L’Europe dans la bataille industrielle de l’armement
RFI: Peut-on parler d’une Europe de l’armement ?
Jean-Paul Hébert: L’année 2000 marque incontestablement une européanisation industrielle dans le domaine de l’armement. Cette consolidation s’est concrétisée par la naissance officielle d’EADS, troisième groupe mondial d’aéronautique et de défense, par la transformation de Thomson-CSF qui, après avoir absorbé le britannique Racal est devenu Thales, par la constitution de BAe Systems et par la simplification des structures d’Eurocopter qui a bénéficié du lancement du programme d’hélicoptère NH90.
Pour autant, la construction politique de l’Europe de la défense est beaucoup plus lente. J’en veux pour preuve les négociations autour de l’élargissement d’Astrium, créée à part égale par Matra Marconi Space (MMS) et Dasa, qui ont été beaucoup plus longues que prévues.
Les grandes firmes d’armement sont souvent partagées entre jouer une carte européenne et jouer une carte transatlantique. Et il n’y a que les Etats-Unis pour croire à l’existence d’une forteresse Europe en matière! d’armement!
RFI: Cette Europe politique de l’armement apparaît d’autant plus nécessaire que le secteur de l’armement connaît certaines difficultés d’adaptation ?
Jean-Paul Hébert: Un seul exemple. En France, en 1982, l’industrie de l’armement générait 310 000 emplois directs. Aujourd’hui, c’est la moitié. L’usine de Surgères, qui a reçu en 1974 la responsabilité des études et de la fabrication du moteur destiné à équiper le char Leclerc, a perdu 80% de ses effectifs depuis 1975. Les pays européens se sont longtemps appuyés sur les exportations d’armes pour faire tourner leurs industries. Aujourd’hui, ces exportations sont en baisse constante et il ne faut pas croire que le salut du secteur passera par une nouvelle hausse. Nous devons réfléchir à la taille et aux performances de nos systèmes d’armement. Nous avons pris beaucoup de retard. Mais, et c’est un fait, il existe une grande divergence entre les pays européens sur cette vision stratégique commune et légitime.
RFI: Existe-t-il une véritable course à l’armement entre l’Europe et les Etats-Unis ?
Jean-Paul Hébert: Attention! Cette course aux armements n’a rien à voir avec l’ancien affrontement entre les deux blocs qui se faisait par le nucléaire et l’accumulation des arsenaux. Aujourd’hui, l’affrontement est industriel et il passe par la recherche-développement de haut niveau dans le domaine militaire ainsi que par la conquête de marchés de l’armement dans les pays alliés ou dans les pays émergents. Lire également: La consolidation de l’Europe de l’armement face au défi transatlantique, Cahiers d’étude stratégiques n°30, Cirpes.
Nicola Sur