L’expédition arctique russe irrite les Occidentaux (Gazeta.ru)
MOSCOU, 10 août – RIA Novosti. Aucun Russe, même le patriote le plus zélé, ne se risquerait à prétendre que son pays ait tous les droits sur le pôle Nord et son sous-sol. Pourquoi cette panique générale? La Russie n’a pas encore formulé de revendications sur le pôle Nord, et si elle en formule, elle n’enverra pas de commandos sur place, mais déposera simplement un dossier de justification scientifique à l’ONU. On ne peut expliquer cette panique que par l’irritation, de moins en moins dissimulée, qu’inspire la Russie.
Du point de vue occidental, l’essor de la Russie et celui de la Chine n’ont pas la même nature. La marche graduelle des Chinois vers la puissance économique et géopolitique ne suscite guère de joie dans les pays industrialisés, elle sème plutôt l’angoisse, pour ne pas dire la peur. Personne ne s’enflamme pour le modèle politique et social qui reste en vigueur en Chine, mais personne ne peut non plus accuser Pékin de succès fortuits ou réalisés aux dépens d’autrui.
La Russie est vue d’un autre oeil. Son essor est dû à la conjoncture inouïe qui règne sur le marché des matières premières, ce qui n’est pas le mérite du Kremlin. Aux yeux de l’opinion occidentale, la Russie est à la fois un nouveau riche agressif des premiers siècles du capitalisme et un rentier fainéant qui tire profit de son héritage.
L’expédition arctique russe a résumé tout ce qui irrite tant les Occidentaux. D’abord, le Kremlin se voit accuser d’avoir fait d’une simple mission scientifique une campagne largement médiatisée aux relents nationalistes, tout en renforçant le prestige de son régime à l’intérieur du pays.
En outre, la Russie a montré qu’elle disposait de ressources matérielles non négligeables. Parmi les pays riverains de l’Arctique, aucun n’est pauvre, certes, mais tout le monde ne peut pas se permettre une expédition aussi coûteuse. Enfin, Moscou a rappelé que, malgré les années du déclin, il avait un réel potentiel technique, ce qui n’est pas non plus donné à tout le monde. Somme toute, on est de plus en plus amené à compter avec la Russie, et on veut de moins en moins le faire.
La démarche russe a encore une fois rappelé que le XXIe siècle promettait une rude concurrence autour des ressources naturelles. Personne ne fera plus de concessions, et même les Etats partenaires seront de farouches rivaux.
Les spécialistes rappellent que le monde a déjà connu une telle effervescence, il y a un demi-siècle, autour du pôle Sud. Sept pays formulaient leurs revendications sur l’Antarctique, et les expéditions scientifiques s’accompagnaient de gestes politiques comparables à l’expédition actuelle de Moscou. Mais les parties sont par la suite parvenues à s’entendre sur le régime juridique du continent glacial et à le laisser en dehors de la concurrence géopolitique pour longtemps. Un processus semblable n’est pas à exclure dans le cas de l’Arctique.
Cet article est tiré de la presse et n’a rien à voir avec la rédaction de RIA Novosti.