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Israël rappelle 75 000 soldats sous les drapeaux pendant que les bombardements se poursuivent à Gaza
Par Bill Van Auken
Mondialisation.ca, 19 novembre 2012
wsws.org
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L’armée israélienne s’est vantée vendredi après-midi d’avoir mené plus de 500 frappes aériennes contre le territoire très peuplé de Gaza depuis le lancement de sa dernière offensive, nommée Pilier de défense. Cette offensive aérienne de plus en plus intense se déploie en même temps que des signes de plus en plus évidents indiquent que le gouvernement israélien est sur le point de lancer une invasion terrestre de Gaza qui entraînerait une énorme aggravation de ce bain de sang.

Ce bombardement ininterrompu a entraîné des destructions très étendues et un carnage, le bilan officiel atteignant 29 morts et 300 blessés vendredi soir. Parmi les dernières victimes, il y a eu un garçon palestinien de 2 ans. La majorité des morts et des blessés sont des civils, dont huit enfants et une femme enceinte.

Le gouvernement et l’armée israéliens ont sans cesse déclaré que les frappes sur Gaza ne visent que des « terroristes » et que toutes les pertes civiles sont la faute du Hamas qui se « cache » parmi la population. La réalité, pourtant, est que les bombes et les missiles détruisent des maisons, des écoles, des lieux de travail, des bureaux du gouvernement et des commissariats.

Il a été confirmé vendredi que l’armée israélienne avait envoyé des textos à au moins 12 000 téléphones portables à Gaza prévenant les gens de rester à l’écart de toute personne liée au Hamas, qui gouverne ce territoire long de 40 Km, s’ils ne veulent pas risquer d’être tués.

Parmi les cibles démolies vendredi, il y avait le service des affaires civiles du ministère de l’intérieur dans la ville de Gaza, lequel abrite les registres d’état civil des Palestiniens des 70 dernières années. Une usine familiale de textiles qui employait 20 personnes a également été frappée, ainsi qu’un magasin d’alimentation.

En réaction à l’assaut israélien, des groupes de résistance palestiniens ont tiré des roquettes sur Israël. Bien qu’elles soient largement inutiles, l’une d’entre elles a atteint la zone de Tel-Aviv vendredi, et une autre a atterri près de Gush Etzion, une colonie sioniste illégale près de Jérusalem dans la zone occupée de la Palestine. Mercredi, une roquette a touché un immeuble dans la ville de Kiryat Malachi au Sud, tuant deux israéliennes et un homme.

Tout indique que les trois premiers jours de la terreur déchainée par l’Etat israélien ne sont qu’un début. « Nous allons intensifier significativement l’opération, » a déclaré un responsable de haut rang aux médias israéliens.

Cette menace est tombée après que le cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahu ait approuvé la demande de rappel de 75 000 réservistes. Durant la dernière opération terrestre à Gaza, l’opération Plomb durci en 2008-2009, qui a coûté la vie à 1400 palestiniens, le gouvernement n’avait rappelé que 10 000 réservistes.

Reuters a rapporté, dans ce qui indique des préparatifs d’invasion, que vendredi après-midi, « les avions israéliens, les drones et les hélicoptères ont détourné leur attention des sites présumés de roquettes palestiniennes pour se concentrer sur la frontière Nord de Gaza, où leurs bombes ont créé des couloirs d’incursion en détruisant les champs de mines et des nids de mitrailleuses. »

L’armée israélienne a interdit aux civils l’usage de la principale autoroute menant à Gaza ainsi que de deux routes au bord de cette enclave appauvrie où les Palestiniens sont confinés. Des chars, des voitures blindées et de l’artillerie autotractée ont été massés le long de la frontière.

Un porte-parole du Hamas a juré que toute invasion serait confrontée à une résistance. « Il faut que les Israéliens soient conscients des graves conséquences d’un tel raid, et ils devraient apporter leurs sacs mortuaires, » a déclaré le porte-parole du Hamas, Sami Abu Zuhri.

Pendant ce temps, l’état-major Israélien a publié des instructions aux autorités municipales pour faire des préparatifs de défense civile pour sept semaines de guerre à Gaza. La dernière guerre contre Gaza il y a près de quatre ans a duré trois semaines du début des frappes aériennes jusqu’à la fin de l’invasion au sol.

Même après seulement trois jours, le blitzkrieg israélien fait planer le spectre d’un désastre humanitaire à Gaza, dont la population de 1,7 millions d’habitants a été soumise à un blocus sans répit de la part des Israéliens. Des documents publiés récemment ont révélé que le gouvernement israélien est allé jusqu’à calculer le nombre minimum de calories nécessaires pour ne pas souffrir de malnutrition chronique pour déterminer la quantité de nourriture autorisée à rentrer dans ce territoire.

Des docteurs des hôpitaux de Gaza ont prévenu qu’ils sont déjà débordés par le nombre de victimes causées par l’offensive israélienne, et que les médicaments et matériels médicaux indispensables s’épuisent rapidement. Vendredi, le ministre de la santé de l’Autorité palestinienne, Hani Abdenne, a fait savoir que l’armée israélienne refusait d’autoriser l’accès à Gaza d’un convoi de 15 camions qui apportaient des médicaments et du matériel médical envoyés par le gouvernement de Ramallah.

Il y a une dose d’extrême témérité dans cette dernière campagne d’agression militaire israélienne. L’affirmation selon laquelle Israël a été contrainte de lancer son offensive par des tirs de roquettes depuis Gaza est un mensonge patent. Les officiels israéliens ont admis que ces attaques, qui n’ont causé aucun décès cette année jusqu’à la frappe de riposte de mercredi, avaient largement baissé lorsque l’opération Pilier de défense a été lancée avec l’assassinat du chef militaire du Hamas, Ahmed Jabari.

Derrière cette nouvelle guerre provoquée délibérément, il y a les calculs au sein du gouvernement Netanyahu selon lesquels une poussée de militarisme servira à divertir l’attention des tensions sociales grandissantes en Israël. Le pays est caractérisé par l’un des plus hauts niveaux de pauvreté et d’inégalité du monde développé, avec 75 pour cent des travailleurs gagnant 1300 euros ou moins par mois et tout juste 20 familles contrôlant l’essentiel de l’économie. Les conditions se sont fortement détérioré sous l’effet de la crise économique mondiale et des politiques économiques et sociales de droite du gouvernement Netanyahu.

Beaucoup ont accusé Netanyahu de jouer un jeu cynique en lançant la guerre quelques semaines seulement avant les élections nationales prévues pour janvier. En réalité, sa coalition de droite n’est confrontée à aucune opposition majeure dans le camp politique sioniste. Ce qui les inquiète bien plus, c’est l’éclatement de luttes de classes et de protestations sociales venant du bas de la société.

L’autre facteur intervenant dans l’assaut contre Gaza est la volonté du régime israélien de mener une guerre contre l’Iran. Cela a été indiqué vendredi dans un article du spécialiste des affaires militaires du quotidien israélien Haaretz, Amir Oren. Intitulé « Pour Netanyahu, l’escalade à Gaza pourrait ouvrir la voie à une frappe contre l’Iran, » l’article prédit que Netanyahu et son ministre de la défense, Ehud Barak, « n’ont pas abandonné le rêve de mener une opération majeure contre l’Iran » et que l’attaque contre Gaza « pourrait servir de…prélude à une opération contre l’Iran. »

« En théorie, » écrit Oren, « une force qui est capable de mener une frappe contre Ahmed Jabari serait capable de repérer la position du président Iranien Mahmoud Ahmadinedjad. Et une force qui a détruit des roquettes Fajr serait à même d’atteindre leurs grands frères, les Shihabs, ainsi que les installations nucléaires iraniennes. »

Cette opération, poursuit-il, permet aux commandants militaires Israéliens de tester leurs armes et leurs tactiques qui seraient utilisées dans une attaque contre l’Iran. Elle permet également à Israël de mesurer la réaction internationale.

L’assaut contre Gaza a été soutenu de façon inconditionnelle par Washington à l’aide de déclarations répétées de la part de la Maison blanche et du ministère des Affaires étrangères affirmant le « droit » d’Israël « à se défendre».

Il a également le potentiel de torpiller toute tentative du gouvernement Obama d’entrer en négociations avec Téhéran au sujet du programme nucléaire iranien.

L’autre front surveillé par Tel-Aviv est la réaction des régimes bourgeois arabes, y compris le gouvernement des Frères musulmans du Président égyptien Mohamed Mursi. Vendredi a vu une brève visite du Premier ministre égyptien, Hisham Kandil, à Gaza, mais, significativement, pas de Mursi lui-même. Le gouvernement de Mursi n’a donné aucune indication qu’il se préparerait à rompre les accords de Camp David ou à prendre des mesures concrètes pour ouvrir ses frontières avec Gaza et permettre à de l’aide, militaire et humanitaire, d’y entrer.

La ligue arabe devrait se réunir au Caire lundi pour discuter de la crise de Gaza. En anticipation de cette réunion, l’envoyé de l’Irak, Qais el-Azzawy, a publié un communiqué vendredi appelant les Etats arabes à utiliser « l’arme du pétrole » pour faire pression sur Israël et ses alliés, principalement les États-Unis. Quelques heures après, pourtant, son ministère s’est distancé de sa remarque et a affirmé que l’Irak n’avait aucune proposition à présenter à la Ligue arabe.

C’est un résumé exact de l’attitude des régimes de la bourgeoisie arabe, dont beaucoup voient le massacre à Gaza comme une distraction malvenue de leur participation dans la guerre américaine pour un changement de régime en Syrie.

Parmi les masses de travailleurs de la région, cependant, l’attaque contre le peuple de Gaza et la perfidie des classes dirigeantes dans leurs pays créent une colère et des troubles grandissants, ce que l’on peut constater dans les manifestations qui ont eu lieu vendredi au Liban, en Égypte, au Yémen et ailleurs pour dénoncer l’attaque israélienne.

Bill Van Auken

Article original, WSWS, paru le 17 novembre 2012

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