Kerry menace d’aller en guerre à propos de la Corée
Le ministre des Affaires étrangères américain John Kerry est allé dans la capitale Sud-coréenne, Séoul le week-end dernier pour la première partie d’une tournée de trois pays en Asie orientale placée sous le signe des menaces de guerre américaines de plus en plus précises contre la Corée du Nord en raison de son programme nucléaire. Kerry ira en Chine pour des négociations puis au Japon.
À Séoul, Kerry a réaffirmé que les États-Unis et leurs alliés ne toléreront aucun programme nucléaire en Corée du Nord. Celle-ci disposerait actuellement de seulement quelques bombes nucléaires très faibles. Il a dit, « nous sommes tous d’accord sur le fait que la Corée du Nord ne sera pas acceptée parmi les puissances nucléaires. La rhétorique que nous adresse la Corée du Nord est simplement inacceptable quelque soit la norme appliquée. »
Kerry n’a pas décrit comment Washington projette de stopper le programme nucléaire Nord-coréen et forcer le régime de la Corée du Nord à Pyongyang à abandonner les armes qu’il a développées.
Au cours des dernières semaines, pourtant, Washington a signalé qu’il était prêt à la guerre nucléaire. Il a envoyé de manière répétée des B-52 et bombardiers furtifs B-2, capable de transporter des charges nucléaires, vers la péninsule Coréenne pour des exercices militaires. En même temps, il a déployé des batteries de missiles supplémentaires et des navires de guerre dans la région.
Kerry a impliqué de manière menaçante qu’en cas de conflit armé, les États-Unis répondraient avec une force très largement supérieure aux actions de la Corée du Nord, laquelle est complètement dépassée militairement. Il a dit, « Kim Jong-un doit comprendre, comme il le fait probablement, quel serait le résultat du conflit. »
Kerry a également mis en garde la Corée du Nord contre des tests de missiles, comme Pyongyang avait dit qu’il pourrait en faire le 10 avril. La date est passée sans que Pyongyang ne lance un missile, pourtant.
Kerry a affirmé, « Si [le président Nord-coréen] Kim Jong-un décide de lancer un missile, que ce soit vers l’autre côté de la Mer du Japon ou dans une autre direction, il aura choisi en toute connaissance de cause d’ignorer l’ensemble de la communauté internationale. C’est une grave erreur pour lui de faire ce choix, parce que cela isolerait encore plus son pays et isolerait son peuple, qui franchement manque cruellement de nourriture, pas de missiles. »
Kerry a répété l’exigence américaine que la Chine fasse pression sur Pyongyang pour abandonner son programme nucléaire, disant, « la Chine a une capacité énorme à faire la différence ici. »
C’était apparemment une allusion à la capacité de la Chine à faire plier Pyongyang par un embargo, en lui coupant les approvisionnements essentiels en nourriture et en carburant, Pyongyang dépendant de Pékin qui est son seul protecteur dans la région.
Kerry a également répété les dénégations du Pentagone et du directeur de l’ensemble des services de renseignements américains, James Clapper, contre un rapport de l’Agence du renseignement pour la Défense [qui fait le lien entre les divers services de renseignements militaires, ndt] affirmant que la Corée du Nord avait développé la capacité de lancer des armes nucléaires par missiles balistiques. Kerry a noté qu’il n’y avait aucune preuve que Pyongyang aurait miniaturisé une tête nucléaire et serait en mseure de lancer un missile nucléaire sur les États-Unis.
Tout examen sérieux des commentaires de Kerry réfute la présentation hystérique de la crise de la Corée du Nord faite dans les médias occidentaux, lesquels citent la rhétorique menaçante de Pyongyang comme une preuve que la Corée du Nord pose clairement un risque et présente un danger pour les États-Unis.
En fait, la Corée du Nord est un pays désespérément pauvre de 23 millions d’habitants, dont l’économie s’est désintégrée au cours des deux dernières décennies. Elle a été dévasté par la coupure des approvisionnements soviétiques en énergie et en pièces industrielles, notamment pour les machines agricoles du pays, après l’effondrement de l’URSS en 1991.
Un article du quotidien britannique Telegraph écrit en 2010 par un journaliste ayant voyagé dans le pays notait, « la Corée du Nord n’est pas un pays sous-développé ; c’est un pays qui est tombé en dehors du monde développé. Vous pouvez voir la preuve de ce qui a été perdu pendre au-dessus de vous sur n’importe quelle grande route : les fils dépenaillés d’un réseau électrique rouillé qui, à une époque, couvrait tout le pays. »
Les sanctions vindicatives que les États-Unis ont imposées à la Corée du Nord ont complété la catastrophe. Avec une famine et des pénuries de médicaments chroniques, la Corée du Nord est confrontée à de fortes épidémies de tuberculose devenue résistante à plusieurs traitements, et à une malnutrition sévère. D’après l’ONU, un tiers des enfants de moins de cinq ans en Corée du Nord montrent des signes de retard de croissance.
Le régime Nord-coréen, confronté à des menaces constantes de Washington, a développé des armes nucléaires pour lui servir de monnaie d’échange dans ses négociations avec les Etats-Unis. Son calcul est apparemment aussi qu’il pourrait décourager les États-Unis de tenter une guerre pour un changement de régime, comme celles d’Irak et de Libye.
Les armes nucléaires Nord-coréennes sont, en dernière analyse, des facteurs comparativement mineurs dans la situation militaire de la région, laquelle est dominée par la confrontation entre la Chine et les États-Unis. Si Pyongyang a clairement des capacités nucléaires militaires depuis son premier essai en 2006, Washington n’a commencé à le menacer d’une guerre pour ce motif que depuis l’inauguration l’an dernier du « pivot » vers l’Asie, qui vise à contenir la Chine.
Cette offensive vise non seulement à intimider la Chine pour qu’elle n’utilise pas ses leviers financiers contre la politique américaine – Pékin détient plus de 1000 milliards de dollars de dettes américaines – mais aussi à pousser Pékin à se mettre sur la même ligne que les intérêts impérialistes américains, notamment au Moyen-Orient. La Chine a bloqué les résolutions de l’ONU qui cherchaient à légitimer une intervention directe des États-Unis dans la guerre par procuration menée par les États-Unis en Syrie. Pékin s’oppose également aux projets américains d’une guerre contre l’Iran.
Il est remarquable que Kerry soit arrivé à la première étape de sa tournée asiatique en sortant tout juste d’une visite diplomatique en Turquie le 6 avril, d’une rencontre avec les gouvernements Israélien et Palestinien du 7 au 9 avril et du sommet qui a réuni les ministres des affaires étrangères du G-8 pendant deux jours à Londres. Dans ces réunions, d’après le site Web du ministère des affaires étrangères, il a abordé « des sujets régionaux et transnationaux, » dont « la crise en Syrie et la paix et la sécurité dans la région. »
Alors que Washington intensifie sa campagne contre Pyongyang, il menace également l’Iran, l’objectif officiel étant le même : stopper le programme nucléaire de ce pays, qui d’après l’Iran ne vise que des usages civils. Washington a imposé des sanctions financières jeudi à une banque malaisienne, la First Islamic Investment Bank, pour avoir financé le commerce iranien.
Les campagnes menées par les Etats-Unis contre la Corée du Nord et l’Iran s’appuient sur des mensonges politiques, en particulier sur l’affirmation que ces pays créent un risque imminent de guerre nucléaire. En fait, le principal risque de guerre nucléaire viens des États-Unis, qui ont menacé de faire un usage préemptif de leurs armes nucléaires contre tout gouvernement cherchant à développer de telles armes sans l’approbation des États-Unis.
Comme l’a déclaré en 2008 le ministre de la Défense d’alors, Robert Gates, « Nous devons avoir une capacité de dissuasion qui montre clairement que défier les États-Unis sur le terrain du nucléaire – ou avec d’autres armes de destruction massive – risquerait d’entraîner une réaction écrasante, catastrophique. » (Lire en anglais : US defense secretary expands pre-emptive war doctrine to include nuclear strikes.)
L’impérialisme américain se lance dans une escalade de ces conflits au mépris des sentiments anti-guerre profondément ancrés dans la classe ouvrière américaine, à laquelle il veut faire payer la facture de son expansion militaire.
Alors que Washington prévoit, d’après un rapport du Stimson Center, de dépenser 352 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années pour moderniser son arsenal nucléaire stratégique, la Maison-Blanche propose de supprimer, sur la même période, 400 milliards du programme Medicare de sécurité sociale pour les personnes âgées et les handicapés.
Alex Lantier
Article original, WSWS, paru le 13 avril 2013