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L’implication d’Israël dans la sale guerre en Colombie
Par Global Research
Mondialisation.ca, 10 septembre 2007
Libertes internets 10 septembre 2007
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Yair KleinDans un article publié le 10 août 2007 par le journal SEMANA, Juan Manuel Santos, Ministre colombien de la Défense a reconnu que Bogota a discrètement recruté des anciens officiers de l’armée israélienne pour former les forces de police locales à l’action contre-insurrectionnelle afin de lutter contre la guerilla des FARC (Fuerza Armadas Revolucionarias de Colombia). La guérilla gauchiste affirme détenir des preuves que des mercenaires israéliens participent aux opérations militaires contre elle, aux côtés de l’armée colombienne. Le cas Yaïr Klein, arrêté la semaine dernière en Russie, est à ce titre exemplaire de l’implication israélienne dans les exactions et atteintes aux droits de l’homme en Amérique Centrale – avec la complicité tacite des gouvernements de la zone – comme l’explique le journal Semana de Bogota.

L’équipe de conseillers – formée de trois anciens généraux, un sous-officier, un officier israélo-argentin et trois interprètes – ont été recrutés dans le cadre d’un contrat de 10 millions de dollars US, par le Ministère colombien de la Défense. Le ministre Santos avait pris contact l’an dernier avec l’ancien ministre de la Défense israélien Shlomo Ben Ami pour négocier ce contrat.

Les conseillers israéliens – spécialisés dans la formation à la collecte de renseignements – sont intégrés au dispositif “Lancero”, basé à Tolemaïda, au Nord de Bogota. “Lancero” est un programme de formation à lutte anti-insurrectionnelle mis en place par le gouvernement colombien, en étroite collaboration avec l’Armée US et notamment les formateurs de “L’Ecole des Amériques”, un centre controversé de formation anti-guérilla à Fort Benning, en Géorgie (USA), impliqué dans de nombreux cas d’atteintes aux droits de l’homme en Amérique du Sud.

Les mercenaires israéliens sont spécialisés dans l’interrogatoire de prisonniers et le débriefing d’anciens guérilleros; auparavant ces interrogatoires étaient menés par des officiers sans formation particulière, tandis que les Israéliens ont apporté leur expertise en “techniques d’interrogation spéciale” (pour ne pas dire torture) afin de “optimiser le flot d’intelligence obtenue grâce aux interrogatoires”.

Le contrat est critiqué par de nombreux experts, y compris au sein de l’armée colombienne. La Colombie collabore déjà étroitement avec les USA et la Grande-Bretagne en matière de sécurité et de collecte de renseignement. Pour Laude Fernandez, expert colombien en sécurité nationale : “Il aurait mieux valu se tourner vers les Britanniques pour ce genre de formation, ils ont un des meilleurs systèmes de renseignement au monde mais surtout, ils présentent de bien meilleures garanties en matière de respect des droits de l’homme que les Israéliens“. (Interview dans Semana 04/08/2007).

Mais pour le vice-ministre de la Défense, Sergio Jaramillo, l’assistance israélienne est précieuse: “Ils sont comme des psychanalystes pour nous : ils nous posent des questions auxquelles nous n’aurions pas pensé, ils nous aident à voir les problèmes que nous ne percevions pas jusqu’ici.” (Ynet News – 10/08/2007).

LES ZONES D’OMBRE DE L’ASSISTANCE MILITAIRE ISRAÉLIENNE EN COLOMBIE

Depuis 2005, Israel est le premier fournisseur d’armement de la Colombie, principalement d’équipement visant à lutter contre les FARC et une autre guerilla de gauche, l’ELN (Ejercito de Liberacion Nacional). Israeli fournit des armes légères, des drones, des systèmes de surveillance et de communications ainsi que des bombes spéciales qui permettent de détruire des plantations de coca.

Ironie de l’histoire, l’armée colombienne se heurte parfois à des groupes paramilitaires d’extrême droite ainsi qu’à des miliciens des cartels de drogue qui ont été formés, à la fin des années 1980, par des unités mercenaires israéliennes. L’un des chefs de ces unités mercenaires, Yair Klein, a été arrêté la semaine dernière en Russie par Interpol qui le recherchait depuis avril. (Columbia Herald – Avril 2007)

L’arrestation de Yair Klein met en lumière l’implication douteuse d’Israël dans la sanglante guerre civile qui déchire la Colombie. En 1987, avec un soutien financier de la part du gouvernement de l’époque, dirigé par le président Virgilio Barco Vargas, les milices paramilitaires d’extrême droite en Colombie avaient recruté l’ancien Colonel de réserve Yair Klein ainsi que les mercenaires de sa société de sécurité “Hod He’hanitin” (Spearhead Ltd.) pour les aider dans la lutte contre la guérilla marxiste.

Suite aux nombreuses violations des droits de l’homme commises par ses hommes, la Colombie avait émis un mandat d’arrêt international contre Klein. Le 27 août dernier, Klein a été interpellé en Russie, alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour Tel-Aviv avec un faux passeport. Sa société, Spearhead Ltd. est très active en Russie. Il devrait être extradé vers la Colombie où il doit notamment être jugé pour avoir, en 1990, formé et équipé une groupe terroriste aux ordres des cartels de la drogue et avoir assisté des milices paramilitaires locales qui se sont rendues coupables d’atrocités contre des civils.

Pour le Vice-President colombien, Francisco Santos “il est évident que nous voulons qu’on nous remettre Klein afin qu’il puisse pourrir en prison en châtiment de tout le mal qu’il a fait à notre pays” rapporte la presse colombienne.

En 1987, le ministre colombien de la justice, Jose Manuel Arias Carrizosa avait pris la présidence de l’Association des Producteurs de Banane (AUGURA), membre de Uniban, la principale société d’exportation bananière de Colombie, directement liée aux grands groupes fruitiers aux Etats-Unis. Les producteurs de banane cherchaient un moyen de lutter contre la guérilla marxiste qui les rançonnait et attaquait les grandes plantations.

Carrizosa prit contact avec le Lieutenant Colonel Yitzhak “Mariot” Shoshani, qui lui conseilla de recruter Klein, ancien parachutiste et commando ayant quitté l’armée en 1985 pour fonder une société de mercenaires. Shoshani était une vieille connaissance de l’armée colombienne, ayant dirigé la société ISREX qui fournit la Colombie en technologie militaire depuis des années.

Au cours des deux années suivantes, Klein et ses hommes formèrent des milices paramilitaires d’extrême-droite pour le bénéfice des grands propriétaires terriens. Ces milices, qui allaient former plus tard la base de la guerilla d’extrême-droite AUC (Autodefensas Unidas de Colombia) se rendirent, dès leur création, coupables de nombreuses exactions et violations des droits de l’homme.

Les AUC ont rapidement évolué, passant du statut de milice de protection des riches propriétaires à celui de bande armée impliquée dans le trafic de drogue. Certains membres du gouvernement, de l’armée et de la police apportent leur soutien et peu à peu Klein se retrouve à travailler également pour les trafiquants de drogue qui se livrent alors à une guerre de positions pour le contrôle de certaines zones de production.

LES ETATS UNIS SONT “TROUBLÉS”, MAIS NE DISENT RIEN…

Klein était loin d’être un cas isolé. Israël était et reste un partenaire important pour la Colombie. En avril 1988, Israël avait acheté deux millions de tonnes de charbon colombien, en échange de l’achat par la Colombie de 14 avions de combat israëliens Kfir pour un montant de 60 millions de dollars US.

Aux Etats-unis, on voyait d’un mauvais oeil la dérive des milices d’auto-défense “anti-marxistes” des propriétaires terriens vers les paramilitaires de l’AUC et la participation croissante de celle-ci au trafic de drogue finit par excéder Washington, d’autant que l’AUC ne se privait pas de faire le coup de feu contre les agents du DEA états-unien sur place. Mais, alors que de nombreux leaders de l’AUC étaient recherchés par les Etats-unis pour délit de trafic de drogue ou pour graves violations des droits de l’homme, les cadres hauts-placés des milices d’extrême droite bénéficiaient, tout comme leurs homologues Salvadoriens et Nicaraguayens, d’une quasi impunité en Floride ou au Texas, où ils avaient leurs résidences secondaires.

A l’image de l’AUC, les contacts réguliers de Klein avec les cartels de la drogue le firent évoluer de conseiller stratégique au service d’un gouverment à chef d’un gang criminel. En 1988 le Ministère colombien de la Justice affirme qu’il est l’un des quatre israéliens embauchés par le caïd de la drogue Gonzalo “El Mexicano” Rodriguez Gacha. qui fut abattu lors d’un échange de coups de feu avec l’armée colombienne en 1999.

“El Mexicano” était réputé pour être l’un des plus violents barons de la drogue à Medellin, pourtant championne de la violence. Une de ses techniques préférées s’appelait “la méthode Moshe Dayan” et il affirmait l’avoir apprise d’un commando israélien : il s’agit d’insérer sous la paupière du prisonnier un petit éclat de silex tranchant. La douleur est insupportable et le prisonnier devient fou avant d’avoir l’oeil lacéré.

Selon un rapport de l’armée colombienne, Rodriguez avait recruté, en décembre 1987 des mercenaires israéliens mais aussi des anciens des forces spéciales britanniques (Special Air Services) pour encadrer ses troupes. Klein a reconnu devant un tribunal israélien avoir formé les troupes de Rodriguez à Puerto Bocaya en 1988. Quand l’armée fouilla la maison de Rodriguez, elle tomba sur un stock de 200 fusils mitrailleurs israéliens qui faisaient partie d’une livraison d’armes officielle du gouvernement israélien. De nombreux documents trouvés lors du raid attestent également de l’action de Klein en tant que formateur des “sicarios”.

Suite à la mort de Rodriguez, Klein passa au service d’un autre célèbre baron de la drogue, Pablo Emilio Escobar Gaviria, chef du cartel de Medellin, tué par la police en 1993. En 1990 Klein fut arrêté et traduit devant un tribunal israélien pour exportation illégale d’armes et fourniture de technologie militaire aux groupes terroristes colombiens. Il fut condamné à un an de prison et 13 400 dollars US d’amende. Ce n’est que huit ans plus tard que le nouveau gouvernement colombien lança un mandat d’arrêt contre lui, pour avoir formé les groupes paramilitaires illégaux.

L’implication criminelle israélienne en Colombie ne cessa pas avec le départ de Klein, puisqu’en Mai 2000 la police colombienne arrêta deux Israéliens qui tentaient de vendre clandestinement plus de 50 000 armes diverses à la guérilla.

Sorti de prison, Klein avait profité de ses bons contacts avec les anciens officiers rhodésiens et d’Afrique du Sud pour aller “travailler” en Sierra Leone. En 1999 il y fut interpellé par l’armée alors qu’il fournissait des armes aux rebelles de Johnny Koroma ainsi qu’au Libériens de Charles Taylor, deux chefs de guerre connus pour leur violence sadique et les exactions commises contre la population.

Libéré au bout de 16 mois de prison, Klein se réfugia en Israël qui refusa d’exécuter le mandat d’arrêt colombien. Klein se paya même le culot de se faire interviewer à la télévision en disant qu’il avait travaillé pour le gouvernement colombien à l’époque, qu’il n’avait rien fait de mal et qu’il était prêt à retourner en Colombie pour aider à former les forces de sécurité du pays dans leur lutte contre les FARC.

A noter que, lors de sa “cavale”, Klein s’est rendu plusieurs fois à Londres et aux Etats-unis, sans que jamais la police britannique ou états-unienne ne l’inquiète, alors qu’il était recherché par Interpol.

Ce n’est que cette semaine que, suite à un telex de la Colombie, les autorités russes ont appréhendé Yaïr Klein ainsi que deux autres israéliens, Melnik Ferri et Tzedaka Abraham, pour participation à une entreprise terroriste.

Liberté internets, 4 septembre 2007.

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