L’autre guerre illégale de Blair : la Yougoslavie
Sortez le champagne et les cigares! Finalement Tony Blair sera jugé pour crimes de guerre … mais pas au tribunal. Il le sera en tout cas à la chaîne de télévision Channel 4 . Mais s’il est agréable de voir sur le banc des accusés Blair, ou son portrait tel que brossé par Robert Lindsay, pourquoi le premier ministre britannique est-il accusé uniquement d’avoir commencé une guerre illégale?
Quatre année avant le déclenchement de l’opération «Chock and Awe» («Choc et effroi») [N. du T. : campagne de bombardements US contre l’Irak – Bagdad – 2003], Blair avait joué un rôle crucial dans un autre acte d’agression internationale, qui, comme la guerre en Irak, était également basée sur de faux prétextes. L’agression de 1999 contre la Yougoslavie violait de façon flagrante le droit international. Seul le Conseil de sécurité de l’ONU a, en effet, le droit d’autoriser une action militaire contre un pays souverain, et, dans ce cas, le Conseil de sécurité de l’ONU n’avait pas été consulté. L’attaque violait également la Charte de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord), qui ne permettait l’utilisation de la force que si un État membre était attaqué.
Le «casus belli» en question, était, selon les allégations de Blair, que la Yougoslavie avait « perpétré un génocide de type hitlérien équivalent à l’extermination des juifs au cours de la Seconde guerre mondiale » contre la population d’origine albanaise dans la province de Kosovo. Il n’y avait pas de preuve à ce moment-là pour appuyer ces allégations, et il n’y en a certainement pas aujourd’hui. Plus de 100 témoins de l’accusation ont comparu au procès de Milosevic à La Haie, et pas un seul n’a prouvé que l’ancien président de la Yougoslavie ait donné l’ordre de perpétrer un génocide ou de commettre quelque crime ou acte de violence que ce soit contre la population civile du Kosovo. Au contraire, un capitaine musulman de l’armée yougoslave a déclaré en cour qu’aucun membre de son unité n’avait commis d’actes de harcèlement systématique contre des civils albanais au Kosovo, et qu’il n’avait jamais entendu dire que de tels actes ait été commis dans d’autres unités, alors que l’ancien chef de la sécurité de l’armée yougoslave, le général Geza Farkas (yougoslave d’origine hongroise), a affirmé que tous les soldats yougoslaves au Kosovo avaient reçu un document expliquant les dispositions du droit humanitaire international et l’ordre de désobéir à toute consigne violant ces dispositions. En fait, la soi-disant « crise du Kosovo » avait été inventée de toutes pièces, tout comme la « crise des armes de destruction massive » contre l’Irak quatre années plus tard.
L’Occident avait encouragé un groupe terroriste, l’UCK (Armée de libération du Kossovo – Ushtria Clirimtare e Kosovës, UCK) à se livrer à des actes de provocation contre les autorités yougoslaves, et quand Belgrade avait riposté par des actions anti-terroristes, les États-Unis et la Grande-Bretagne étaient prêts à soumettre un document à la prétendue « conférence de paix » de Rambouillet, qui, comme l’avait admis le ministre de la Défense, Lord Gilbert, avait été conçu de façon à être rejeté par les Yougoslaves. Pourquoi a-t-on fait tout cela? Le parlement croupion de Yougoslavie n’a pas été ciblé pour des raisons « humanitaires » – comme le croyaient beaucoup de libéraux de gauche en se trompant – mais simplement parce qu’il s’y opposait. Ne me croyez pas, si vous le voulez, mais écoutez ce que George Kenney, du Département d’État des États-Unis a déclaré : «Dans l’Europe d’après-guerre, il n’y avait plus de place pour un État socialiste de grande taille, ayant des points de vue indépendants et résistant à la mondialisation.» La guerre illégale contre la Yougoslavie peut n’avoir pas conduit à autant de bains de sang et de carnages que le conflit en Irak, mais son importance ne doit pas être sous-estimée. Pour la première fois depuis l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 par les chars d’assaut du Pacte de Varsovie, un État européen, qui n’en menaçait aucun autre, a été attaqué. Un précédent dangereux, celui d’avoir foulé aux pieds le droit international, a ainsi été établi. À quel point dangereux? C’est ce que nous allions voir quatre années plus tard en Irak. ?
The Guardian, 18 janvier 2007,
http://commentisfree.guardian.co.uk/neil_clark/2007/01/blairs_earlier_illegal_war.html.printer.friendly
Traduction par le «Collectif de traduction de Montréal»