L’attaque de la flottille de Gaza ou le triomphe du référentiel de la force brute

La déclaration adoptée il y a quelques heures par le conseil de sécurité est symptomatique de l’état actuel des relations internationales, réduites à des rapports de force où le droit international constitue le maillon faible.

«Une enquête rapide, impartiale, crédible et transparente» ! Il a fallu 12 heures pour arracher une déclaration de 24 lignes au conseil de sécurité, tôt en ce mardi premier juin, faisant suite à l’attaque israélienne sur la flottille de Gaza. L’incident a eu lieu lundi soir quand un commando israélien s’en est pris à une flottille transportant 700 humanitaires déterminés à briser le blocus imposé contre Gaza depuis trois ans, en violation du droit international. L’attaque a fait 9 morts. Lors des tractations au conseil de sécurité, les Etats-Unis qui défendait son allié israélien a pesé de toute sa force face à la Turquie, au Liban et au reste du monde. L’on notera particulièrement l’atonie de l’Union Européenne, puissance économique certes, mais sans influence diplomatique réelle.

Cette difficulté à sanctionner une attaque sanglante sans précédent renforce l’impression d’un Etat d’Israël au dessus de la justice internationale. Au final, le conseil de sécurité, trop divisé pour adopter une résolution, s’est limité à une déclaration, regrettant «profondément  les pertes en vie humaines et les blessures ayant résulté de l’usage de la force durant l’opération militaire israélienne dans les eaux internationales contre le convoi se dirigeant vers Gaza ». Preuve de l’âpreté des discussions, les négociations ont failli buter sur l’usage du mot « acte », qu’il fallait employer au singulier selon la Turquie, au pluriel pour les américains.

Presque une victoire pour Israël

Au final, cette déclaration signe presque la victoire d’Israël. L’expression «enquête indépendante » a été retirée à la dernière minute pour être remplacée par « enquête impartiale ». Adoptée sous l’insistance américaine, ce texte donne à Israël le droit de mener l’enquête au grand dam de la communauté internationale qui souhaitait une investigation confiée à des organismes indépendants. Avec cette victoire diplomatique, l’Etat hébreu, qui accuse les humanitaires d’avoir «cyniquement utilisé le costume de l’aide humanitaire pour envoyer un message de haine » s’installe encore un peu plus dans une logique de la force brute commencée depuis l’ère George Bush et l’éclatement de la seconde Intifada. La seule «démocratie » du Moyen Orient qui courait pour des alliances et des victoires diplomatiques dans les années 90 ne fait plus parler que le canon depuis le 11 septembre 2001. La devise se résume ainsi : ne pas à convaincre le Hamas à reconnaître Israël mais l’y contraindre par la force.

Les actions punitives contre Gaza, la guerre au Liban et, tout dernièrement, le ratage dans l’assassinat d’un commandant du Hamas aux Emirats Arabes Unis sont autant de signaux qui montrent que l’Etat Hébreu, puissance nucléaire ambigüe, pense obtenir par la logique de guerre et du fait accompli ce que la puissance de son lobby de sa propagande peine à imposer. Cet usage disproportionné de la force, encouragée par une alliance droite-extrême droite aujourd’hui au pouvoir, a atteint son paroxysme sous Georges Bush. Beaucoup d’observateurs pensaient que sous le démocrate Barack Obama l’Amérique reviendrait à un rapport plus équilibré par rapport au Moyen Orient. C’est apparemment beaucoup plus compliqué que cela.



Articles Par : Adama Wade

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