« Je le jure », mission impossible

Le dernier film de Samuel Theis, « Je le jure » fait partie des films « abîmés », comme l’explique Stéphane Goudet, le directeur artistique du cinéma Mélies à Montreuil, dans son éditorial du programme n° 192.
Pourquoi ? Parce que « Samuel Theis [photo ci-bas] a été accusé, en plein tournage, d’avoir agressé sexuellement un de ses techniciens, qui a ensuite quitté le plateau et porté plainte ». Après consultation de toute l’équipe, le tournage s’est poursuivi à distance, le réalisateur donnant ses instructions depuis une « pièce isolée ».
Bizarrement, on retrouve cette « pièce isolée » dans le film, sous la forme de la cage vitrée dans laquelle est enfermé l’accusé. « Une place maudite » selon l’avocat de la Défense, car ce box incarne l’injustice même que les jurés devront réparer. Elle est le symbole de l’exclusion d’un homme qui devrait en fait être soigné, une exclusion qui ne pourra que le rendre plus dangereux parce que désespéré.
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Bien sûr il y a aussi la souffrance des victimes à prendre en compte, concède l’avocat de la Défense, mais punir cet homme qui n’est pas entièrement conscient de ses actes, ce serait de la vengeance !
Et l’avocat de conclure son émouvante plaidoirie en se déchargeant de la patate chaude sur les jurés qu’il vient de culpabiliser de son mieux :
« La peine serait juste si elle l’oblige, si elle le ramène parmi nous ! Je vous le confie… »
C’est bien là le problème… C’est justement ce que les jurés sont dans l’impossibilité de faire. Il n’y a aucun moyen de « ramener parmi nous » ce jeune délinquant parce que tout ce qui l’aurait permis a été détruit. Pour les jurés, c’est mission impossible. Tout comme pour le juge, le tribunal, l’accusé, les pompiers, les gardiens de prison, les victimes. Ils sont tous enfermés dans un piège sans issu qu’on dirait concocté par un système totalement pervers, un système qui réunit des personnes de bonne volonté pour les forcer à jouer un rôle qu’elles ne veulent pas jouer.
Le héros du film Fabio est un bel homme taciturne d’une quarantaine d’année, à la fois bien inséré – il a un travail, une sœur, des amis, des activités – et un peu perdu, raison pour laquelle, à mon sens, il cherche refuge auprès d’une femme âgée, intelligente, forte et bonne.
Au départ, il n’est pas très content d’être juré mais il se prend au jeu et cette expérience le transforme. Le piège dans lequel il se retrouve le ramène sur terre en quelque sorte, lui fait comprendre ce qui est vraiment important dans la vie…
Le scénario du film est très intelligent et les dialogues sont bien faits. Il y a un vrai questionnement. Une belle analyse des questions de culpabilité et de rétribution et des rapports sociaux. Il n’est pas demandé aux jurés de déterminer si l’accusé est coupable ou pas. Le jeune pyromane de 22 ans a tout avoué et a été condamné à 12 ans de prison dans un premier jugement. Il fait appel, car il espère voir sa peine raccourcie, bien qu’un pompier soit mort dans l’incendie qu’il avait allumé.
Le premier piège apparait à l’œil nu dès l’instant où on entre dans le tribunal. L’accusé est noir, tout le personnel du tribunal est blanc ainsi que tous les jurés. Le seul noir convoqué pour être juré est récusé par le Parquet.
Il n’est plus possible aujourd’hui d’avoir une approche innocente des rapports raciaux. Après avoir été bassiné par l’antiracisme pendant des dizaines d’années, tout le monde est sur des charbons ardents dès qu’un semblant de début de rapport de force s’instaure entre un ou des Blancs et un ou des Noirs. On n’ose même plus prononcer le mot Noir, alors on emploie toutes sortes de périphrases aseptisées : « issu de la diversité », « d’origine africaine », « africain »… Notez bien qu’avec les Arabes, on n’a pas besoin de prendre autant de précautions, eux, sont tous des terroristes en puissance aux yeux des autorités. Mais les personnes d’origine africaine sont le fer de lance du Grand Remplacement, dont je parle dans mon article précédent. L’UE et ses commanditaires qui cherchent à établir un empire global sur les ruines des pays européens, les ont choisis comme garde-chiourmes des classes populaires en remplacement de la petite bourgeoisie française qui commence à s’inquiéter de voir sa situation se dégrader. C’est pour ça qu’il est interdit de critiquer les Noirs, comme les Juifs et bien sûr l’UE (ses bras armés et ses lois). C’est en quelque sorte la Sainte Trinité européenne. Intouchable !
Ce que Samuel Theis nous donne à voir, avec brio, c’est le piège dans lequel sont enfermés 9 jurés blancs qui doivent décider de la punition d’un jeune pyromane noir dans un tribunal blanc de Metz. Pour que ce soit bien clair (c’est le cas de le dire !) on ne voit que deux Noirs tout au long du procès, le jeune délinquant et sa mère, une femme digne et pieuse.
Les jurés savent qu’ils sont piégés, la juge sait qu’elle est piégée, la procureure sait qu’elle est piégé, mais ils jouent chacun leur rôle car que peuvent-ils faire d’autre ? L’accusé sait qu’il est piégé et il se rebiffe, mais il sait aussi que ça ne sert à rien, que ça ne peut que lui nuire. L’avocat de la Défense est sans doute le seul à ne pas se sentir piégé car son rôle est facile, il lui suffit de faire dans la moraline.
Ils sont piégés car, comme le pyromane est noir, ils ont peur de ne pas être objectifs et d’être accusés de racisme dans tous les cas. Ils sont piégés car un pyromane ne devrait pas être en prison mais en asile psychiatrique, mais il n’y a plus d’asiles psychiatriques parce que l’oligarchie les a supprimés parce que ça ne lui rapportait pas assez ; il faut donc le renvoyer en prison, mais les prisons sont des enfers surpeuplés parce que l’oligarchie ne veut pas soigner les gens, ni faire de la prévention, ni construire de prison, parce que ça ne lui rapporterait pas assez. Ils sont piégés car s’ils raccourcissent sa peine, ils remettront un pyromane en circulation et, s’ils la rallongent, ils le détruiront complètement. Comme dit Fabio, la seule fois où il ose prendre la parole : « Ce mec, on le comprend pas. Il est pas avec nous. Il existe pas. Il est cassé. Si on lui met 15 ans on va le perdre. C’est beaucoup trop, même 10 ans… »
Oui, en fait, il ne faudrait pas du tout le remettre en prison mais il n’y a pas moyen de faire autrement car toutes les autres issues sont fermées. Malgré les belles paroles de la juge aux jurés : « Il faut trouver l’équilibre entre intérêt de la société, de l’accusé et de la victime », « vous devez savoir si vous voulez privilégier l’ordre ou la justice », « vous ne jugez pas un crime, vous jugez un homme », les jurés savent bien qu’il n’ont d’autre choix que de confirmer ou aggraver (car depuis le pompier blessé est mort) la peine dont il a écopée en première instance. Et c’est bien sûr ce qu’ils font en rajoutant l’obligation du suivi socio-judiciaire, dont tout le monde sait que c’est du bidon, pour se donner moins mauvaise conscience.
Un système qui sollicite le meilleur des gens dont il est supposé vouloir le bien pour les acculer à l’échec, est un système toxique.
Heureusement, il reste la famille, les amis et les amours… Et c’est justement ce que Fabio comprend. Quand le procès se termine de la pire manière qui soit, il ne se sent pas coupable, il n’a rien à se reprocher, il sait qu’il est tombé dans un piège. Il se dépêche de retourner vers ceux dont il sait maintenant qu’ils sont toute sa vie, ceux qui l’aiment et qu’il aime, ceux avec qui il veut partager ses joies et ses peines. Il sait maintenant qu’il n’y a que ça de vrai, et que le reste n’est qu’illusion et faux-semblant…
Camille Leroy
Montreuil le 4 avril 2025