Israël-États-Unis: L’unique démocratie du Moyen Orient, un état d’Apartheid

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L’hécatombe

Premier dans l’ordre des trépassés, la dynastie hachémite -dans ses deux variantes la branche jordanienne et la branche irakienne- paiera le plus lourd tribut en recherchant un arrangement séparé avec les Israéliens au détriment des Palestiniens. Le Roi Abdallah 1er de Jordanie, assassiné dans l’enceinte même de la Mosquée Al Aqsa, en 1951, sera ainsi le premier dans la très longue liste des trépassés qui auront payé de leur vie leur servilité à leur parrain britannique, le promoteur de la promesse Balfour.

https://www.madaniya.info/2020/07/22/l-assassinat-de-roi-abdallah-1er-de-jordanie-en-1951/

Sept ans plus tard, son petit-fils, le Roi Fayçal d’Irak, sera détrôné et exécuté sur la place publique, le 14 juillet 1956, pour avoir adhéré au pacte de Bagdad, première rupture du pacte de défense collective arabe. Son premier ministre, Noury Said, sera, lui, lynché par la foule le même jour pour avoir encouragé le Royaume Uni à se livrer à une agression tripartite contre l’Égypte, exhortant le premier ministre britannique Anthony Eden à se livrer à une expédition punitive contre Gamal Abdel Nasser, chef de file du combat nationaliste arabe, en des termes passés à la postérité: «Hit Him, Hit Now, Hit Me Hard».

Camp David

Machiavélique dans sa conception, le traité de paix égypto-israélien a été malfaisant quant à ses effets; maléfique quant ses conséquences, tant pour l’Égypte, que pour son signataire égyptien que pour son successeur qui l’a cautionné: Anouar El Sadate, le négociateur du traité de paix israélo-égyptien de Washington du 25 mars 1979, a été assassiné deux ans plus tard, le 6 octobre 1961. Son successeur Hosni Moubarak, a été, quant à lui, caramélisé au terme de trente de deux ans d’un règne calamiteux pour sa personne et infamant pour la dignité de son pays qu’il a soumis pendant cette longue période à la logique de la vassalité israélo-américaine.

La défection de l’Égypte du champ de bataille a été compensée par la chute de la dynastie Pahlévi en Iran, le gendarme du Golfe et le ravitailleur énergétique d’Israël.

En conférant une profondeur stratégique aux contestataires à l‘ordre hégémonique israélo-américain dans la zone, l’avènement de la République Islamique Iranienne a induit un nouveau rapport de force au niveau régional. Et, paradoxalement, depuis la signature du traité de paix égypto-israélien, et malgré la défection de l’Égypte, Israël n’a plus jamais remporté une victoire militaire décisive.

En 1982, Bachir Gémayel, chef des milices chrétiennes libanaises, élu à la présidence de la République libanaise à l’ombre des blindés israéliens, -après avoir éradiqué le camp palestinien de Tall El Zaatar quatre ans plus tôt, en 1976, périra sous les décombres de son quartier général à la veille de sa prise de pouvoir. La Force Multilatérale Occidentale, composée des États-Unis, de la France et de l’Italie- dépêchée au Liban pour se substituer aux Israéliens dans la pacification de Beyrouth après le massacre des camps palestiniens de Sabra et Chatila, sera contrainte de plier bagages à la suite d’attentats meurtriers contre les quartiers généraux occidentaux qui auront fait au total plus de 300 soldats.
En 2000, l’Etat hébreu s’est retiré militairement du Liban, sous l’effet des coups de boutoir du Hezbollah, sans négociations directes, ni traité de paix.

Le Liban avait déjà anticipé cet événement en abrogeant sept ans auparavant, sous la pression populaire, le traité de paix libano-israélien conclu en 1983, sous la mandature du président phalangiste Amine Gemayel. Un double standard dans l’histoire du conflit israélo-arabe, propulsant le Liban au rang de curseur diplomatique régional.

En 2006, Israël a même été contraint d’accepter un cessez le feu faute d’avoir vaincu le Hezbollah au terme d’une guerre de soixante jours, l’appui massif américain et les encouragements du chef du clan Hariri, le premier ministre Fouad Siniora, dont l’accolade à la secrétaire d’état Condoleeza Rice à Beyrouth sous les bombardements israéliens, constituera la marque suprême de l’infamie. Sur le front sud d’Israël, en dépit de quatre guerres successives contre l’enclave palestinienne, l’État hébreu n’a toujours pas réussi à terrasser le Hamas à Gaza, qui le nargue désormais avec ses missiles jusqu’à Tel-Aviv. Depuis lors, toutes les confrontations ultérieures au Moyen Orient ont pris la forme de guerres asymétriques, marquées par la mise en échec de l’unique puissance atomique du Moyen Orient face à ces contestataires furtifs pratiquant une guerre hybride, combinant guerre conventionnelle et guerre de guérilla.

Ainsi au fur et à mesure que les contestataires de l’ordre hégémonique israélo-américain gagnaient en efficacité, la Palestine, jadis la cause principale des Arabes, était progressivement bradée par ceux-là même qui étaient supposés en avoir la charge, notamment l’Arabie saoudite, en sa qualité de gardien des lieux saints de l’Islam et qui avaient fait de l’islamisme politique sa rente de situation.
Rétrospectivement, le terrorisme islamique a permis aux pétromonarchies de se débarrasser à bon compte de leurs trublions, sous couvert d’exaltation religieuse, tout en détruisant leurs rivaux potentiels. Au bénéfice exclusif des États-Unis, le protecteur d’Israël.

Richard Nixon, le président américain qui avait organisé un pont aérien pour ravitailler l’armée israélienne directement sur le champ de bataille, lors de la Guerre d’octobre 1973, sera contraint à la démission, moins d’un an plus tard, le 9 août 1974 , sous la menace d’une destitution du fait du scandale du Watergate, les écoutes illégales du siège du Parti démocrate.
Le Chah d’Iran, l’un des plus farouches adversaires de Nasser, sera évincé du pouvoir , cinq ans plus tard, en 1979, par une révolte populaire, l’année de la conclusion du traité de paix entre Israël et l’Égypte.
A la recherche d’un abri, l’Amérique refusera, paradoxalement, l’asile à son meilleur gendarme dans le Golfe. Au terme d’une longue errance, le Roi des Rois sera accueilli par l’Égypte, pays contre lequel il avait ardemment incité Israël à attaquer.

La République Islamique d’Iran proclamée à son éviction, compensera stratégiquement la défection de l’Égypte du champ de bataille contre Israël, du fait de sa conclusion d’un traité de paix avec l’État Hébreu. Mieux, en dépit d’une guerre de dix ans, menée pour le compte des pétro monarchies par l’Irak baasiste et d’un embargo de quarante ans décrété par les États-Unis, accédera au statut de «puissance du seuil nucléaire» et chef de file de la contestation régionale à l’hégémonie israélo-américaine dans la zone.

Le Roi Fayçal d’Arabie saoudite connaîtra son heure de gloire en 1973, en activant l’arme du pétrole, non pas tant en soutien à l’effort de guerre arabe contre Israël, selon la version pétro monarchique, mais en vue de fragiliser les économies de l’Europe occidentale et du Japon face à l’économie américaine sinistrée par le gouffre financier représenté par la guerre du Vietnam (1958-1975). Fayçal sera néanmoins, à son tour, assassiné en 1975, par son propre neveu, diplômé des universités américaines, illustrant par là même la corrosivité de «l’American Way of Life» pour les bédouins du désert.

Anouar El Sadate, l’homme qui s’est appliqué à gommer l’héritage de son mentor Gamal Abdel Nasser accueillera, en grand seigneur, le monarque iranien déchu, -un mégalomane ayant pourtant vigoureusement incité Israël à attaquer militairement l’Égypte en lui infligeant un sévère défaite militaire. Mais celui qui s’est auto-proclamé «président musulman d’un pays musulman» en vue d’activer le levier islamiste pour neutraliser les laïcs d’Égypte -Nassériens et Communistes-, sera à son tour assassiné par………un néo islamiste.

Nec plus ultra, Yitzhak Rabin, l’ancien chef d’état major israélien de la guerre de Juin 1967, l’interlocuteur privilégié du Chah d’Iran, devenu premier ministre et cosignataire du Traité de paix avec l’Égypte de Sadate, sera, à son tour, assassiné par…….un ultra sioniste.

Le Roi Hussein de Jordanie, rompant la solidarité arabe au profit d’une connivence avec Israël, l’ennemi officiel du Monde arabe, organisera un bain de sang à Amman en septembre 1970 pour mater la guérilla palestinienne et assurer la survie du trône hachémite. Il traînera jusqu’à sa mort, au terme d’une longue maladie, en 2002, le qualificatif de «Boucher d’Amman». Son âme damnée, le premier ministre Wasfi Tall, sera assassiné en 1971, un an après le septembre noir jordanien», au Caire par substitution de son Roi. Au terme de cette séquence, cinq des principaux protagonistes de ce drame, -tous alliés de premier plan des États-Unis, dont deux Prix Nobel de la Paix (Rabin et Sadate)-, seront dégagés de manière violente de la scène publique, dont quatre assassinats, alors que la République Islamique d’Iran se muait en chef de file du combat pour la libération de la Palestine et de la libération du Moyen Orient de la tutelle israélo-américaine.

Enfin, dernier et non le moindre, Rafic Hariri, le premier ministre libanais, qui rêvait de percer une «autoroute de la paix Liban- Le Golfe», en tandem avec le premier ministre israélien Shimon Perez, périra dans un attentat à la voiture piégée en 2005.

Le général Wissam Al Hassan, ancien responsable de la sécurité du milliardaire libano saoudien, reconverti depuis lors en dague sécuritaire du clan saoudo américain au Liban sera, lui, pulvérisé par un attentat à la voiture piégée, en 2011, trois mois après un attentat contre le haut commandement militaire syrien, au paroxysme de la guerre de Syrie, dont il était chargé de superviser la déstabilisation depuis le Liban pour provoquer la reddition du dernier pays du champ de bataille (avec le Liban) à pactiser avec Israël.

Six assassinats de grands pontes pro occidentaux (Fayçal, Sadate, Rabin Wasfi Tall, Bachir Gemayel, Rafic Hariri)…alors que, parallèlement, deux dirigeants israéliens, le président Moshé Katzav (affaires de mœurs) et le premier ministre, Ehud Olmert (argent illicite), ont été condamnés à des peines de prison par la justice de leur pays et qu’un troisième, Benyamin Netanyahu, fait face à des accusations de corruption.
Au nom de la défense du «Monde Libre», cinq pays du Moyen Orient sont soumis à un blocus unilatéral occidental: l’Iran depuis 44 ans; la Syrie depuis 12 ans, le Yémen depuis 8 ans et le Liban depuis 4 ans sans que l’OTAN ne soit parvenu à forcer la décision en sa faveur, alors que le ciel israélien est devenu une passoire du fait de la balistique de fabrication artisanale du Hamas palestinien, de même que le ciel saoudien, une passoire du fait de la balistique rudimentaire des Houthistes et que le Hezbollah libanais ridiculisait complètement la diplomatie américaine l’a contraignant à une pantalonnade mémorable en brisant le blocus libanais par l’importation du fuel iranien ………et que le monopole des airs au Moyen Orient détenus depuis la fin de la 2me guerre Mondiale par l’Otan et Israël était brisé avec l’aménagement d’une base aérienne russe à Hmeymine, en Syrie, à la faveur de la guerre de Syrie (2011-2021)

Le temps historique n’est pas réductible au temps médiatique. Israël, durant le premier demi-siècle de son indépendance (1948-2000), a été victorieux dans toutes les guerres qui l’ont opposé aux armées conventionnelles arabes, mais la tendance s’est inversée depuis le début du XXI me siècle, avec la mise en œuvre de la stratégie de la guerre asymétrique.

Toutes ses confrontations militaires avec ses adversaires arabes se sont depuis lors soldées par des revers militaires, que cela soit au Liban, en 2006, contre le Hezbollah chiite libanais, ou en 2008 à Gaza, en Palestine, contre le Hamas sunnite palestinien.

Israël en a été affecté dans ses fondements par ces contre performances au point de vivre une situation «schizothymique»: un État de droit, certes, mais exclusivement à l’égard de ses citoyens de confession juive, un État d’apartheid à l’égard de la composante palestinienne de sa population, une zone de non droit et de passe droit dans ses colonies et sur la scène régionale, au point que bon nombre d’observateurs (pas uniquement arabes, pas uniquement musulmans) tendent à le considérer comme l’État voyou N°1 sur la scène internationale.

Pour rappel, Israël se livre à des pratiques sadiques à l’encontre des Palestiniens. Il ne se contente pas de démolir les maisons des familles de martyrs, de retirer à leurs proches leurs permis de travail, de circulation, voire leur statut de résidents à Jérusalem. Il y a des centaines de personnes de tous âges qu’Israël ne rend jamais, qui ont été tuées lors d’attentats ou bien par erreur, et dont les dépouilles sont conservées dans des «cimetières des nombres” ou encore dans des morgues.

Les conséquences dramatiques de cette pratique sadique pour les familles qui ne peuvent enterrer leurs morts, ne peuvent faire leur deuil, et finissent par perdre la santé et la vie dans leurs recherches et démarches angoissantes.
Souvent déchirées entre le sentiment de culpabilité de ne pouvoir offrir une sépulture digne à leurs enfants, la nécessité de ne pas craquer publiquement, les familles dépérissent littéralement.

Parfois, Israël finit par leur restituer, au bout de dizaines d’années, ces corps outrageusement congelés, mais en posant des conditions dégradantes. Toute procession est interdite, l’enterrement doit se faire de nuit, et ailleurs que dans la ville ou le village du mort. Pas le droit à plus de 20 participants à l’enterrement, et leur liste doit être transmise à Israël.

(CF à ce propos l’enquête de Stéphanie Latte Abdallah consigné dans son ouvrage “Des morts en guerre: Retrait des corps et figures de martyrs en Palestine (Editions Karthala)

Ces diatribes racistes anti-arabes sont si représentatives qu’elles ont érigé le bestiaire israélien en marque de fabrique du langage gouvernemental israélien.

Près de cent ans après sa fondation, le Foyer National Juif apparaît ainsi rétrospectivement comme la première opération de délocalisation de grande envergure opérée sur une base ethnico religieuse en vue de sous traiter au monde arabe l’antisémitisme récurent de la société occidentale.

Et la Palestine, dans ce contexte, est devenue un immense défouloir de toutes les frustrations recuites générées des bas fonds de Kiev (Ukraine) et de Tbilissi (Géorgie) au fin fond de Brooklyn (États-Unis), la plus grande prison du monde, le plus grand camp de concentration à ciel ouvert pour les Palestiniens, les propriétaires originels du pays.
Le droit à l’existence d’Israël ne saurait impliquer un devoir d’anéantissement du peuple palestinien, ni son droit à la sécurité, l’insécurité permanente des pays arabes.

Curieux cheminement que celui des rescapés des Ghettos de Varsovie et d’ailleurs que de «s’emmurer» en terre d’Orient, comme le signe d’une impasse de la société israélienne soixante ans après la transformation de son «Foyer National» en état indépendant. La mobilisation identitaire constitue la marque d’une crise interne du système politique, la ghettoïsation, la marque d’une régression car elle entraîne une éviction de l’intrus et non la reconnaissance de l’autrui.

La pluie de roquettes palestiniennes qui s’est abattue sur les villes israéliennes, le 12 Mai 2021, fera date dans l’histoire du conflit israélo-palestinien par sa forte charge symbolique et son intensité, confirmant de manière indubitable la centralité de la question palestinienne dans la géopolitique du Moyen Orient, apportant au passage la démonstration que le ciel israélien est devenu une passoire devant des roquettes de fabrication artisanale, plaçant en porte à faux le leadership sunnite arabe à la suite de sa reptation collective devant l’État Hébreu.

Rappel à l’ordre des circonvolutions des divers plans de paix.

Le «Plan de partage» des Nations unies aux Palestiniens proposait 47% des 100% du territoire de la Palestine du mandat britannique qui appartenait aux Palestiniens à l’origine. Puis par une sorte de réduction successive, toutes les autres initiatives de paix proposaient des plans dégressifs :

  • Les «Accords d’Oslo» (1993) proposaient aux Palestiniens une superficie réduite de moitié: 22% des 100% qui leur appartenaient à l’origine.
  • L’«Offre généreuse» de Barak aux Palestiniens, réduisait l’offre à sa portion congrue: 80% des 22% des 100% de votre territoire d’origine.
  • La «Feuille de route» envisagée par Bush pour les Palestiniens en vue d’obtenir la caution arabe à la guerre contre l’Irak soumet la création d’un Etat palestinien à diverses conditions qui constituent un chef d’œuvre d’hypocrisie diplomatique et de mauvaise foi.
  • La création d’un État palestinien est soumise aux conditions suivantes :
  • La renonciation à la lutte armée, c’est-à-dire la résistance à l’occupation, ainsi que la neutralisation de tous les combattants et leur démobilisation.
  • La renonciation au Droit au retour des réfugiés vers les maisons de leurs ancêtres.
  • La désignation de représentants politiques agréés par les États-Unis et Israël.
  • L’acceptation des faits accomplis sur le terrain notamment la séparation de la Cisjordanie de Jérusalem via le Mur de Sharon, ainsi que les routes de contournement militaire des agglomérations palestiniennes, réservées à l’usage exclusif des Israéliens. Ce dispositif brise la continuité territoriale palestinienne, de la même manière que l’Etat d’Israël avait brisé le continuum stratégique arabe.
  • La renonciation à Jérusalem pour capitale.
  • La modification des programmes scolaires dans un sens agrée par les Américains et les Israéliens.
  • L’instauration d’un planning familial et de la limitation des naissances en vue de brider la démographie galopante des Palestiniens.

La satisfaction de ces conditions pourrait ouvrir la voie à la constitution d’un état palestinien au terme de négociations avec les Israéliens qui porteraient 80% des 22% des 47 % de votre territoire d’origine.

Pour toutes ses raisons, il m’a paru nécessaire de vous offrir cette lecture en contrechamp de l’Histoire de la Palestine tant il est vrai que le passé éclaire très cruellement le présent, et sans doute l’avenir, qu’il est tout aussi vain de vivre dans la pénombre et la périphrase, et, d’admettre enfin, et là je m’adresse aux amis de l’État hébreu qui se déclarent attacher à son existence, qu’Israël ne connaîtra une légitimité que lorsqu’il aura été pleinement reconnu par sa victime, les Palestiniens, librement, souverainement, sans condition préalable.

Les Occidentaux soutiennent le droit à la sécurité d’Israël et le Droit à l’existence du peuple palestinien, sans l’assortir de considérations sur sa sécurité. A en juger par les multiples actions préventives menées par Israël au cours de son histoire, l’équation vraie, le bon droit, consiste à réclamer non un droit à la sécurité d’Israël et un devoir d’insécurité pour les pays arabes, mais un droit égal à la sécurité pour l’ensemble des pays de la zone, y compris la Palestine, car il est tout aussi légitime pour Israël que pour les pays arabes de disposer d’un droit égal à la Sécurité.
Souvenons nous en, in fine, tant qu’existe un revendicateur un Droit ne se perd pas et une fausse symétrie ne sert pas une bonne administration de la justice.

Épilogue: L’unique démocratie du Moyen Orient: un état d’Apartheid.

L’unique puissance atomique du Moyen-Orient est entravée dans son usage de l’arme nucléaire par ses retombées sur Israël, en raison de la contiguïté territoriale de l’État Hébreu avec la Palestine; de surcroît, désormais encerclé à ses deux extrémités, dans une alliance de revers entre le Hamas sunnite palestinien au sud dans la bande de Gaza, et le Hezbollah chiite libanais, au nord de la Galilée, au sud Liban.
Avec en prime le retour de la Russie, par la grande porte au Moyen Orient, avec l’aménagement d’une base aérienne à Hmeymine, en Syrie, brisant ainsi le monopole des airs détenus par l’alliance israélo-américaine depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Pis: «L’unique démocratie du Moyen-Orient» est désormais un «état d’Apartheid», à l’instar du régime hideux d’Afrique du sud du temps colonial, selon de l’organisation humanitaire américaine «Human Right Watch».
L’Occident chrétien a pensé purger son passif avec le judaïsme et lui témoigner sa solidarité expiatoire en créant l’État d’Israël en vue de normaliser la condition juive diasporique dans des composantes nationales claires (Abraham B. Yehoshua).

Mais il a dans le même temps transmuté son contentieux bimillénaire avec une religion longtemps considérée comme «déicide» en un conflit israélo-arabe et un conflit islamo-judaique, en négation avec la symbiose andalouse. Ce faisant, l’Occident a transféré en terre arabe les problèmes lancinants de l’antisémitisme récurrent des sociétés occidentales.

L’histoire du Monde arabe contemporain demeurera incompréhensible à quiconque ne prendra en considération la blessure originelle représentée par l’implantation de l’État d’Israël en Palestine tant il est vrai que de toutes les grandes dates qui jalonnent l’Histoire des Arabes, la date du 15 Mai 1948, est sans doute la plus traumatique.

Au-delà des considérations bibliques, la création d’une entité occidentale au cœur du Monde arabe à l’intersection de sa rive asiatique et de sa rive africaine, scellait la rupture définitive de la continuité territoriale de l’espace national arabe, la rupture du point d’articulation entre la voie continentale et la voie maritime de la «Route des Indes», la voie marchande des caravanes reliant le couloir syro-palestinien à son prolongement égyptien, une rupture stratégique du continuum au point de confluence des voies d’eau arabes (le Jourdain, le Yarmouk, le Hasbani et le Zahrani) et de ses gisements pétroliers, source de sa richesse, de son décollage économique et de sa puissance future.

Un choc à tous égards traumatisant. Il sera vécu à juste titre comme tel, comme une amputation du patrimoine national, une spoliation de l’identité arabe. Il conditionnera durablement la relation du Monde arabe et de l’Occident à l’époque contemporaine et explique une large part de sa nature conflictuelle, de ses dérives successives, de ses déflagrations répétitives, et, enfin dernière et non la moindre des conséquences, l’aversion révulsive et la méfiance instinctive que continue de nourrir le camp arabe face à toute initiative occidentale.

Rony Brauman

«Il y a un processus, mais il n’est pas de paix. Il est de conquête. Il est effectivement en marche et n’a jamais cessé de l’être depuis 1948. N’importe quelle personne de bonne foi, indépendamment de tout jugement moral ou politique, ne peut que constater cette dynamique d’expansion continue. A Moyen terme, je pense qu’Israël est condamné en raison de sa méprise, de ses choix impériaux qui l’ont conduit à s’adosser à l’Empire plutôt que de chercher l’entente avec ses voisins.

«Le bi nationalisme, pourtant l’ennemi juré du sionisme, l’a de fait emporté dans sa pire version, la sud africaine de l’Apartheid. Or l’Apartheid, cela ne peut pas durer.

«C’est pourquoi je pense que ce projet sioniste est condamné. Je suis particulièrement inquiet pour l’avenir de la minorité juive du Moyen orient dans les vingt prochaines années, vu la haine qu’elle a semée autour d’elle», prophétisait Rony Brauman, un anticonformiste Prix Nobel de la paix. (Interview à la Revue Moyen orient N°6 Juin Juillet 2010 «Regard de Rony Brauman sur l’action humanitaire dans le Monde et le Moyen orient» propos recueillis par Frank Tétard et Chiara Rettennella).

Mais pour sophistiquer que soit cette stratégie, l’Occident, à l’origine de ce problème pâti, inexorablement, des manquements à sa propre éthique, de même que sa créature, dont plusieurs dizaines de soldats quittent chaque année leur pays, à la recherche d‘un paradis artificiel, qui n’est pas la terre promise, mais un paradis hallucinatoire, répondant au nom mélodieux de «Goa Karma».

Traumatisés souvent par leurs trois années de service militaire et par les opérations guerrières auxquelles ils ont dû participer, ils partent à l’aventure, à l’instar des hippies des années 1970, avec l’espoir de trouver un nouveau sens à leur vie, dans un monde régi par d’autres règles que le leur. Entre utopies et dérives, ils partent chercher l’illusion d’un monde de paix. Certains ont rompu toutes les amarres, pour s’enfoncer dans une marginalité parfois encore plus menaçante pour leur identité, loin des clichés de la propagande, le prix fort payé au bellicisme, la face cachée d’Israël.
Cf: «Goa Karma Kacher” de Aimee Ginsburg revue Outlook 22.06.2010, article repris par le Courrier International du même jour.

Au terme de cette étude, la question qui se pose est de savoir si le soutien inconditionnel et absolu des pays occidentaux à Israël ne constitue t-il pas, à terme, une assistance au suicide de l’État hébreu?, selon l’expression du pacifiste israélien Uri Avnery. L’avenir seul le dira.

La plus grande erreur de l’Occident est d’avoir toujours voulu coexister avec d’ «Arabes domestiqués» dans la plus grande tradition coloniale. Et le Monde arabe n’a pas vocation à servir de défouloir à la pathologie belliciste occidentale; ni non plus le lieu de délocalisation de la sous traitance de l’antisémitisme récurrent de la société occidentale.

Point culminant de l’évolution du mouvement sioniste, les élections législatives israéeliennes du 1 er Novembre 2022, les cinquièmes en quatre ans, ont propulsé à nouveau au pouvoir Benyamin Netanyahu à la faveur du triomphe électoral, non du Likoud, mais de la droite suprémaciste juive ultranationaliste, emmenée par le poids lourd politique en pleine ascension, Itamar Ben-Gvir. Beau résultat pour un pays qualifié généralement par les pays occidentaux d’ ”unique démocratie du Moyen Orient”.

Le drapeau palestinien brandi lors de la coupe du Monde de Football au Qatar, en novembre 2022, particulièrement par l’équipe marocaine à son accession à la demie finale, a constitué un camouflet à l’artisan des “accords d’Abraham”, Jared Kushner, gendre de l’ancien président Donald Trump, présent à Doha et à tous les “normalisateurs” arabes, particulièrement le Roi du Maroc Mohamad VI, en ce qu’il constituait un message subliminal signifiant la permanence du fait national palestinien dans la conscience collective arabe et le rejet des accords arabo-israéliens, réduits désormais à un acte d’officialisation des relations jusque là clandestines entre les monarchies arabes et l‘Etat hébreu.

René Naba

 

Pour aller plus loin sur ce même thème :
https://www.middleeasteye.net/fr/opinion-fr/letrange-cas-de-jared-kushner-et-du-lobby-israelien

ILLUSTRATION

Photo du vote des Nations unies du plan de partage de la Palestine, le 29 novembre 1947 (Crédit : Autorisation du Bureau de presse du gouvernement de Jérusalem)

Partie 1:

Le coût pour les États Unis du soutien inconditionnel à Israël 1/4, le 5 janvier 2023

 

Partie 2 :

Israël-États-Unis. La sanctuarisation d’Israël: objectif constant de l’OTAN, le 12 janvier 2023

 

Partie 3 :

Israël-États-Unis: De la guerre sémantique



Articles Par : René Naba

A propos :

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l’AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de l’Association d’amitié euro-arabe. Auteur de “L’Arabie saoudite, un royaume des ténèbres” (Golias), “Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français” (Harmattan), “Hariri, de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres (Harmattan), “Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David” (Bachari), “Média et Démocratie, la captation de l’imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l’Association d’amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l’Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l’Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.

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