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L’enfer selon l’OTAN
Par William Bowles
Mondialisation.ca, 31 octobre 2006
Tlaxcala 31 octobre 2006
Url de l'article:
https://www.mondialisation.ca/l-enfer-selon-l-otan/3648

Pauvre vieux Dante Alighieri, s’il était des nôtres aujourd’hui, je suis sûr qu’il trouverait difficile de dénicher les mots pour décrire les maux répandus par les soi-disant nations civilisées aux sans-défense de la planète, et en supposant qu’il serait entièrement au courant de ce qui se passe.

Je sais que je ne devrais pas être étonné mais néanmoins je le suis. Étonné premièrement de vivre dans une culture barbare qui a été capable de se faire passer pour civilisée et deuxièmement, qu’elle ait pu persuader le monde qu’elle possède des lettres de créances de civilisation de premier choix. Et troisièmement, qu’elle ait été capable d’entretenir cette illusion depuis au moins cinq cents ans.

La plupart d’entre nous associons l’idée de civilisation à la connaissance et au respect pour la culture, cependant la racine du mot est celle du citadin.

« Les missiles ont frappé des réservoirs de stockage du complexe pétrochimique [à Panchevo, au nord-est de Belgrade], envoyant plus de 900 tonnes de monomère hautement cancérogène de chlorure de vinyle (VCM) se répandre dans les airs. Au lever du soleil, les nuages de VCM ruisselaient au-dessus de toute la ville, enregistrant pas moins de 10.600 fois la limite permise pour la sécurité humaine, et les nuages se levant de l’usine étaient si épais que les résidants ne pouvaient voir le soleil. Le VCM est déjà dangereux en soi, mais quand il brûle, il libère en sous-produit du gaz phosgène, une substance si nocive qu’elle a servi comme gaz toxique pendant la Première Guerre mondiale. Le feu faisant rage libère du chlore, une autre substance qui a été utilisée comme gaz toxique pendant la Première Guerre Mondiale, avec une foule d’autres produits chimiques nocifs, tels que la naphte, le dichlorure d’éthylène et l’acide chlorhydrique. Plus de 2.000 tonnes de PVC dichloroéthane fortement toxique ont lavé la terre, nécessitant l’interdiction à long terme de manger des racines alimentaires poussées dans la ville. Une pluie de poison a éclaboussé la région, et des centaines de tonnes de pétrole et de produits chimiques ont imbibé le sol et se sont déversés dans le Danube. Après qu’un missile eut manqué de peu de frapper un réservoir d’ammoniaque liquide, les ouvriers ont paniqué devant les conséquences effrayantes qu’aurait une explosion sur le réservoir, et du déversement de l’ammoniaque liquide dans le Danube. » [1]

Comme si l’utilisation de puissants explosifs lors de bombardements « ordinaires » d’hommes, de femmes et d’enfants, qui ne font que vous mettre en pièces n’était pas assez mauvaise, ce que j’appelle une guerre écocide n’est pas immédiatement évidente dans ses effets dévastateurs non seulement sur les gens mais sur les générations, sur des écologies entières, des effets à long terme dont nous avons seulement une compréhension des plus vagues, excepté qu’ils ne peuvent qu’être désastreux pour nos descendants.

La gamme d’armes écologiques employées par de soi-disant nations civilisées est déjà dévastatrice en soi, mais comme en plus les cibles elles-mêmes contiennent assez souvent des substances toxiques et cancérigènes, les effets des armes écologiques sont multipliés par les produits chimiques déversés dans l’environnement.

Il est inconcevable que les planificateurs de guerres ne se rendent pas compte des conséquences qu’il y a à cibler des usines industrielles modernes, dont le contenu une fois libéré rend en fait l’environnement inhabitable, peut-être pour des générations. Quand des accidents se produisent dans les usines équivalentes des pays occidentaux, ça provoque un boucan d’enfer, des plans d’urgence sont mis en action, des communautés entières sont évacuées ; des zones d’exclusion sont établies, le nettoyage exige l’intervention d’équipes utilisant les dernières techniques pour réduire au minimum les dommages à l’environnement.

Il n’en va pas de même pour les malheureux habitants de Yougoslavie, d’Iraq et du Liban, où le ciblage des industries électriques et chimiques et des lieux de stockage fait partie intégrante d’une politique délibérée de terreur, parce que non seulement elle affecte les gens qui vivent et travaillent en ces lieux, mais elle met aussi en danger la population entière par la destruction des systèmes de traitement et de distribution d’eau, la perte du courant électrique pour les hôpitaux. C’est en fait tout le tissu de la société moderne qui est paralysé.

Tout aussi dévastateur est le silence presque total de tous les médias occidentaux qui constamment et a dessein retiennent l’information du public au sujet des effets horribles de ces armes de cauchemar sur littéralement des millions de gens. « Mettre le feu et oublier » prend une sens tout nouveau.

L’utilisation de ces armes sur des cibles industrielles constitue un crime de guerre d’une telle dimensions absolument dévastatrices qu’il est imaginable que nos populations nationales, si elles étaient vraiment averties de l’échelle et de l’impact de ces armes de destruction massive, réagiraient avec horreur et répugnance au fait que de tels ravages soient commis non seulement en leur nom mais par des sociétés qui prétendent être civilisées. Pas étonnant que les principaux médias nous aient caché la réalité.

« La demi-vie de l’uranium appauvri (UA) est de 4,5 milliards d’années, assurant essentiellement la contamination permanente des zones affectées. Pour comprendre exactement ce que cela signifie en termes de temps, considérez que l’âge du système solaire est légèrement plus long… Les armes à l’UA ont le côté avantageux supplémentaire d’être un moyen efficace de se débarrasser des déchets nucléaires. Avant la guerre de l’OTAN [en Yougoslavie], les USA ont stocké plus de 450 000 tonnes (un milliard de livres anglo-saxonnes) de déchets de la production d’armes nucléaires, et le Pentagone a fourni le matériau sans coût aux fabricants d’armes… Une seule particule d’UA logée dans les poumons équivaut à une radiographie de la poitrine à l’heure pendant toute une vie. » [2]

Les médias occidentaux, utilisant les fausses déclarations de l’OTAN selon lesquelles l’UA n’a pas eu comme conséquence l’accroissement des radiations, des déclarations basées sur l’utilisation de compteurs Geiger qui en fait ne mesurent pas les rayons alpha dégagés par l’UA, ont permis de rejeter l’accusation de dangerosité à vie de l’UA.

Il a été fait grand cas de l’utilisation des bombes à fragmentation mais une variante bien plus mortelle est la bombe au graphite utilisée contre les stations de transformateurs électriques, conçues pour détruire l’approvisionnement électrique d’une nation.

« Ce sont de petits récipients remplis de petits rouleaux, enveloppés avec des fils de silicium. Les fils de silicium sont recouverts d’aluminium, pour être conducteurs électriquement… quand cette bombe à fragmentation éclate au-dessus d’une usine de transformateurs, un genre de toile d’araignée tombe sur l’usine. C’est une sorte d’eau solide. L’effet est le même que si vous jetiez d’énormes quantités d’eau sur ces usines de distribution. Cela causerait des courts-circuits, etc., et toutes ces usines seraient mises hors service. Mais une plus grande quantité de ces matériaux ont été répandus dans un brouillard de minuscules particules de silicium. Comme vous le savez, le verre est fait de silicium. La laine de verre est aussi faite de silicium. On a interdit la laine de verre il y a vingt ans. Elle est très cancérigène. Je parle des personnes vivant dans les secteurs où ces bombes ont été lâchées. Un brouillard épais a plané là-bas pendant des heures. Les gens ont inhalé ces particules de silicium. » [3]

Les humains ne sont-ils pas ingénieux quand il s’agit de concevoir des méthodes pour nous exterminer ? Que des millions de gens hautement habiles soient occupés à inventer ces moyens terrifiants de meurtre devrait nous mettre en révolte ouverte contre nos gouvernements commettant de tels actes de pure malfaisance contre nos frères humains et tou cela dans la quête de profit privé.

Tel est le degré d’aliénation provoqué non seulement parce que des scientifiques et des ingénieurs dans des bureaux reculés sont totalement déconnectés des effets de leur ingéniosité, mais parce que nous tous habitons une culture qui est dans la désinformation depuis des générations et qui accepte l’idée que nous occupons quelque niche plus haute dans l’arbre de l’évolution, tant est pernicieuse notre conception de la « civilisation ».

Pour combien de temps encore pourrons-nous continuer à nous soustraire à notre complicité tacite dans le meurtre de masse en vertu de l’idée que nous avons une sorte d’autorisation « d’en haut », d’un Dieu qui peut parler pitié et compassion et, dans le même souffle, trouver des excuses à l’usage de la terreur comme moyen de propager la « civilisation », de style occidental ?

En dernière analyse, les vraies raisons, cachées aux yeux du public, sont économiques. La Yougoslavie, le dernier bastion de la propriété sociale en Europe de l’Est, devait voir son économie intérieure réduite en ruines. Ainsi sous les dehors de cibles « militaires » à détruire, chaque usine et entrepôt de quelque importance, toutes les infrastructure, électriques, eau, traitement des eaux usées, communications et transports, ont été bombardées, souvent à de nombreuses reprises, sans se soucier des conséquences. Et ne vous y trompez pas, les plans de l’OTAN mettent en évidence que l’économie yougoslave devait être bradée au capital occidental.

« Le Pacte de Stabilité sponsorisé par l’Occident pour l’Europe du sud-est a exigé des privatisations étendues et des investissements occidentaux…. Le Nouveau Forum de la Serbie, financé par le Foreign Office britannique… a amené les professionnels et les universitaires serbes régulièrement en Hongrie pour des discussions avec les « experts » britanniques et d’Europe Centrale. …. Le Forum a préconisé une « réintégration de la Yougoslavie dans la famille européenne », un euphémisme pour désigner le démantèlement de l’économie d’orientation socialiste et la mise en œuvre d’une campagne de privatisation au profit des entreprises occidentales. » [4]

En réalité, le mot « civilisation » est en fait un mot de code pour capitalisme, de style occidental, qui justifie l’extermination de masse et la terreur contre tout pays qui résiste à ses demandes.

Notes 1. George Monbiot, « Consigning Their Future to Death » (Confiant leur futur à la mort), The Guardian (Londres), 22 avril 1999. Tom Walker, « Poison Cloud Engulfs Belgrade » (Le nuage toxique engloutit Belgrade), The Times (Londres), 19 avril 1999. Mark Fineman, « Yugoslav City Battling Toxic Enemies » (La ville yougoslave se bat contre des ennemis toxiques), Los Angeles Times, 6 juillet 1999. 2. Scott Peterson, « Depleted Uranium Bullets Leave Trail in Serbia » (L’uranium appauvri laisse des traces en Serbie), Nando Medias, 5 octobre 1999. « Use of Depleted Uranium (DU) Weapons by NATO Forces in Yugoslavia » (Usage d’armes à l’uranium appauvri par les forces de l’OTAN en Yougoslavie), Coghill Research Laboratories (UK), avril 1999. 3. Interview de Dushan Vasiljevich par délégation, Belgrade, 7 août 1999. 4. « Britain Trains New Elite for Post-Milosevic Era » (La Grande-Bretagne forme la nouvelle élite pour l’ère post-Milosevic), The Independent (Londres), 3 mai 2000.

Toutes les citations et références sont extraites de Stranges Liberators — Militarism, Mayhem and the Pursuit of Profit (Étranges libérateurs — Militarisme, pagaille et recherche du profit) par Gregory Elich. Llumina Press, 2006.

 Traduit par Pétrus Lombard, membre associé, et révisé par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft pour tout usage non-commercial : elle est libre d’être reproduite, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs. tlaxcala

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