L’interview de Poutine au Suddeutsche Zeitung
Le Président russe a accordé au journal allemand, le 10 octobre dernier, une longue interview que nous n’avons malheureusement pas la place de reproduire en entier. Nous avons cherché à n’en omettre que les passages concernant plus directement des problèmes spécifiquement allemands. Le reste est suffisamment explicite et intéressant pour être une contribution majeure à une meilleure connaissance de la politique du Kremlin.(B.I.infos)
(….) Q. : Nous avons, bien sûr, préparé un certain nombre de questions concernant l’énergie. Mais permettez-nous d’en aborder une autre, très sérieuse. Le fait que la célèbre journaliste Anna Politovskaia a été assassinée fait les titres de tous les journaux. Pouvez-vous nous dire comment vous avez réagi à la mort de cette journaliste qui vous a très durement critiqué ?
R. : D’abord je dois vous dire qu’un meurtre est un crime grave, à la fois aux yeux de la société et aux yeux de Dieu. Les criminels doivent être trouvés et punis en conséquence. Malheureusement ce n’est pas le seul crime de ce genre commis en Russie. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour amener les criminels devant la justice. Maintenant en ce qui concerne l’aspect politique de l’affaire. L’enquête se poursuit sur toutes les motivations. Evidemment l’une d’entre elles, la plus probable, est en rapport avec son travail de journaliste. Elle était vraiment une critique des autorités actuelles – un trait commun à tous les représentants des médias – mais elle a souvent pris des positions radicales. Et récemment, elle a surtout porté son attention sur la dénonciation des autorités de la République Tchétchène.
Je dois dire – et je pense que les experts seront d’accord avec moi – que son influence politique à l’extérieur de la Russie était négligeable, et qu’elle était surtout connue des organisations humanitaires et des médias occidentaux. En rapport avec ceci, je pense qu’un de nos journaux a eu raison de dire que l’assassinat d’Anna Politovskaia a fait beaucoup plus de mal à nos autorités actuelles en général, et aux autorités tchétchènes en particulier, que ses reportages.
De toute façon, je répète que ce qui est arrivé est absolument inadmissible. Ce crime horrible est dommageable pour la Russie et doit être résolu. Il a entraîné des dégâts à la fois moraux et politiques, et est dommageable pour le système politique que nous construisons, un système qui doit accorder une place à chacun, indépendamment de son point de vue. Nous devons assurer que les gens aient la possibilité d’exprimer leurs opinions, y compris dans les médias. Vous savez qu’il y a quelques années un journaliste d’origine russe, Paul Khlebnikov, a été tué en Russie. Il traitait aussi de problèmes de la République Tchétchène et avait écrit un livre intitulé “Conversations avec un barbare”. Selon l’enquête, les personnages de ce livre n’ont pas aimé la façon dont il en avait fait le portrait et ils l’ont supprimé.
Q. : Permettez-moi de vous poser deux autres questions. Aujourd’hui même, j’ai lu dans les journaux que certaines questions étaient posées, y compris par vos critiques. L’une d’entre elles était la suivante : est-il possible que la personne que vous soutenez en Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, ait été derrière ce meurtre ? Croyez-vous que c’est possible ?
R. : Non, c’est impossible. Et je vais vous dire pourquoi. Parce que les reportages d’Anna Politovskaia n’ont pas porté atteinte à son activité politique et n’ont pas gêné le développement de sa carrière politique. Je ne vais pas dire maintenant si je trouve cela bien ou mal, et je ne vais pas porter un jugement sur les opinions d’Anna Politovskaia. Je répète qu’à mon avis elle était trop radicale. Mais d’abord, elle avait le droit d’avoir son opinion, ensuite, du fait même de son radicalisme, elle n’avait pas une grande influence dans le pays, en particulier en Tchétchénie.
Ramzan Kadyrov appartient à ces gens qui, à l’époque, ont combattu les forces fédérales en Tchétchénie, il ne faut pas l’oublier. Aujourd’hui en Tchétchénie, nous impliquons tout le monde dans les articulations du pouvoir et dans les organismes d’application de la légalité, indépendamment de leurs activités passées et de leurs opinions politiques. Pour illustrer ce point, je peux prendre l’exemple d’un membre du parlement tchétchène récemment élu qui était l’ex-ministre de la Défense du gouvernement de Maskhadov. La composition des forces politiques variées, du parlement et des structures administraives, demeure fragile mais, à mon avis, personne n’y aurait de raison d’organiser cet assassinat.
Le désaccord sur les activités d’Anna Politovskaia, et même un certain mécontentement, sont possibles. Mais je ne peux m’imaginer qu’un responsable soit allé jusqu’à organiser un crime aussi horrible.
Q. : Vladimir Vladimirovich, encore une question relative à la liberté des médias. Est-ce que cette liberté n’est liée qu’au meurtre d’Anna Politovskaia ? Par exemple, est-ce qu’elle n’est pas liée au fait qu’il n’y a pas beaucoup de critiques du Président à la télévision russe ? L’organisation Reporters sans frontières a classé la Russie au 140e rang, un des derniers du monde. Pensez-vous que la Russie a des problèmes à ce sujet ?
R. : Je pense que le système politique en Russie est à une étape intermédiaire de développement. Nos médias se développent dans leur ensemble. Il y a plusieurs milliers de sociétés émettrices qui sont enregistrées et actives en Russie. Je veux souligner ce chiffre. Même si les autorités à des niveaux différents voulaient contrôler un aussi vaste système, ce serait impossible. En ce qui concerne la presse écrite et les périodiques, il y en a plus de 58.000. Les sociétés de radio sont au nombre de 5.500 et des étrangers participent à plus de la moitié d’entre elles.
Je voudrais ajouter quelque chose de précis à ce sujet. Quand nous essayons de pénétrer dans le marché de l’information d’autres pays, comme en Europe occidentale ou en Amérique du Nord, on nous empêche systématiquement de le faire. Divers prétextes bureaucratiques entraînent des délais qui durent des années. Nous en avons des exemples concrets. On trouve des milliers de raisons d’interdire à nos médias de travailler sur vos marchés. Beaucoup des vôtres travaillent en Russie, même sans licenses.
Q. : Permettez-moi de vous poser encore une question avant d’aborder d’autres sujets. Quand vous vous rendrez en Allemagne, les journalistes vous poseront certainement des questions dont vous avez l’habitude, sur la liberté de la presse, les droits de l’homme et la démocratie. Déjà maintenant, les journaux allemands demandent sans cesse à Mme Merkel de vous les poser. Pouvez-vous nous dire si vous n’êtes pas lassé d’y répondre ?
R. : Non, j’y suis habitué. De plus, je considère que nous n’expliquons pas assez quelle est la véritable situation dans ce domaine en Russie.
Par exemple, beaucoup de gens ont dit que la Russie concentrait le pouvoir politique à Moscou, et l’ont même accusé de le faire. Or en Allemagne on a adopté une nouvelle loi de redistribution du pouvoir entre les länder et le pouvoir fédéral. Et des changements significatifs ont été décidés en ce qui concerne la chambre haute du parlement, le Bundesrat. Beaucoup de droits ont été retirés aux länder et attribués à Berlin. Et qu’est-ce qu’on a donné aux länder en retour ? Le droit de décider des heures d’ouverture et de fermeture des magasins ! En Russie, ce sont les autorités municipales qui ont ce droit. Mais nous ne disons pas que nous avons constaté une sorte de processus antidémocratique en Allemagne, ou que le pouvoir a été abusivement concentré à Berlin. (…)
Je veux ajouter qu’il est très difficile de comprendre et de ressentir ce qui est exactement nécessaire ou superflu dans un pays donné. En même temps, je veux affirmer clairement que nous n’avons aucune envie de revenir au système soviétique avec la centralisation complète et le totalitarisme. Nous recherchons simplement un mécanisme interne qui assure la liberté de nos citoyens, qui garantisse leurs droits de gouverner et de résoudre certains problèmes, et qui, en même temps, permette au gouvernement de mieux fonctionner et de mieux servir nos citoyens.
Regardons une carte de la Russie. C’est un territoire immense, le plus grand du monde, et le foyer de centaines de groupes ethniques. De nombreuses républiques et régions de la Fédération Russe ont des droits particuliers. C’est une structure d’Etat très complexe. Il n’y a pas de solutions parfaites, si bonnes qu’elles puissent paraître, qui soient applicables automatiquement dans ce pays. Mais nous ferons tout ce qu’il faut pour nous conformer aux principes du monde civilisé moderne, à ceux de la démocratie, et pour nous assurer que nous protégeons les droits et libertés de nos citoyens. (…)
Q. : Une autre question concernant le commerce et les rapports économiques. Il y a des contradictions. vous parlez d’une zone de libre échange entre la Russie et l’Union européenne, et on sait que Mme Merkel parle davantage d’une zone de libre échange entre l’UE et les USA. A votre avis, que peut offrir la Russie ? Quel est son attrait pour l’UE ?
R. : Comme je l’ai dit depuis de début, l’idée d’établir une zone de libre échange entre la Russie et l’UE était une idée de l’UE, pas de la Russie. C’est le commissaire au commerce M. Mandelson qui l’a eue. Votre question illustre un problème courant de l’UE. Elle doit arriver à un accord interne sur ce qui est le plus important et doit avoir la priorité. En fait, à mon sens, l’un n’exclut pas l’autre.
Je ne suis pas un expert des relations entre l’UE et les USA. Si une zone de libre échange peut aider à résoudre les conflits commerciaux dans le domaine de l’agriculture, de l’acier ou ailleurs, mon Dieu, cela ne fera qu’aider à la stabilisation de l’économie mondiale. Nous ne pouvons qu’en être satisfaits. Mais cela ne nous concerne pas directement. Et nous n’avons pas l’intention d’entrer dans une confrontation. Donc, comme il a été suggéré d’établir cette zone, nous avons réagi positivement. Nous sommes prêts pour un travail d’équipe.
J’y vois des possibilités de rendre notre économie plus compétitive à l’échelle mondiale. Commençons par l’énergie. Nous avons des ressources immenses. Toute l’Europe en a besoin. Nous devons supprimer toutes les craintes et les angoisses et établir stabilité, fiabilité et confiance. Peut-on le faire dans une zone de libre échange ? C’est possible.
La haute technologie. J’y incluerai l’industrie aéronautique. Si nous unissons les forces de l’EADS et de notre industrie qui se développe, nous deviendrons un acteur important sur le marché mondial. Au cours de nos efforts, nous pouvons être des partenaires à égalité. Peut-on réaliser un partenariat aussi harmonieux entre les producteurs de technologie aéronautique d’Europe et des Etats-Unis ? Je ne sais pas. Actuellement, cela me semble peu probable. Et il y a d’autres domaines dans lesquels la coopération est de plus en plus possible et où s’ouvrent d’excellentes perspectives. Nous venons de créer le plus grand groupe d’aluminium dans le monde. Mais nous ne nous précipitons pas. Nous devons examiner tout cela et laisser nos experts l’apprécier.
Q. : Mais la porte de l’Europe n’est pas toujours ouverte. En ce qui concerne l’EADS, nous avons entendu, à la fois en France et en Allemagne, “nous n’y voulons pas d’influence russe”. Avez-vous le sentiment que la Russie n’est pas la bienvenue ?
R. : Je n’ai pas cette impression. Ce que j’ai remarqué, c’est qu’il n’y a pas assez d’information sur notre position. C’est de notre faute. J’ai parlé de ceci lors de notre rencontre à Paris, et je peux répéter ce que j’y ai dit.
Comme on le sait, EADS a vu chuter la valeur de ses actions. Nos établissements financiers ont saisi l’occasion pour en acquérir 5 %. Mais nous ne voulons pas utiliser nos capacités financières pour intervenir dans le travail d’une industrie quelconque en Europe.
De plus, nous ne sommes prêts à coopérer avec EADS sur la base d’un partenariat industriel que s’il y a un accord préalable de nos partenaires. Ce n’est que dans ce cas que les parts acquises par notre banque pourraient arriver en possession de l’ensemble aéronautique russe en développement. Si nous n’arrivons pas à un accord, la banque continuera simplement ses activités en bourse et ne sera pas impliquée dans le domaine de la production. Si la valeur des actions augmente, la banque vendra ses parts et fera un bénéfice. Autrement dit, elle fera ce que ferait n’importe quelle autre banque.
En fait, l’important de l’affaire est que EADS détient déjà une participation dans un de nos groupes aéronautiques, Irkut. Nous ne considérons pas EADS comme une société parfaite. Si nous participons à ce travail, nous devrons discuter avec nos partenaires de l’organisation de la société et de ses principes de fonctionnement. Elle devra être une organisation de marché, pas une structure où l’Etat décide de tout des années d’avance, compromettant ainsi son efficacité économique. Nous ne désirons pas entrer dans ce groupe à tout prix. Si nous n’arrivons pas à un accord, nous travaillerons seuls ou nous chercherons d’autres partenaires, et nous trouverons d’autres moyens de collaborer avec EADS. Autrement dit, il n’y a rien à craindre ici. Vous pouvez être absolument sûr que ce sera une coopération basée sur un partenariat ouvert et qu’il n’y aura aucun rachat hostile. Nous n’avons aucun intérêt à agir de cette façon avec nos partenaires européens. (…)
Q. : M. le Président, l’image de fournisseur d’énergie de la Russie a été ternie par la crise ukrainienne au début de l’année. Avez-vous pu rétablir la confiance lors du sommet du G 8 à Saint-Petersbourg ?
R. : Je pense qu’il s’est agi d’une attaque délibérée contre la Russie. Personne n’oblige l’Allemagne, par exemple, à vendre ses biens au-dessous du prix mondial. Pourquoi le monde s’attend-il à ce que la Russie vende les siens à prix réduits ? Nous n’avons jamais réduit les fournitures d’énergie à nos consommateurs en Europe, et nous n’avons pas l’intention de le faire.
La vie, notre coopération et le travail que nous faisons montrent que la Russie a toujours été et sera toujours un partenaire fiable, et nous n’avons pas besoin de gaspiller de l’argent en campagnes de propagande dans la presse pour le prouver. Nous fournissons actuellement à l’Allemagne environ 40 milliards de m3 de gaz. Si nous construisons le pipeline nordeuropéen, dont la mise en chantier a déjà commencé, nous pourrons fournir à l’Allemagne, en 2010, 27,5 milliards de m3 supplémentaires, et deux ou trois ans plus tard, nous augmenterons ce total de 27,5 milliards de m3. (…)
Q. : La Corée du Nord a annoncé aujourd’hui qu’elle avait procédé à un essai nucléaire. A votre avis, comment la communauté internationale doit-elle réagir ?
R. : Il ne suffit pas de dire que nous sommes désappointés. Nous condamnons ce test, en premier lieu parce qu’il porte un coup sérieux au processus de non-prolifération d’armes atomiques. Mais je vais vous dire non seulement comment il faut réagir, mais aussi comment nous devons organiser les relations internationales pour que cela ne se reproduise pas. Avant tout, nous devons nous efforcer d’arriver à ce que la légalité internationale régisse totalement les rapports entre nations, que tous les pays, grands ou petits, se sentent en sécurité, et qu’il y ait un système international de garanties absolues de cette sécurité. De cette façon, les petits pays n’auront pas le désir de se doter des armes les plus avancées pour assurer leur sécurité.
Ensuite, nous devons garantir que tous les pays auront un accès égal et non-discriminatoire à la plus récente technologie, y compris la technologie nucléaire, à des fins pacifiques, bien entendu.
Enfin, nous devons durcir le régime de non-prolifération, mais cela ne pourra se faire équitablement qu’après avoir réalisé les deux premiers points.
En ce qui concerne la situation en Corée du Nord, comme en Iran, je pense que nous devons agir par des moyens politiques et diplomatiques, et que notre réaction doit être proportionnée aux événements.
Q. : Comment peut-on arriver à unifier les grandes puissances en ce qui concerne l’Iran ? Croyez-vous qu’on puisse imposer des sanctions à l’Iran ?
R. : Nous discutons de toutes les options possibles. Je crois que nous avons des options différentes. Il ne faut pas pousser le problème dans une impasse parce que nous y serions paralysés sans porte de sortie. Je ne veux pas prédire ce que seront les décisions, mais je pense que si nous avons la volonté de trouver des solutions de compromis, nous les trouverons. Elles existent. L’expérience de ces dernières années montre qu’on ne peut résoudre ce genre de problèmes qu’en travaillant ensemble. La chose la plus importante est d’assurer l’unité. Mais on ne peut le faire que si tous les participants au processus recherchent un compromis sans essayer d’imposer leur opinion aux autres.
Il n’y a pas de négociations pour le moment en ce qui concerne la Corée du Nord. Elles ont été interrompues il y a un an. (…)
Q. : M. le Président, en réponse à l’arrestation de quatre officiers russes en Georgie, la Russie à interrompu toutes les communications avec ce pays? Avez-vous l’intention de détruire la Georgie économiquement parce qu’elle a un président très pro-américain ?
R. : Bien sûr que non. Cela a été le choix du peuple georgien, et nous respecterons toujours ses choix parce que nous avons d’étroits liens séculaires avec lui.
En son temps, la Georgie a demandé à faire partie de l’empire russe. C’était la volonté du peuple. Les Georgiens sont un peuple fier, amoureux de la liberté et talentueux. Comme les Russes, ils sont des chrétiens orthodoxes. Même dans une région aussi sensible aux affaires militaires, nos deux peuples ont écrit ensemble beaucoup de pages brillantes.
De nombreux Georgiens vivent en Russie et nous sommes très fiers qu’ils aient choisi notre pays pour leur seconde patrie. Ils ont fait une grande contribution au développement de notre pays et de sa culture.
Mais le problème de cette région est beaucoup plus complexe. Est-ce que vous et vos lecteurs savez, par exemple, que les Ossètes pensent qu’un nettoyage ethnique a été réalisé deux fois récemment sur leur territoire, d’abord dans les années 1920, puis à la fin des années 1980 ? Ils affirment que cela a été un génocide perpétré par les Georgiens. C’est cela la racine du problème. La même chose vaut pour l’Abkhasie, que nos collègues georgiens le veuillent ou non. Ils sont vus dans la région comme une sorte de mini-empire. Cela nous concerne directement parce que dans le cas des Ossètes, par exemple, pendant la période soviétique, l’Ossétie était divisée en deux, avec une partie du peuple d’un côté de la chaîne de montagnes, dans le Nord-Caucase – aujourd’hui c’est une région qui fait partie de la Fédération russe, la République d’Ossétie du Nord-Alania – et l’autre partie transférée en Georgie, où elle est aujourd’hui connue sous le nom d’Ossétie du Sud. Les Ossètes sont aujourd’hui un peuple divisé, comme l’étaient les Allemands quand leur pays était partagé entre la République fédérale d’Allemagne et l’ex-RDA. Cette partition était le résultat de la Seconde guerre mondiale, alors que la partition de l’Ossétie a été le résultat de l’écroulement de l’Union Soviétique. Le peuple ossète se trouve aujourd’hui dans la même situation que le peuple allemand après la Seconde guerre mondiale.
Nous sommes prêts à aider la Georgie à retrouver son intégrité territoriale, mais notre positon est que cela ne peut être fait que selon la volonté du peuple ossète lui-même. Personne n’a le droit de les forcer à le faire. Ce qui est nécessaire, c’est d’agir avec précaution à l’aide de moyens diplomatiques et humanitaires, en conservant surtout à l’esprit les problèmes historiques du passé. Nous en avons parlé souvent avec les gouvernants georgiens, et ils sont d’accord, en disant oui, bien sûr, c’est cela qu’il faut faire. Mais en réalité, ils font tout pour résoudre ce problème par la guerre : ils s‘arment au-delà de toutes limites, en violant les accords antérieurs et en se livrant constamment à des provocations dans la zone du conflit. Pour être franc, j’ai parlé de la même façon aux gouvernants georgiens, en leur disant que cela concernait directement la Russie parce qu’une partie de la population ossète vit en Russie.
En ce qui concerne l’Abkhasie, c’est la même situation. Il y a beaucoup de gens dans le nord- Caucase russe qui se considèrent comme ethniquement très proches du peuple abkhase. Là aussi, il faut agir à l’aide de moyens humanitaires, politiques et diplomatiques.
Mais le gouvernement georgien, pour une raison quelconque, s’imagine que si les relations entre la Russie et la Georgie empirent, cela les aidera à résoudre le problème de leur intégrité territoriale. En même temps, nous avons près de un million de Georgiens qui vivent en permanence en Russie, qui y travaillent et qui envoient de l’argent chez eux pour venir en aide à leurs familles, environ un milliard de $ par an. Il y a des liens étroits entre nos peuples et nos industries. Tout pays a droit à sa souveraineté et à son droit de choisir ses partenaires et conseillers, mais cela ne doit pas l’amener à avoir recours à une action agressive. Dans une telle situation, nous n’avons pas d’autre choix que de réagir.
Quant à la rhétorique anti-russe, nous l’avons tolérée, mais quand les georgiens ont eu recours à des actes provocateurs et ont arrêté nos officiers, nous n’avions pas d’autres choix quede commencer à réagir. Nous étions parvenus à un accord avec les Georgiens, à leur demande, selon lequel nous retirions nos troupes qui étaient encore stationnées chez eux, à la suite de l’écroulement de l’Union Soviétique, et nous le faisons conformément à l’accord et dans les délais prévus. Nos officiers ont été arrêtés juste avant les élections municipales en Georgie. Je ne sais pas si c’est ou non une coïncidence, mais je pense qu’il est inacceptable de vouloir résoudre des problèmes domestiques en stimulant l’hystérie antirusse et la tension militaire.
Q. : Une dernière question, M. le Président. Selon la législation russe, vous n’avez pas le droit d’être candidat à une réélection après 2008. Est-ce que ce n’est vraiment pas possible ?
R. : Je n’ai pas le droit de briguer la fonction trois fois de suite. (…)
Q. : Est-ce que cela sera suffisant pour vous d‘avoir seulement le respect du peuple, ou voudriez-vous que le public russe vous aime ?
R. : Je serais heureux de répondre à votre question si vous ne m’aviez pas dit que votre question précédente était la dernière ! (Rires).