollah. Pour Israël, le succès de cette campagne conduisit à « l’absorption de nouveaux systèmes » dans l’escadron précité.
19 septembre 2000, seconde Intifada (ou al Aqsa) palestinienne au cours de laquelle Israël avec « des tirs d’hélicoptères contrôlés visant les cibles terroristes et leurs opérateurs, Israël confirma que l’unité de drones joua un rôle décisif » et deux ans plus tard, Aviation Week rapporta que « au cours du combat urbain à Jenin…. les hélicoptères militaires se camouflèrent derrière le terrain et tirèrent sur des cibles localisées par les VAT ».
En 2004, paraissent les premières preuves crédibles de l’utilisation des drones sur Gaza. Le Jerusalem Post du 24 octobre écrit : « Des témoins parlent d’appareils sans pilote. … dans une attaque à l’aube sur Khan Younis qui tua deux attaquants du Djihad islamique – Ziad
Abou Moustapha et Omar Abou Mustapha, tous deux âgés de 20 ans. Et le 7 décembre, une autre attaque de drone causa la mort d’un djihadiste palestinien mentionné dans une dépêche de l’ambassades US ».
A la suite de la mort de deux soldats israéliens et de la capture du soldat Gilad Chalit, le 25 juin 2006, par des Palestiniens de Gaza, Israël lança une offensive aérienne et terrestre entre le 28 juin et le 26 novembre, appelée Pluies d’été, au cours de laquelle 400 Palestiniens trouvèrent la mort et l’infrastructure de Gaza fut presque entièrement détruite, dont la seule centrale électrique du pays.
Du 12 juillet au 14 août 2006, la Seconde guerre du Liban vit de nombreuses actions de drones. Le site Flightglobal rapporte qu’il existe des preuves claires que, pour réduire la durée des engagements sur des « cibles sensibles », « Israël a armé des drones Heron 1 de missiles Rafaël Spike qui laissèrent des marques de fragmentation et d’explosion sur le site d’une attaque contre une ambulance de la Croix-Rouge libanaise. Human Right Watch a estimé à 9 les attaques de drones qui firent 27 victimes au Liban.
Puis, Israël adapta son système de drones Hermes 450 en les équipant de missiles air-sol Rafael, qui fut mis en service extensivement à Gaza et lors de la Second Guerre du Liban ainsi que, lors de raids, en 2009, sur le Soudan.
En mai 2007, les sources palestiniennes affirmèrent que les drones armés avaient remplacé les habituels hélicoptères de combat pour détecter et détruire les rampes de lancement des missiles et les lanceurs sur le nord de Gaza.
En octobre 2007, le nouveau Heron TP Eitan entra en action. Selon Haaretz, il peut également être équipé de manière hypersophistiquée pour des attaques à long rayon stratégique et pour la défense, en plus de son rôle de surveillance, localisation de cibles et reconnaissance.
Du 27 février au 3 mars 2003, vit une autre agression sur Gaza surnommée Hiver Chaud en réponse à la mort d’un Israélien par une attaque à la roquette. Plus de 120 Palestiniens furent tués en retour et 350 blessés.
En décembre 2008, l’opération d’envergure « Plomb durci » sur Gaza, avec la première utilisation du Heron TP Eitan, dont l’objectif était de mettre un terme au tir de roquettes sur Israël. Dès les premiers jours, 400 Palestiniens furent tués. Le 17 janvier, jour du cessez-le- feu, l’offensive avait fait 1 330 victimes dont 430 enfants et laissé 5 450 blessés, selon des sources médicales palestiniennes. Côté israélien, 10 militaires et 3 civils israéliens avaient trouvé la mort.
L’offensive, selon des sources palestiniennes, avait débuté par une campagne « Choc et terreur » comprenant 64 avions de combat touchant 50 cibles reliées à Hamas et suivie par un bombardement de 100 tonnes d’explosifs au cours des neuf heures de combat. Les troupes au sol furent précédées par les VAT pour nettoyer le site et guider, depuis une distance de 500 mètres les militaires, sur des routes sûres.
Pour la première fois, les commandants de l’infanterie purent, en toute autonomie, diriger les drones, les hélicoptères et les avions de guerre ayant ainsi à leur disposition un escadron de droneurs, et une équipe de soutien au sol leur fournissant les informations en temps réel pour détecter les mouvements des Palestiniens.
Des sources dignes de foi affirment qu’un drone conduisit une attaque contre un convoi supposé être un chargement d’armes iraniennes via le Soudan en 2009.Le Jerusalem Post décrit en détail que les drones (Heron TP Eitan et Hermes 450) pouvaient, pendant de longues périodes, s’attarder au-dessus du vaste désert du Soudan « où ils attendaient que le convoi apparaisse ». Les informations leur étaient fournies de source étrangère.
Pour Ehud Olmer, Premier ministres israélien d’alors, confirma que « Ceux qui doivent savoir, savent qu’il n’y a aucun endroit qu’Israël ne peut frapper. Un tel endroit n’existe pas ».
2010 vit la promotion du système Skylark 1, « un mini ensemble individuel » alloué aux forces armées pour que les commandants disposent d’ « informations rapides et immédiates » sans interférence de l’aviation israélienne.
Selon Aviation Week, une nouvelle unité, « Commandement en profondeur », fut créée en 2012 dans le but de coordonner des opérations à long rayon d’action et pour mettre davantage à profit les drones équipés de senseurs multifonctions, précis et armés comme le Heron TP Eitan.
Des photos de ces drones les montrent sur les sites de guerre en Syrie mais la nationalité des opérateurs, turcs ou israéliens, n’a pu être précisée.
En novembre 2012, durant l’assaut massif sur Gaza par Israël avec l’« Opération Pilier de Défense », Human Right Watch atteste que 18 attaques aériennes – dont 7 par des drones – furent « en contravention totale avec le droit de la guerre ». Arie Egozi de Flight Global estime que « les huit jours de combat à Gaza ont vu l’usage des (drones) et des senseurs de renseignement porté à un point culminant inconnu jusqu’alors ». Les attaques de drones ont continué tout au long de 2013.
En dépit du silence de l’Etat juif, dénoncé par Memo (Middle East Monitor) les informations recueillies dévoilent un schéma établi de recours aux drones militaires, notamment à Gaza depuis 2004.
Israël et la guerre des drones (3ème partie)
« Le bourdonnement des drones en survol est là pour vous rappeler sans répit la vigilance impassible d’Israël et son pouvoir illimité, de frapper à tout moment ». (Scott Wilson – Washington Post – 3 déc. 2011)
Les conséquences sur le terrain
Il est certain que l’utilisation des drones par Israël a un impact dévastateur sur le terrain à Gaza. Les deux offensives majeures, en 2008-2009, avec l’Opération Plomb durci et en 2012, avec l’Opération Barrière Protectrice attestent du coût humain de cette nouvelle arme.
Deux incidents l’illustrent : celui de la Mosquée al Maqadmah, déjà mentionné, où 200 à 300 personnes se trouvant à l’intérieur pour la prière du soir, le 3 janvier 2009, furent l’objet d’une attaque de drone armé. 15 Palestiniens furent tués et 40 blessés parmi les fidèles. Une enquête de l’ONU confirma la nature des munitions utilisées. Après avoir nié, prétextant qu’ils ne savaient pas qu’il s’agissait d’un édifice religieux, Israël par l’intermédiaire de son avocat général militaire israélien, Mandelbit, admit, dans une dépêche aux Américains révélée par WikiLeaks, la réalité de cette attaque.
La vaste offensive sur Gaza lors de l’Opération Barrière de Défense, pendant huit jours, en novembre 2012, marqua le point culminant, à ce jour, de la guerre de haute technologie d’Israël : 1 500 cibles furent attaquées par les FAI et Peter Layton pour Defence Today, écrit que l’aviation israélienne fut soutenue par des drones Hermes 450 et 900 armés de missiles
Spike. « L’Opération Barrière Protectrice commença par une attaque de précision sur un véhicule, au centre de Gaza par un drone Hermes 450 armé… qui tira un missile anti-char Spike. Ahmed Jabari, le chef de l’aile armée du Hamas, considéré comme l’auteur principal du développement rapide des forces de roquettes du Hamas fut tué. Les drones Hermes 450 ont continué leurs attaques d’avant-garde et répondu rapidement au lancement de roquettes grâce à leurs équipes de missiles mobiles ».
Dans son rapport sur l’offensive, Human Rights Watch estima que, même sans avoir pu enquêter sur toutes les attaques aériennes, il avait compté 18 attaques spécifiques en violation des lois de la guerre, 7 d’entre elles des attaques de drones. Pour le reste, le type de munitions n’est pas résolu et la plupart des victimes était des civils :
« … le 19 novembre, trois hommes furent tués dans un camion transportant des tomates à Deir al Balah… un homme de 79 ans et sa petite-fille de 14 ans le furent aussi dans leur oliveraie à Abasan , un fermier et son fils… marchant sur une route près d’oliviers à Khan Younis et une femme de 28 ans… dans la cour de sa maison. Un missile Hellfire toucha un hôpital à Gaza, le 19 novembre, coupant l’électricité et l’eau. Les hôpitaux sont des lieux protégés par les lois de la guerre à moins qu’ils ne soient transformés à des fins militaires et sont ciblés après avertissement».
Israël prétend que ses frappes de drones sont légitimes parce que précises et que les opérateurs tirant les missiles ont une vision parfaite des cibles au moment du tir. Cependant, Defence for the Children International maintient que 353 enfants furent tués, 116 d’entre eux par des tirs de drones, et 850 blessés.
Human Right Watch n’a trouvé, au cours de son enquête, aucune preuve de la présence de combattants palestiniens, d’armes ou d’autres objectifs militaires au moment de ces attaques et souligne que « des individus qui délibérément ordonnent ou prennent part à des attaques dont les cibles sont des civils ou des objets civils sont responsables de crimes de guerre ». (HRW, Israël’s Gaza airstrikes violated laws of war, 12 février 2013).
Le secret qui entoure le recours par Israël aux drones armés empêche de connaître avec certitude le nombre de victimes mais le Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme fait état de 825 morts, dont 79% étaient des enfants, par des drones à Gaza entre la capture de Gilad Chalit en juin 2006 et sa libération en octobre 2011, tous en majorité des civils ciblés par erreur ou pris dans le feu du shrapnel d’une attaque de drone.
Mais ce ne sont pas seulement les drones armés qui ont un impact sur la vie de la population civile. Les drones de surveillance, survolant à plus basse altitude, causent la terreur et la panique car il est impossible de faire la différence entre un drone en mission de surveillance et un, armé prêt à enclencher une attaque. Les Palestiniens vivant à Gaza évoquent sans cesse la peur des drones qui, jour et nuit, émettent un sifflement sourd qu’ils appellent « zenana ».
Scott Wilson du Washington Post écrit : « Nabil al- Amassi regardait, en l’été 2006, les tanks israéliens déferlaient sur la bande de Beit Lahiya (Gaza) dans une opération destinée à faire pression sur le Hamas pour libérer Gilad Chalit…Une demi-douzaine d’hommes se tenait au bout de la rue sableuse quand, tout à coup, le drone sifflant au-dessus tira. Trois hommes tombèrent, morts dont un homme eut les bras arrachés que les survivants hurlant enlevèrent de la scène… »
Les conséquences sur les enfants qui font l’expérience de la guerre et des attaques de drones sont affolantes. Le principal de la Qasteen School fait venir, plusieurs fois par semaine, des psychiatres pour calmer les enfants et leur expliquer que le sifflement des drones ne signifie pas que la guerre est imminente, continue Scott Wilson. « Le bruit des drones entretient chez les résidents de Gaza un sentiment d’impuissance. Au fond d’eux, psychiatres ou étudiants (du Centre pour le Programme de la Santé mentale) il y a la peur, le sentiment que quelque chose de terrible va se produire ». « Les drones font partie de l’histoire, partie du conditionnement.
Chaque fois que nous les entendons, nous nous replaçons dans ces instants de violence et de mort » « C’est une forme de torture mentale qui épuise les ressources psychologiques et émotionnelles des gens. Pour les enfants, il s’agit d’une absence de concentration et d’un comportement indiscipliné » pour Ahmed Tawahina, psychologue audit Centre.
Les 42 attaques de drones au cours de l’offensive « Plomb durci » firent 87 victimes civiles. La tactique utilisée fut la suivante : un premier missile est tiré par un drone, suivi quelques minutes plus tard par un second ou un troisième qui atteint les personnes venues secourir les blessés. Cette tactique de la double frappe fut utilisée par les Américains au Pakistan et au Yémen.
(Bowcott Owen, The Guardian, 24 janvier 2013, UN to examine UK and US drone strikes ».
Israël et la guerre des drones (4ème partie)
« Avec un record inégalé de plus de 1 100 000 heures de vols pour 49 utilisateurs, IAI- MALAT est devenu le principal fournisseur de solutions globales impliquant les VAT (drones) – offrant ainsi la plus grande variété de systèmes de combat ayant fait ses preuves », selon Israël Aerospace Industries
Israël : Les exportations militaires de drones
Entre 2001 et 2011, 41% des drones dans le monde viennent d’Israël selon le SIPRI (Institut International suédois pour la Recherche de la Paix) et ceux-ci composent pour près de 10% le volume des exportations militaires d’Israël. Israël a exporté la technologie des drones à 56 pays parmi les 70 qui, on assume, possèdent cette arme. Les exportations directes sont complétées par la création de filiales des sociétés d’armement israéliennes dans des pays précis en vue d’y produire des drones et la formalisation d’accords pour la location de drones, en Australie, Canada, Allemagne, Pays-Bas et Grande-Bretagne pour l’Afghanistan.
Les fabricants de drones ont établi des accords de joint-venture avec leurs homologues en Argentine, Azerbaïdjan, France, Italie, Russie, Afrique du sud, Turquie et la Grande-Bretagne. Le transfert de technologie des drones se fait aussi par des fournisseurs de troisième rang : la Finlande, par exemple, commande des drones au travers d’une société helvétique.
Le marché africain devient, pour Israël, un point d’ancrage important : Arie Egozi, journaliste et expert en drones, (Flightglobal, 9 octobre 2012) cite comme destinataires l’Angola, le Kenya, la Côte d’Ivoire, le Nigeria, l’Ethiopie et la Tanzanie.
Le Programme Watchkeeper de la Grande Bretagne
En juillet 2005, le gouvernement britannique signa un contrat de 800 millions de livres sterling avec Israël pour le développement d’un nouveau drone sans pilote. Watchkeeper devant équiper le régiment d’artillerie britannique pour des missions de surveillance, reconnaissance et ciblage. Même si Watchkeeper est encore non militaire, Thales en a présenté une version porteuse de missiles à divers salons et le Jerusalem Post a rapporté que Thales avait suspendu au plafond du Salon de l’armement, à Londres en 2011, un Watchkeeper armé de deux missiles sur ses ailes.
Watchkeeper est conçu sur le Hermes 450 israélien et construit pas U- TACS Limited, une joint-venture dont les propriétaires sont une entreprise privée israélienne, Elbit systems, détentrice de 51% des actions et Thales UK. Les moteurs sont fabriqués par UAV Engines of Shentone, à Birmingham, une filiale entièrement détenue par Elbit Systems. The Guardian du 6 mai 2013 rapportait que 27 appareils avaient été livrés par Thales UK, cette année-là. En octobre, le Foreign Office découvrit que les essais du Watchkeeper devaient avoir lieu dans le Golan, territoire occupé par Israël depuis 1967. Après objections, ils furent réalisés en Israël même. Les dix premiers drones furent produits en Israël, puis la production fut transférée à Leicester.
En juin 2007, les forces britanniques utilisèrent, en Afghanistan et en Irak, des drones Hermes 450 militaires en location « payée à l’heure » auprès d’Israël dans l’attente de l’entrée en service du Watchkeeper…. et en octobre 2013, on comptait 1460 vols par an sur ce pays et onze d’entre-eux s’étaient écrasés.
Watchkeeper ne fut jamais mis en service en Afghanistan, objectif de sa production d’un coût final de 831 millions de livres, en raison de l’absence d’autorisation par les autorités militaires aériennes de Grande Bretagne d’utiliser ces engins dans un espace civil et militaire.
Transactions « douteuses »
Il existe un certain nombre de cas où les transactions d’Israël devraient éveiller l’attention de la communauté internationale et, notamment, ceux dans lesquels ce pays vend ses drones aux deux protagonistes d’un conflit, à un pays où les droits de l’homme sont plus ou moins ignorés ou là, il y a une course à l’armement.
Israël, dans le premier cas, a vendu des drones tant à la Russie qu’à la Géorgie dans leur conflit sur l’Ossétie du sud et en Abkhazie qui, en dix jours, en août 2008, devint « sanglant ». Des mois auparavant, la Géorgie avait fait voler des drones Hermés 450 sur la région et on avait rapporté que trois et sept drones avaient été abattus au-dessus de l’Abkhazie… En septembre, la Géorgie annonça avoir tiré sur un drone russe au-dessus de la province séparatiste d’Ossétie. Selon les analystes militaires, la Russie avait été surprise de l’armement sophistiqué de l’escadrille de drones militaires géorgiens, mais la situation se modifia quand Israël changea d’interlocuteur et vendit à la Russie 12 drones pour la somme de 53 millions de dollars.
Dans le deuxième cas, les drones israéliens ont été utilisés pour commettre des violations des droits de l’homme. Tel fut le cas du Sri Lanka, à partir de 1996, dans sa lutte contre les rebelles des Tigres Tamouls. Les drones utilisés et composant l’escadron des Véhicules Aériens Télécommandés (VAT ou UAV)furent des Super-Scout et Searcher MK II. En 2008, le Sri
Lanka décida de mettre un terme à la trêve conclue avec les rebelles et s’engagea dans une opération appelée « Opération Humanitaire ». Selon Gordon Weiss, porte-parole de l’ONU à Colombo, « 40 000 civils furent tués » et l’International Crisis Group dans son enquête rapporta que des drones de surveillance avaient tiré sur des cibles civiles dans une « Zone neutre » à Vanni et sur un hôpital, le 2 mai 2009. Les forces aériennes sri-lankaises, sur leur site internet, précisaient que les drones Searcher MK IIfurent « les éléments clés du succès opérationnel contre les Tigres avec un nombre de vols de 1665, 49 heures au cours de 255 missions ».
Enfin, Israël a contribué à la course à l’armement entre l’Inde et le Pakistan. L’Inde est le principal acheteur de drones israéliens depuis 1999 et son conflit avec le Pakistan au Kargil. Mark Sofer, ancien ambassadeur israélien à Delhi, indiquait au magazine indien Outlook que « nous avons des relations prospères et nos relations en matière de défense ont pris de l’élan depuis Kargil… ». Arielle Kandel de l’Institut politique du Peuple Juif, de Jérusalem est plus spécifique, dans le India Times : « au cours de la guerre de Kargil, Israël a… promptement fourni l’Inde en UAV de haute altitude pour la surveillance, des systèmes téléguidés au laser, etc…un jour après que l’Inde lui eut demandé son assistance ».
Le Pakistan, leurré par la capacité de la surveillance dronique de l’Inde, est aussi soumis aux frappes de drones par les Etats-Unis sur les zones tribales. Sa réponse fut de développer sa propre industrie en ce domaine et certains spécimens sont entrés en service en 2009. Les rumeurs circulent qu’il se fournit en drones chinois, dont le dernier modèle peut être armé de quatre bombes de précision. … Le Pakistan cherche aussi à se procurer des drones US comme le RQ-7 Shadow.
Conclusion
Drone Wars UK a voulu par ce bref essai briser le silence qui entoure le développement des drones en Israël et leur prolifération car si beaucoup a été écrit sur l’utilisation des drones par les Etats-Unis au Pakistan et ailleurs, par la Grande-Bretagne en Afghanistan, peu avait transpiré sur la guerre des drones lancée par Israël.
Ce dernier a utilisé des drones pour la surveillance et la collecte de renseignements au cours de 40 dernières années, mais dès 2004, des enquêtes crédibles ont décrit l’utilisation de ces engins armés dans le conflit toujours présent des territoires occupés palestiniens et ailleurs et la dernière Opération Barrière protectrice de 2012, laisse envisager que, de moins en moins, « il n’y aura de bottes sur le terrain », ce qui ne présage rien de bon.
La prolifération des drones israéliens font d’Israël le 6ème marchand d’armes mondial (Haaretz – 25.1.2013) d’un montant de 2.4 milliards de dollars en 2012.
Le prix de cette industrie florissante en est payé par les Palestiniens, obligés de vivre sous le bruit incessant de ces engins, par le grand nombre de victimes qu’ils font et par les futures guerres à travers le monde comme s’en félicite Tzvi Kalron, de l’IAI «… si vous supprimez le facteur humain dans une bataille et y envoyé des outils qui savent mieux la faire, c’est plus facile. ».
Source: Israel and the drone wars – Examining Israel’s production, use and proliferation of UAVs, janvier 2014
Traduction et Synthèse: Xavière Jardez
http://www.france-irak-actualite.com/2015/09/document-israel-et-la-guerre-des-drones-1ere-et-2eme-partie.html
http://www.france-irak-actualite.com/2015/09/document-israel-et-la-guerre-des-drones-3eme-et-derniere-partie.html
Pour info: Site de Drone Wars UK