Jusqu’à présent, Obama a été à côté de la plaque sur Gaza…
Cela aurait aidé qu’Obama ait le courage de parler de ce que tout le monde discute au Proche-Orient. Non, il ne s’agit pas du retrait des Etats-Unis en Irak. Ils étaient au courant. Ils attendaient le commencement de la fin de Guantanamo ; et la probable nomination de George Mitchell en tant qu’envoyé au Proche-Orient était la moindre des choses qu’ils attendaient. Bien sûr, Obama s’est référé aux « innocents massacrés », mais ceux-ci n’étaient pas vraiment les « innocents massacrés » que les Arabes avaient en tête.
Il y a eu cet appel téléphonique, hier, à Mahmoud Abbas. Il se peut qu’Obama pense que ce dernier est le dirigeant des Palestiniens, mais, ainsi que tous les Arabes le savent, sauf peut-être M. Abbas, il est le dirigeant d’un gouvernement fantôme, un quasi-cadavre maintenu en vie uniquement par la transfusion sanguine du soutien international et du « partenariat total » qu’Obama lui a apparemment offert, quoi que l’on entende par « total ». Et personne n’a été surpris qu’Obama fasse également la visite obligatoire aux Israéliens.
Mais pour les gens au Moyen-Orient, l’absence du mot « Gaza » – de même que le mot « Israël », en vérité – a été l’ombre noire planant sur le discours inaugural d’Obama. S’en fichait-t-il ? Avait-il peur ? La jeune plume d’Obama qui lui a écrit son discours n’a-t-il pas réalisé qu’en parlant des droits des Noirs – pourquoi le père d’un Noir, il y a 60 ans, n’aurait pu être serveur dans un restaurant –, il concentrerait les esprits arabes sur le sort d’un peuple qui n’a obtenu le droit de vote il y a seulement trois ans, mais qui a ensuite été puni parce qu’il a voté pour les mauvaises personnes ? Ce n’était pas la question d’un éléphant dans le magasin de porcelaine. Il s’agissait de la quantité impressionnante de cadavres s’empilant dans le magasin de porcelaine.
Bien sûr, il est facile d’être cynique. La rhétorique arabe a quelque chose en commun avec les clichés d’Obama : « dur labeur et honnêteté, courage et respect des règles du jeu… loyauté et patriotisme ». Mais quelle que soit la distance que le nouveau président place entre lui-même et le régime vicieux qu’il a remplacé, le 11/9 reste toujours suspendu comme un nuage au-dessus de New York. Il nous fallait nous souvenir du « courage des pompiers investissant une cage d’escalier remplie de fumée ». En effet, pour les Arabes, la phrase « notre nation est en guerre contre un réseau considérable de violence et de haine » était du pur Bush ; l’unique référence à la « terreur », le bon vieux mot de peur de Bush et des Israéliens, était un signe inquiétant que la nouvelle Maison Blanche n’a pas encore pigé. C’est ainsi que nous avions Obama, parlant visiblement de groupes islamistes, comme les Taliban, qui « massacraient des innocents » mais qui ne « peuvent pas nous survivre ». Quant à ceux dans son discours qui sont corrompus et qui « réduisent au silence la contestation », probablement à l’intention du gouvernement iranien, la plupart des Arabes auront associé cette coutume au président égyptien Hosni Moubarak (qui a bien sûr reçu un appel hier d’Obama), au Roi Abdallah d’Arabie Saoudite et à une foule d’autres autocrates et de coupeurs de têtes qui sont supposés être les amis de l’Amérique au Moyen-Orient.
Hanan Ashrawi[1] l’a bien compris. Les changements au Moyen-Orient – la justice pour les Palestiniens, la sécurité pour les Palestiniens ET les Israéliens, la fin de la construction des implantations illégales pour des Juifs et des Juifs seulement en terre arabe, la fin de toute violence, pas seulement la variété « arabe » – devaient être « immédiats », a-t-elle dit, avoir lieu sur-le-champ. Mais si la nomination du modéré George Mitchell était destinée à répondre à cette exigence, le discours inaugural, noté « peu mieux faire » au Moyen-Orient, n’y a pas répondu.
Le message amical aux Musulmans, « une nouvelle approche, basée sur l’intérêt et le respect mutuels », ne s’appliquait tout simplement pas aux images du massacre de Gaza que le monde scandalisé a vues. Oui, les Arabes et de nombreuses autres nations musulmanes, et, bien sûr, la plus grande partie du monde, peut se réjouir que l’horrible Bush soit parti. De même que Guantanamo. Mais est-ce que les tortionnaires de Bush et de Rumsfeld seront punis ? Ou seront-ils discrètement promus à un boulot où ils n’auront pas besoin d’utiliser l’eau et les serpillières et écouter des hommes hurler ?
Bien sûr, il faut donner une chance à cet homme. Peut-être que George Mitchell parlera au Hamas – il est exactement l’homme qu’il faut pour essayer – mais qu’est-ce que des ratés comme Dennis Ross, Rahm Emmanuel et, surtout, Robert Gates et Hillary Clinton ont à dire ? C’était plus un sermon qu’un discours inaugural d’Obama, même les Palestiniens à Damas ont remarqué l’absence de ces deux mots : la Palestine et Israël. Ces deux mots étaient si chauds, alors qu’il faisait si froid à Washington, qu’Obama n’a même pas pris de gants !
Article original : « Robert Fisk: So far, Obama’s missed the point on Gaza… »
Traduit de l’anglais par JFG/QuestionsCritiques.
Note :
______________________
[1] Hanan Daoud Khalil Ashrawi (née le 8 octobre 1946) est une anglicane palestinienne, qui exerce dans l’enseignement supérieur et est connue comme une des porte-parole palestiniennes les plus éloquentes. Dans son activité intellectuelle aussi bien que dans son activité politique, elle a été la disciple puis la collègue d’Edward Said dont elle fut une grande amie. À l’occasion des élections législatives palestiniennes de janvier 2006, elle a été réélue au Conseil législatif palestinien sur une liste nationale, « la Troisième Voie », qui a obtenu deux sièges sur un total de 132. (source : wikipedia)