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Je suis Aylan : le degré zéro de la dignité humaine de Charlie hebdo
Par Chems Eddine Chitour
Mondialisation.ca, 23 janvier 2016

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 «Quand on rentre trop de larmes, Quand on bâillonne trop de rêves, C’est comme quand on ajoute du bois dur sur le bûcher, À la fin, il suffit du bout de bois d’un esclave, Pour faire, Dans le ciel de Dieu, Et dans le coeur des hommes, Le plus énorme incendie» Mouloud Mammeri (L’opium et le bâton)

 

Une fois de plus, les musulmans se sont sentis agressés dans leur «être au monde» Cette fois-ci c’est un bébé de trois ans qui a permis au torchon Charlie Hebdo en perdition de faire du chiffre à peu de frais et de risques sur le dos des faibles. Dans une contribution précédente, nous avons décrit l’enfer vécu sur terre par le bébé Aylan et ses 1000 jours sur terre. Cette fois-ci il est convoqué et on l’accuse par anticipation d’un crime qu’il aurait pu commettre s’il avait vécu.(1)

En Occident, on invoque l’arme fatale: la liberté d’expression. Y a-il une limite à l’ignominie? Apparemment avec Charlie Hebdo on ré-étalonne chaque fois l’échelle de l’indignité humaine:

«’La misère humaine a une dimension inhumaine » disait Coluche. Charlie Hebdo tente pourtant d’en rendre compte, par le rire. (…) Quelle saloperie d’imaginer un gosse-mort dans de telles conditions ‘en futur violeur. Ignoble caricature! En plus, très facile de dézinguer un gosse de pauvres dans sa tombe » peut-on lire sur Médiapart. En effet, sur un dessin du dernier numéro de Charlie Hebdo, une caricature signée du patron du journal, Riss, dépeint un pervers à la poursuite d’une femme sous le titre ‘Que serait devenu le petit Aylan s’il avait grandi? ». Et Riss d’ajouter: ‘Tripoteur de fesses en Allemagne », en référence aux agressions sexuelles commises au Nouvel An dans le pays qui a accueilli le plus grand nombre de réfugiés syriens en Europe. ‘Que serait devenu le petit Aylan s’il avait grandi? » et la reine de répondre: ‘Aylan aurait pu devenir un médecin, un enseignant ou un père affectueux »». (2).

La tante du petit Syrien a qualifié la caricature de «répugnante». «Je souhaite que les gens respectent la douleur de notre famille», commente Tima Kurdi. C’est une perte énorme pour nous. Nous ne sommes plus les mêmes depuis cette tragédie. On essaie d’oublier et d’avancer, mais nous avons toujours aussi mal.» Les dessins de «Charlie Hebdo» sur la mort du petit Aylan scandalisent les internautes à l’étranger Charlie Hebdo donne la nausée en se moquant de ce réfugié noyé Aylan Kurdi. Le monde a défilé pour Charlie Hebdo pour qu’ils puissent se moquer de la mort d’un enfant syrien. Il n’y a qu’un pas entre la liberté d’expression et le mauvais goût, Charlie Hebdo l’a de nouveau franchi lit-on sur Internet

Le dessin a fait le tour du monde puisque même la principale agence de presse chinoise en parle: Le père d’Aylan Kurdi, petit Syrien mort noyé alors que sa famille tentait de rejoindre l’Europe pour fuir la guerre, a pleuré en voyant la caricature de son fils dépeint à l’âge adulte comme un agresseur sexuel dans l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. Selon lui, le dessin de Charlie Hebdo est «inhumain et immoral» et comparable aux actions des «criminels de guerre et terroristes» qui ont causé les milliers de morts et déplacés en Syrie et ailleurs.

Tous les Moyen-Orientaux seraient des obsédés sexuels? De qui se moque-t-on?

On oublie trop souvent de dire comment, d’un seul coup, le départ est donné pour une transhumance humaine qui n’en finit pas. Ce sont les pays occidentaux qui, maintenant, s’en lavent les mains, qui ont créé ce chaos aidés par les rentiers du Golfe qui sont pires qu’eux. Il est très possible qu’il y ait une manipulation. De plus, on dit que lors du réveillon, des individus se sont mal comportés et très rapidement on les a désignés du doigt ces pelés, ces galeux d’où viennent tous nos maux diront les extrémistes de tout poil. Cette atmosphère de suspicion est entretenue à dessein par des médias téléguidés!

Avec lucidité le rédacteur du site Avic écrit:

«Depuis le jour de l’An, l’Europe entière est en émoi et, non seulement ça n’a pas l’air de se calmer, mais le phénomène se répand, et l’on voit des violeurs bronzés partout. (…) Faire l’amalgame ne servira qu’à empêcher de se poser les bonnes questions, alors qu’il faudrait un maximum de lucidité pour avoir une chance de comprendre le pourquoi du comment de tout ça. Quelqu’un s’acharne à faire croire que les migrants sont arrivés en Europe pour violenter ou violer les Européennes, comme pour assouvir un supposé fantasme. (…) L’heure n’est-elle pas venue de se demander ce qu’il y a derrière tout cela? Bizarrement, pour cette affaire d’attouchements sexuels, ce sont les médias classiques qui se sont transformés en médias complotistes. Les gouvernements leur donnent des explications en fonction de l’avancement des enquêtes, mais cela ne compte pas. Ils préfèrent s’en tenir à la version des migrants libidineux. Rien que pour cela, la méfiance devrait être de mise.» (3)

La mutation morbide et sans honneur de Charlie Hebdo

Gérard Luçon décortique sur Agoravox la lente dérive complotiste d’un journal et sa proximité par Val interposé avec le pouvoir: «Au début, écrit-il il y avait Hara-Kiri, impertinent, tirant sur tout ce qui pouvait représenter l’ordre établi, les Choron, Cavanna, Siné, Wolinski. Ainsi Hara-Kiri entrait au Panthéon des empêcheurs de voter en rond… Hara-Kiri est entré dans une douce torpeur, les vieux ont commencé à nous tirer leur révérence, le journal allait mal. (…) on nous a pondu Charlie-Hebdo. (…) Le dénommé Philippe Val, n’a rien sauvé, les meubles ont continué à tirer leur révérence et quand ils ne mourraient pas assez vite on a commencé à les virer »(4).

 « C’est ainsi que Siné, l’impertinent mais surtout indomptable Siné, a été foutu à la porte! Tout ça pour un dessin liant, si je me souviens bien, le fils Sarko à une religion devenue objet de toutes les protections. Le Senor Val veillait, déjà, comme un nom prémonitoire… Fin 2014, Charlie est au plus mal, il envisage même d’être racheté par un groupe de presse, par un magnat, le Senor Val, lui, a quitté la barque, mission accomplie. Charlie est devenu spécialiste du dessin religieux avec comme cibles préférées Mahomet, le Pape et Dieu, (…). Début 2015, Charlie est décimé, Mais cet impensable ne suffisait pas, il fallait qu’un pouvoir moribond vienne récupérer cet événement pour se redorer un blason, juste avant des élections qui s’annonçaient catastrophiques. Et on a vu devenir Charlie des Poroshenko, Netanyahou, Liberman, le gratin…, dans un défilé qui ne sera qu’une gigantesque escroquerie (…) »(4)

« Depuis c’est un hebdomadaire moribond qui continue à survivre grâce aux abonnements solidaires´´ pris en Janvier 2015 par des gens sincères mais manipulés, et qui est sous l’oeil de la répression la pire qui existe, celle du politiquement correct, qui ne supporte même plus cette une du gamin retrouvé mort sur une plage ou celle sur l’avion russe abattu au-dessus du Sinaï.» Le rôle de commissaire politique de Philippe Val qui à qui on doit l’éviction de Mermet de France Inter n’est plus à démontrer. C’est ce même Val qui traitait Snowden de traitre à la démocratie. En fait ce n’était pas un dessin de Siné mais une petite phrase, parce que le fils Sarkozy de Nagy Bocsa s’était converti au judaïsme pour pouvoir épouser l’héritière Darty et que Siné avait écrit «il ira loin ce petit»… Val, déjà contre la liberté d’expression, l’avait qualifié d’antisémite.» (4)

L’ouvrage de Denis Robert « Connaissez-vous Charlie? » est particulièrement éclairant et nous rappelle qu’avant tout Charlie est l’oeuvre de Cavanna et Choron. Les deux créateurs se sont fait dépouiller par Val aidé par son fidèle avocat Richard Malka. Val s’est enrichi joyeusement et a trouvé en Charlie et en son combat pour la liberté d’expression un tremplin qui l’a conduit à la tête de France Inter. Choron est mort dans la misère et Cavanna a dû avaler toutes les couleuvres jusqu’à la fin de sa vie pour bénéficier des maigres subsides octroyés par sa majesté Val alias l’esprit Charlie originel a été récupéré, avalé, déformé, normalisé, consommé et finalement jeté à la poubelle par la culture consumériste dominante. Mettre tout le monde dans le même panier, dénigrer une ethnie ou une appartenance sans distinction des individus, c’est par là que commence les pires génocides.»

Peut-on insulter, voire blasphémer sans limite?

Au nom d’une liberté d’expression à géométrie variable peut-on tout se permettre? En France la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit les libertés et responsabilités de la presse française, imposant un cadre légal à toute publication. C’est le texte juridique fondateur de la liberté de la presse. Elle est, dans le même temps, le texte qui en limite l’exercice et incrimine certains comportements spécifiques à la presse. Apparemment, elle ne s’applique pas à Charlie Hebdo, qui est devenu soit dit en passant, l’équivalent de Der Stürmer, la feuille de propagande nazie pendant les années 30.

 «La liberté d’expression lit-on sur Le Monde ne permet pas d’appeler publiquement à la haine contre un groupe ethnique ou national donné. (…) Mais si une personne, une association ou l’Etat estime qu’une personne a outrepassé sa liberté d’expression, c’est aux juges qu’il revient d’apprécier ce qui relève de la liberté d’expression et de ce qu’elle ne peut justifier. (…) La liberté d’expression ne permet donc pas de professer le racisme, qui est un délit, de même que l’antisémitisme.(…) La jurisprudence consacre en effet le droit à l’excès, à l’outrance et à la parodie lorsqu’il s’agit de fins humoristiques.(..) Un cas récent est assez éclairant: le fameux «casse-toi, pauv’ con!». Après que Nicolas Sarkozy a lancé cette formule à quelqu’un qui avait refusé de lui serrer la main, un homme avait, en 2008, acueilli l’ancien chef de l’Etat avec une pancarte portant la même expression. Arrêté, il avait été condamné pour «offense au chef de l’Etat» (…) Plus proche des événements de la semaine précédente, en 2007, Charlie Hebdo devait répondre devant la justice, des caricatures de Mahomet qu’il avait publiées. Des personnalités s’étaient relayées à la barre pour défendre Charlie Hebdo, le tribunal avait jugé que l’hebdomadaire avait le droit de publier ces dessins» (5). Sarkozy était venu témoigner pour Charlie Hebdo.

Dans le même ordre du deux poids, deux mesures :

«  la loi Gayssot, en 1990, interdit la négation de l’Holocauste. Consciente que cette innovation juridique entre en conflit avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui consacre la liberté d’expression, et avec la devise même de la République, la classe politique (députés et sénateurs quasi-unanimes, président de la République, président de l’Assemblée nationale, président du Sénat) décide de ne pas transmettre cette loi au Conseil constitutionnel, de crainte qu’il ne soit contraint de la censurer. En 2010, la Cour de cassation, saisie au titre de la nouvelle procédure entérine ce déni de droit en refusant à son tour de transmettre la loi au Conseil constitutionnel, au motif qu’elle n’aurait pas de «caractère sérieux».(6)

Dans le même ordre, le blasphème ne prend son sens qu’à travers ce qu’il reflète à la fois du point de vue des religieux et social: une religion conduit toujours à délimiter un domaine sacré exclusif du domaine profane. En Alsace et en Moselle au nom du Concordat on ne peut pas blasphémer. Dans le reste de la France, on peut blasphémer contre la religion, mais il est interdit de s’en prendre aux lois sanctuarisant les génocides. Un éditorial du site Oumma.com tout en nuance apporte aussi un éclairage. Nous lisons:

«La diffamation de la troisième religion du Livre, désormais enracinée en Occident et en Europe, ne connaît pas de répit, et pourtant nombreux sont les coeurs, de toutes origines et sensibilités, femmes comme hommes, qui rayonnent de l’universalité de ses préceptes. Face à l’islam à abattre, d’ici et d’ailleurs, la perfidie ambiante a choisi des armes redoutables, dont les bottes secrètes ont été démystifiées: une médiatisation sensationnaliste, Cette stratégie de la provocation par le dénigrement et l’offense est allée crescendo en l’espace de quelques années, ses coups de boutoir frappant de plus en plus durement et fréquemment». (7)

«J’ai toujours pensé lit-on sur Le site Le Grand Soir de la plume d’un rédacteur,  que les humoristes pouvaient faire rire de tout, à condition de ne pas dresser des bûchers contre quiconque ne rit pas comme eux. De tout? Hum, hum! Souvent des mêmes? Hum, hum! De préférence des barbus patibulaires? Et de leurs enfants morts? Hum, hum! hum! et hum! Des dessinateurs assassinés? Le cadavre du petit immigré IIyan, échoué sur un plage, ne cesse d’amuser un Riss qui nous apitoya sur ses propres blessures et qui ne bougea pas un cil quand la Justice poursuivit (jusqu’à 50 procédures mises en route, un enfant de 8 ans convoqué au commissariat, une grande gueule condamnée à 6 mois de prison ferme, etc.) (…). Le petit Ilyan dont la noyade n’en finit pas d’amuser Riss serait-il devenu tripoteur de fesses en Allemagne. Pour le FN et Charlie Hebdo, l’évolution naturelle d’un étranger (surtout venant de… suivez mon regard) est vers la délinquance ».(8)

Un tel degré d’insensibilité et de déshumanisation ne fait ni rire ni sourire mais rend triste. Comment dans cette anomalie mondiale, on laisse des boute-feux sortir de leur tanière locale et s’attaquer à l’universel au nom des droits dont on sait qu’ils ne sont opposables que contre les faibles. Je n’y vois du reste aucun rapport avec quelque ´´liberté d’expression´´ que ce soit. Comme écrivait Albert Camus: ´´Un homme, ça s’empêche´´ (Le Premier Homme, 1960, p. 66), ça a ses propres limites morales. Le problème de Charlie pour moi écrit un internaute, ce n’est pas les dessins horribles qu’il se permet, ce sont ceux qu’il ne se permet pas.

Tant qu’on n’est pas équitablement une ordure avec tout le monde, on passe pour insupportable. Plus particulièrement pour Charlie, on leur passe toujours tout sous prétexte de protéger l’impertinence, mais ce sont des racistes et des gens sans empathie pour autrui. La paix des civilisations ne peut en aucun cas être assujettie aux délires de pyromanes. Les musulmans n’auront pas d’autres choix que de s’adapter à une banalisation du sacré. Cette énième provocation s’éteindra comme les autres, laissant de plus un fossé se creuser inexorablement entre l’islam et l’Occident. Ainsi va le monde.

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

1.Chems Eddine Chitour  http://reseauinternational.net/bebe-aylan-1000-jours-en-enfer-une-eternite-au-paradis-des-anges/2. http://www.huffingtonpost.fr/2016/01/16/charlie-hebdo-aylan-dessin-caricature-riss-reine-rania-jordanie-_n_8997722.html

3.http://reseauinternational.net/tous-les-moyen-orientaux-seraient-des-obsedes-sexuels-de-qui-se-moque-t-on/  16 janvier 2016

4. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/charlie-est-mort-suicide-176575? Utm _source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed%3A+agoravox%2FgEOF+%28AgoraVox+-+le+journal+citoyen%29 mardi 19 janvier 2016

5.http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/01/14/de-charlie-a-dieudonne-jusqu-ou-va-la-liberte-d-expression_4555180_4355770.html#MsmM01JuxKGs5Zt3.99

6.https://www.contrepoints.org/2014/01/14/153157-les-dangereuses-metastases-de-la-loi-gayssot

7.http://oumma.com/14086/film-anti-islam-saine-indignation-plutot-violence-deva?utm

8.http://www.legrandsoir.info/charlie-hebdo-ou-la-derive-anticommuniste-et-le-racisme-larve.html

 

Article de référence :

http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_ chitour/233765-le-racisme-larve-de-charlie-hebdo.html

 

 

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