L’autre Hassan Nasrallah raconte son odyssée d’otage de l’armée israélienne
A l’aube du mardi 1er août 2006, un commando israélien héliporté fait irruption dans la maison du citoyen libanais Hassan Dib Nasrallah à Baalbek et l’enlève en même temps que 4 autres personnes présentes chez lui.
Aussitôt l’information est relayée par les agences de presse et tous les médias : Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, capturé par les l’armée israélienne ! En fait, c’était juste un coup de pub, pour une armée en mal de victoire et à défaut d’un coup d’éclat, depuis plus de deux semaines qu’elle a déclaré la guerre au Liban et au Hezbollah.
Libéré le lundi soir 21 août ainsi que ses compagnons d’infortune, Hassan Nasrallah, devenu une star depuis, raconte sa mésaventure.
« La nuit de mon enlèvement n’était pas une nuit comme toutes les autres. La mort rôdait partout autour de nous. La coupure de l’électricité a plongé la ville dans le noir et ses habitants dans la terreur. L’irruption du commando israélien dans la maison a fait le reste. Ils ont détruit systématiquement tout ce qu’il y avait sur leur chemin, en tirant de partout et sur n’importe quoi. »
Dans sa déclaration au journal Koweitien « Arraï Al Am » (L’opinion publique), Hassan Nasrallah (Abou Bilal), estime que près de 50 militaires israéliens avaient commencé par encercler la maison. Les hommes présents dans la maison s’en rendirent compte et eurent peur, plus pour leurs femmes et leurs enfants que pour eux-mêmes.
« Puis c’est l’irruption dans la maison de nombreux soldats fortement armés, avec des fusils munis de lunettes laser. Ils tirèrent abondamment des coups de feu, puis nous ordonnèrent de mettre les mains sur la tête et de sortir. Ils parlaient l’arabe palestinien. Nous sortîmes l’un après l’autre : Mohamed Jâafar, puis Ali Diab, Hassan Al Borji, moi-même et Ahmed Al Outa. Une fois à la porte, ils nous attachèrent les mains avec un gros fil en plastique. L’un d’entre eux sortit un ordinateur portable, me montra Al Hadj Ahmed Al Outa et me demanda si c’était bien un tel. Il s’assura de tous nos noms qui étaient sur son ordinateur, ce qui veut dire qu’ils avaient beaucoup d’indicateurs. »
Hassan Nasrallah raconte que sa capture était une grosse méprise, tant les Israéliens étaient convaincus qu’il s’agissait du vrai Nasrallah. « A leur arrivée en Israël, les soldats criaient de vive voix : nous avons Hassan Nasrallah, nous avons Hassan Nasrallah ! »
Haut les mains ! Dessin de Khalid Al Hashemi, Bahreïn, 15 juillet 2006. Source : www.irancartoon.com
Des soucoupes volantes sur Baalbek
Hassan (Abou Bilal), raconte que sitôt les cinq hommes et son fils Mohamed Hussein, 13 ans, arrêtés et attachés, les soldats ordonnèrent aux femmes et aux deux autres enfants en bas âge, de sortir et d’aller en direction de la ville. Il était minuit 30. « Puis ils nous ordonnèrent de marcher, ce que nous fîmes durant près de deux heures. Certains de nous étaient pieds nus. Nous nous sommes sentis un peu sereins, convaincus que l’ennemi ne pouvait pas bombarder, lancer ses fusées ou tirer sur des lieux où se trouvaient ses soldats. Ailleurs dans la ville, les hélicoptères Apache continuaient à arroser de leurs projectiles de 800 mm.
Tout au long de leur longue marche vers l’hélicoptère Apache qui devait les amener à destination, les avions israéliens couvraient le ciel et continuaient à bombarder Balbek. C’était comme s’il y avait des soucoupes volantes sur la ville. Quelle fut la surprise de Hassan et de ses compagnons, quand ils trouvèrent sur les hauteurs de la ville où les attendait l’Apache, qu’il y avait aussi près de 500 militaires qui attendaient l’arrivée du commando et du « précieux et illustre prisonnier de guerre ».
Hassan continue : « Nous sommes montés dans l’hélicoptère Apache, à l’exception de mon fils. Un officier lui mit le canon de son fusil d’assaut M16 sur la tête pour le terroriser et entreprit de l’interroger sur la Résistance et si nous étions des combattants ou pas.
Il leur répondit que non. Entre temps, un officier a contacté son commandement en Israël,- il y avait le son et la voix, pour savoir que faire de l’enfant de moins de 13 ans. Il reçut l’ordre de le laisser sur place.
À ce moment -à de nombreuses questions me passèrent pas la tête et je demandais à haute voix : où est-ce que vous nous emmenez? Un soldat m’ordonne en arabe de me taire. Je commençais vraiment à avoir peur pour ma femme et mes enfants. J’étais dans cet état d’esprit jusqu’à notre arrivée en Israël, les yeux bandés. J’entendais des cris de joie : nous avons capturé Hassan Nasrallah !!! »
« Nous sommes arrivés en Israël, précisément au centre d’interrogatoire, les yeux bandés. Ils commencèrent par nous séparer les uns des autres pour nous interroger chacun à part. Cela dura un jour entier, depuis notre arrivée jusqu’au lendemain à la même heure du soir. Puis ils nous réunirent tous ensemble, nous firent monter dans une voiture et nous conduisirent en prison, tous dans une seule cellule. Nous nous sommes salués et félicités de nous être retrouvés sains et saufs et chacun de nous a commencé à raconter ce qui lui est arrivé et comment s’est passé son l’interrogatoire. Puis tout à coup, nous avons entendu des voix et des cris dehors. Les gardiens se ruaient vers la cellule pour regarder de près « l’illustre prisonnier » Hassan Nasrallah. Ils nous posèrent des questions et nous demandaient si nous venions de l’hôpital. C’est alors que nous avons compris qu’une opération héliportée avait eu lieu contre un des hôpitaux de Baalbek.
Nous sommes restés en prison près de 21 jours et tout au long de cette période, nous subissions 5 heures d’interrogatoire d’affilée. Mais nous n’avons subi aucune violence physique. Le 16ème jour, une avocate de l’organisation des droits de l’homme, Léa Tsemel, est venue nous rendre visite et nous a beaucoup aidés.
Au 20ème jour, à 5 heures du matin, le gardien nous a convoqués et nous a demandé si nous avions des vêtements ( nous étions en tenue de prison) ; je lui répondis que nous en achèterions. Il m’a répondu : plus tard.
Après une demi heure, le gardien est venu nous apporter la nouvelle que nous allions sortir pour faire du sport. Il nous a ordonné de mettre nos vêtements et de faire la chambre. A 9 heures du matin, nous avons quitté la prison et on nous a conduits à Naqoura, sur la frontière. Les Israéliens nous ont remis à la Croix rouge internationale qui à son tour, nous a remis à la FINUL et celle-ci à l’armée libanaise. Nous avons fait 5 escales de Naqoura jusqu’au Ministère de la défense. Nous sommes arrivés à Baalbek le lundi à minuit, où nous avons été accueillis par les amis et la population en véritables héros. »
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Photo : Hassan Dib Nasrallah après sa libération
Traduit par Ahmed Manaï et révisé par Fausto Giudice.
Original : : http://www.alarabiya.net/Article.aspx?v=26830/