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L’Islande : un aperçu de l’avenir
Par Chris Marsden
Mondialisation.ca, 04 décembre 2008
WSWS 4 décembre 2008
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L’Islande est confrontée à une catastrophe économique et sociale. Sa population de 300 000 personnes subit, plus qu’aucun autre pays avancé et de façon plus immédiate, l’impact de la crise financière mondiale.

C’est la raison pour laquelle ce qui est en train de se passer en Islande est un aperçu des évolutions qui vont inévitablement se produire dans des pays bien plus grands et sur la scène internationale.

Le système bancaire de l’Islande s’est effondré, plongeant l’économie toute entière dans un déclin qui va s’accélérant. En l’espace de sept jours au mois d’octobre, les trois principales banques du pays sont devenues insolvables et le gouvernement a été forcé d’intervenir pour les reprendre. Le gouvernement travailliste de Gordon Brown en Grande-Bretagne a eu recours aux lois anti-terroristes pour essayer de faire revenir de force les centaines de millions investis en Islande par des particuliers, des fonds de retraites d’entreprises, des municipalités, des associations caritatives et des forces de police. La plupart de ces investissements ne seront pas récupérés.

L’échelle colossale des pertes provient de ce que l’Islande a cherché à devenir un centre d’investissements spéculatifs internationaux, et ce en indexant les taux d’intérêt des banques à l’inflation qui dépassait les 15 pour cent. Les banques islandaises proposaient des taux d’intérêt souvent supérieurs de 50 pour cent aux taux disponibles ailleurs.

A leur apogée, les banques islandaises détenaient des avoirs étrangers équivalant à dix fois le produit intérieur brut (PIB) du pays, avec la majorité de ces investissements fondés sur des prêts internationaux. Cela représentait une énorme bulle spéculative reposant sur une pyramide de dettes non viables.

L’Islande est effectivement en faillite et incapable de rembourser ses dettes colossales. Les pertes subies par ses créditeurs étrangers sont estimées à plus de 40 milliards de dollars. Icesave, la banque en ligne de Landsbanki par exemple a attiré plus de 6,75 milliards de dollars d’investissements du Royaume Uni et 1,5 milliards des Pays-Bas. Ces deux pays exigent que ces sommes leur soient retournées, mais il s’agit d’une dette plus élevée que la totalité du PIB de l’Islande. Comme l’a fait remarquer Jon Danielsson, directeur d’études à la London School of Economics, « En comparaison, le montant total des réparations exigées de l’Allemagne à la fin de la Première guerre mondiale tournait autour de 85 pour cent de son PIB. »

L’Islande n’a évité le défaut de paiement que par l’obtention de 10 milliards de dollars d’aide financière. Un prêt de 2,1 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI) lui a été accordé. C’est la première fois qu’un pays développé reçoit une telle aide, depuis la Grande-Bretagne en 1976. Cela va s’accompagner d’exigences de « programmes d’ajustements structurels » du type subi par de nombreux pays pauvres d’Afrique et d’Asie de façon à ce que les dettes mondiales puissent être « administrées. » De plus, La Suède, la Norvège, le Danemark et la Finlande ont prêté 2,5 milliards de dollars, ainsi que des prêts supplémentaires accordés par d’autres pays européens qui craignent l’impact d’un effondrement économique total.

L’économie est en train de s’effondrer. En termes de monnaie circulant dans le pays le PIB s’est contracté de 15 pour cent, mais du fait de l’effondrement de la valeur de la couronne islandaise cela représente 65 pour cent en euros. La monnaie islandaise est quasiment impossible à échanger internationalement. La valeur de la couronne a diminué de moitié et l’inflation atteint 17,1 pour cent et augmente de 1,74 pour cent chaque mois. Le prix des produits essentiels a grimpé encore plus vite, dont les prix de l’alimentation de 30 pour cent.

Chaque jour des entreprises mettent la clé sous la porte et des milliers de travailleurs sont licenciés. On pense qu’environ un tiers de la population a perdu la totalité ou la plus grande part de ses économies. La situation est si mauvaise que dans les sondages un tiers des sondés disent songer à émigrer. De nombreux jeunes, qualifiés, sont déjà partis.

C’est dans ce contexte qu’ont lieu les protestations politiques qui se tiennent régulièrement dans la capitale Reykjavik et qui sont dirigées contre le gouvernement de coalition du Parti de l’Indépendance et de l’Alliance sociale démocrate ainsi que contre le FMI.

L’inquiétude est palpable au sein des médias et des cercles dirigeants quant à l’avenir de l’Islande. Max Keiser a écrit dans le Huffington Post, « Qui aurait pu prévoir une révolution en Islande? »

Il rapporte comment un peu plus tôt, « J’ai demandé au responsable de la recherche à la banque Kaupthing si lorsque la bulle de la dette mondiale exploserait, les gens pourraient ‘se soulever’ avec colère comme ils l’avaient fait en France dans les années 1780. La question l’avait fait rire. Aujourd’hui les Islandais appellent à la révolution, au sens littéral. »

Le journal économique Fall Street.com pose lui aussi la question, « Qui aurait jamais imaginé que l’Islande serait quasiment dans une situation d’anarchie économique et de révolution ? »

Néanmoins, les craintes s’étendent bien au-delà du destin économique et politique de l’Islande. Danielsson insiste pour dire que, « Il est nécessaire que les dirigeants européens prennent de toute urgence des mesures pour empêcher que des choses similaires ne se produisent dans de petits pays ayant un secteur bancaire important. »

La Hongrie a déjà négocié un emprunt de 16 milliards de dollars auprès du FMI et de 8 milliards auprès de l’Union européenne, ce qui requiert des coupes budgétaires massives dans les services, les emplois et les retraites, et requiert aussi le gel des salaires des travailleurs et la perte de leur bonus annuel s’élevant à 8 pour cent de leur salaire. L’Ukraine s’est vu accorder un prêt de 16,5 milliards de dollars par le FMI et la Biélorussie, la Serbie, la Roumanie, la Lettonie, l’Estonie et la Lituanie seraient activement à la recherche de prêts.

On prédit que l’Irlande va suivre le même parcours que l’Islande. All News Web Ireland déclare que « Il y a de fortes chances que l’Irlande soit le prochain pays d’Europe à subir une grosse dégringolade. ‘Le marché irlandais de l’immobilier est excessivement cher et le niveau des dettes ici crève le plafond : Les gens commencent à se rendre compte que les maisons ça ne se mange pas, et les investissements américains commencent à se tarir, la bulle va éclater’ argumente Sean McCarthy, conseiller financier dans le secteur bancaire irlandais. ‘Quand la bulle de l’immobilier va vraiment se dégonfler ici et que la panique va prendre le dessus, alors que dieu vienne en aide à l’Irlande.’ »

Le blog d’investissement Credit Writedowns fait remarquer que alors que « l’Irlande était le premier pays à proposer des garanties à tous ses déposants, » le « pays a un secteur financier colossal qu’il n’est pas possible au gouvernement irlandais de garantir. » De ce fait, « Il reste à voir s’il existe un courant souterrain de panique quant à la fragilité du système bancaire irlandais qui pourrait conduire le pays au même destin que celui de l’Islande. »

De plus, la peur de voir les faillites nationales conduire à des troubles politiques et sociaux ne se limite pas aux petits pays. Il y a de sérieuses discussions concernant la possibilité d’un destin similaire touchant la cinquième économie plus importante, le Royaume-Uni.

Patrick Hosking a posé la question suivante dans le numéro de Times du 22 octobre, « La Grande-Bretagne est-elle juste une version plus grande de l’Islande? La City de Londres commence assurément à ressembler un peu trop à Reykjavik, mais avec des bâtiments plus grands et un peu moins de morue… Dans les faits, les banques du pays sont en grande partie en faillite. Le plan de sauvetage de 500 milliards de livres du gouvernement a pour but principal non pas de faire que les banques continuent de prêter aux petites entreprises et aux particuliers qui veulent devenir propriétaires, mais d’éviter une calamité financière inimaginable. »

Hosking conclut par un avertissement sinistre: « Les banques fournissent les fondations et la plomberie de toute l’économie. Une perte de confiance en elles pourrait encore faire s’effondrer la totalité de l’édifice capitaliste… Au risque de sembler hyperbolique, nous ne devrions pas nous inquiéter de savoir si ce sera un Noël maigre pour les commerçants (ce sera le cas), mais si la Grande-Bretagne et l’Occident sont sur le point de plonger dans une période économique ténébreuse qui durera des années et s’accompagnera d’un chômage de masse et d’agitation sociale. »

C’est cette compréhension des implications de la crise économique mondiale actuelle qui doit à présent commencer à informer et animer la renaissance politique du mouvement ouvrier internationalement et sa réorientation sur un programme socialiste en vue d’abolir le système capitaliste.


© WSWS.

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