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L’Afghanistan s’apprête à inonder l’Europe d’héroïne
Par Global Research
Mondialisation.ca, 14 septembre 2006
Ria novosti 14 septembre 2006
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https://www.mondialisation.ca/l-afghanistan-s-appr-te-inonder-l-europe-d-h-ro-ne/3223

L’Afghanistan bat une nouvelle fois tous les records de production d’opium et s’apprête à inonder l’Europe d’héroïne de première qualité.

Selon les données publiées récemment par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la culture du pavot à opium a augmenté de 59 % cette année pour atteindre 165.000 hectares, contre 100.000 en 2005, la récolte globale d’opium brut devant s’élever à 6.100 tonnes.

A cela il faut ajouter que cette année, selon les experts afghans, l’opium est particulièrement riche en morphine: il faut seulement 7 kg d’opium brut pour fabriquer un kg d’héroïne.

Ce ratio est d’une rareté exceptionnelle. D’habitude, la fabrication d’un kg d’héroïne demande 10 à 15 kg d’opium. Ainsi, les 4.000 tonnes d’opium brut récoltées l’an dernier en Afghanistan, toujours selon l’ONUDC, ont permis de produire 400 tonnes d’héroïne. Cela veut dire qu’avec la teneur actuelle de l’opium en morphine les 6.100 tonnes d’opium brut pourraient donner plus de 870 tonnes d’héroïne. Un chiffre absolument fantastique.

Il est facile d’imaginer combien de tonnes de cette drogue dure de haute qualité viendront envahir les marchés russe et européen en 2006. D’autant plus qu’en Afghanistan le schéma comprenant la moisson de l’opium, sa transformation en morphine et en héroïne et, enfin, l’exportation des opiacés vers les pays consommateurs par les itinéraires fiables est réglé comme du papier à musique.

La question qui se pose est de savoir s’il est possible ou non d’endiguer l’afflux de la drogue afghane.

En Afghanistan, les mécanismes de lutte sont absents, qu’il s’agisse de mécanismes économiques ou militaires. Quant à la coalition antiterroriste internationale et à la force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), elles ont besoin d’un mandat spécial de l’ONU pour mener des opérations de destruction des semences de pavot à opium et des laboratoires de fabrication d’héroïne.

Les Etats-Unis, qui dirigent la coalition antiterroriste, ou l’OTAN, qui parraine l’ISAF, ne saisiront jamais le Conseil de sécurité de l’ONU pour obtenir le mandat nécessaire. Surtout les Etats-Unis qui, contrairement à l’ISAF, ne disposent d’aucun mandat onusien en Afghanistan. A quoi bon se brouiller avec la population locale, d’autant plus que les problèmes russes et européens liés à la drogue afghane leur sont complètement étrangers? « La hausse de la production de drogue observée en Afghanistan s’explique par la croissance de la demande en Europe et en Russie. Pour éradiquer le problème, il faut des efforts communs de la Russie et de l’Europe occidentale en Afghanistan », a notamment estimé le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld.

Les illusions sur l’assistance éventuelle de l’ISAF ont été dissipées par le directeur de l’ONUDC, Antonio Maria Costa, lors d’une conférence internationale sur la drogue afghane à Moscou. A son avis, l’engagement expérimental des troupes de l’ISAF mobilisées en 2005 pour détruire les cultures de pavot à opium et les laboratoires chimiques en 2005 n’ont pas eu l’effet escompté et ont aggravé les tensions avec la population locale. L’assistance de l’ISAF se résumera désormais à l’appui logistique et à la formation du personnel afghan.

M. Costa a également dissipé le mythe des « caravanes de la drogue » qui sillonnent l’Afghanistan à la barbe des Etats-Unis et de l’ISAF. Les « caravanes » existent, seulement il ne s’agit pas de la drogue, mais de ses précurseurs. Le précurseur est un réactif utilisé dans la fabrication d’un produit chimique toxique. Pour transformer une tonne d’opium brut en héroïne, il faut, selon les experts, 2 à 6 tonnes d’anhydride acétique.

Sur les 4.000 tonnes d’opium brut, l’Afghanistan a importé l’an dernier plus de 10.000 tonnes d’anhydride acétique, a précisé M. Costa. Une vraie « caravane », car il faut 500 camions de 20 tonnes pour transporter cette quantité d’agents chimiques.

L’anhydride acétique n’est pas d’origine afghane. Aujourd’hui, selon les experts, cette substance chimique n’est fabriquée qu’en Chine, en Inde et en Russie. Reste à savoir comment ces « caravanes » arrivent à passer inaperçues dans un Afghanistan à l’infrastructure routière sous-développée et dans les pays voisins.

Début juillet, les autorités afghanes ont dû reconnaître l’inefficacité des mesures appliquées dans le pays en vue d’enrayer la fabrication illégale de stupéfiants. La nouvelle loi sur la lutte contre la production de drogue adoptée l’an dernier, tout comme le ministère spécialement créé à cette fin, n’ont été d’aucun secours, et le problème reste entier.

Comment le résoudre? Un coordinateur de l’ONUDC pour l’Asie centrale a déclaré que « malgré les efforts déployés par les gouvernements centrasiatiques, le transit via cette région ne diminue pas ».

L’opium afghan poursuit sa propagation malgré tout. La Russie et l’Europe occidentale n’ont qu’à espérer qu’avec l’extension annuelle de 50% des surfaces ensemencées de pavot à opium, la superficie des terres cultivables en Afghanistan se rétrécira. A ce jour, sur les 7 millions d’hectares de terres cultivables, seulement 165.000 ont été mis en valeur.


Mercredi 13 Septembre 2006

 

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