L’ONU et la gouvernance mondiale
Soumission ou actions préventives pour un monde juste et solidaire

La célébration du 60ième anniversaire de fondation de l’Organisation des Nations Unies en septembre 2005 et la passation des pouvoirs entre Kofi Annan et Ban Ki-Moon en 2006 sont l’occasion de dresser un bilan des réalisations de l’ONU et, notamment de celles de la dernière décennie. Dix années charnières sur deux siècles qui permettent d’observer les tendances lourdes qui pèsent sur la trajectoire du développement mondial et le rôle de l’organisation pour la décrire, la comprendre et agir sur elle.
Des menaces globales qui exigent, pour les enrayer, un effort de coopération mondial
Le monde, en ce début du XXIième siècle, est marqué par un certain nombre de menaces globales voire d’incertitudes qui laissent entrevoir des jours très difficiles pour l’humanité : La mondialisation du capitalisme et ses conséquences environnementales, économiques, sociales et politiques, le processus de dégradation de l’environnement et des biomes accéléré par le réchauffement climatique, un écart croissant entre le Nord et le Sud, un taux d’appauvrissement des masses populaires grandissant sous toutes les latitudes, la menace de pandémies, le maintien voire le renforcement des concepts de sécurité basés sur le recours à la violence armée et à la guerre et l’érosion des droits et la perte des libertés fondamentales par le biais de la guerre contre le terrorisme.
Ces faits sont corroborés à l’intérieur des conclusions du Rapport de synthèse sur l’Évaluation des Écosystèmes pour le Millénaire (MA) qui résulte de l’étude menée par 1300 experts venus de 95 pays rendue publique en 2005 « Aucun des progrès réalisés pour éradiquer la pauvreté et la faim dans le monde, améliorer la santé des populations ou protéger l’environnement n’est susceptible de durer si la plupart des services fournis par les écosystèmes et dont l’humanité dépend continuent à se dégrader » (http://www.millenniumassessment.org ). Elles vont aussi dans le sens du contenu du Rapport du Oxford Research Group publié en 2006. Les menaces globales, selon ce rapport intitulé : «War on Terror’ Failing, and Distracting Politicians from the Genuine Threats to Global Security» sont le changement climatique, la compétition pour les ressources, la marginalisation de la majorité du monde et la militarisation mondiale (http://www.commondreams.org/news2006/0613-07.htm ).
Comment se fait-il que l’humanité se retrouve dans une telle situation alors que l’ONU effectue une veille sur les maux qui l’assaillent depuis 60 ans? Pourquoi plus de la moitié de la population mondiale souffre et meure prématurément en étant privée des ressources vitales pour sa survie et, en particulier, de l’eau potable et des services essentiels comme l’éducation et la santé? Pourquoi un nombre grandissant de personnes sont affectées par le VIH-SIDA sans que l’on puisse trouver les moyens pour agir efficacement sur le processus de transmission et de propagation de ce virus mortel? Pour quelles raisons les biomes les plus productifs sont-ils mis en danger dans leur renouvellement? La réponse à toutes ces questions a été formulée dans des centaines de conférences internationales : Le processus de concentration de la richesse collective entre quelques mains fomenté par le capitalisme trans-nationalisé et incontrôlé ne peut que nous conduire tous à la ruine et à l’extinction»… Les règles injustes du commerce international engendrent une situation intenable pour la majorité en l’appauvrissant jusqu’à un état de misère chronique qui est devenue pratiquement impossible de soulager.
En théorie et dans les faits, répondre aux besoins essentiels de tous est la responsabilité des États membres de l’Organisation des Nations Unies, responsabilité enchâssée dans la Charte de l’Organisation et réaffirmée depuis Stockholm lors des Sommets mondiaux sur l’environnement et le développement.
La gouvernance mondiale assurée par l’ONU définit les principes à respecter et les normes à suivre à l’intérieur d’ententes de coopération. Elle formule des objectifs et des cibles à atteindre pour en arriver à l’instauration d’un monde plus juste pour tous. Selon les propos mêmes du Secrétaire général, K. Annan, lors de la cérémonie de remise du Prix Nobel de la Paix à l’ONU et au secrétaire général en 2001 «Une instance a été créée – l’Organisation des Nations Unies – au sein de laquelle les nations pouvaient oeuvrer ensemble pour affirmer la dignité et la valeur de chaque être humain et assurer la paix et le développement à tous les peuples de la terre. À l’ONU, les États pouvaient s’unir pour renforcer l’état de droit, mettre en lumière les besoins des pauvres et tenter d’y répondre, mettre un frein à la brutalité et à l’avidité de l’homme, protéger les ressources naturelles et la beauté de la nature, garantir des droits égaux aux hommes et aux femmes et assurer la sécurité des générations à venir» (http://www.un.org/french/Nobel/sg_oslo1210.htm ).
Les grands domaines d’intervention de l’ONU
Le portail de l’ONU sur Internet met en relief les grands domaines d’intervention de l’Organisation : Paix et sécurité, développement économique et social, droits de l’homme, affaires humanitaires et droit international (http://www.un.org ). Tous ces domaines sont foncièrement interdépendants et doivent être abordés avec une vision globale de l’état de la Planète et de l’avenir de l’humanité.
Un état chronique de soumission du système onusien
Sur le plan du développement économique et social l’ONU est fortement tributaire des orientations et des décisions prises par les pays du G8, le FMI et la Banque mondiale. Elle est en quelque sorte soumise à ces instances qui dictent l’ordre économique mondial qui doit d’abord se conformer aux exigences des intérêts des membres du G8. Si ces intérêts sont menacés ces membres, sous la férule de l’OTAN, s’arrogent le droit d’intervenir unilatéralement comme en témoignent de façon éloquente les invasions et occupations armées de l’Afghanistan et de l’Irak. Ces organismes exercent donc un pouvoir que seule une instance mondiale représentant toutes les nations ou tous les peuples pourrait détenir. Le droit international qui a été défini au cours des 60 dernières années dans les cadres de l’ONU est, dans ces circonstances, mis en veilleuse ou tout simplement ignoré. Il s’agit donc du maintien à l’échelle planétaire d’un ordre dicté par quelques entités politiques et économiques omnipuissantes au détriment de la majorité des nations membres de l’Organisation.
Dans ce contexte, quel rôle peut jouer l’ONU? Est-ce qu’elle peut vraiment accomplir la mission primordiale esquissée dans sa Charte qui est de «préserver les générations futures du fléau de la guerre?». Est-ce qu’elle est en mesure d’intégrer le concept de la sécurité coopérative et de la durabilité à l’intérieur des processus de décision qui sont déterminants pour l’avenir de l’humanité? En d’autres mots, est-elle vraiment capable d’initier l’œuvre du désarmement général et complet qui s’avère un préalable nécessaire à l’instauration d’un ordre basé sur la compréhension, la justice et la coopération entre toutes les nations? Est-ce qu’elle peut agir efficacement pour prévenir les conflits et construire une économie équitable et une société de paix et ce dans l’esprit de l’Article 55 de sa Charte? La réalité de la dernière décennie nous démontre qu’elle a eu bien du mal à faire entendre sa voix.
Des conflits armés nombreux et des dépenses militaires en hausse, le symbole de l’impuissance de l’ONU
Au cours de la dernière décennie, en effet, le monde a fait face à des menaces grandissantes avec la multiplication des conflits armés et la croissance des dépenses militaires. Selon Project Ploughshares les conflits armés ont sévi dans 50 pays entre 1995 et 2004 (Carte 1). Des millions de morts et des dizaines de millions de victimes, de déplacés et de réfugiés. Des conflits qui ont frappé tout particulièrement le continent africain ( Carte des conflits armés en 2005 ).
Selon le SIPRI, les dépenses militaires mondiales ont connu une croissance constante correspondant à une augmentation de 34% entre 1996 et 2005 atteignant la somme astronomique de 1 118 milliards de dollars courants en 2005. Selon le même organisme, «the USA, responsible for about 80 per cent of the increase in 2005, is the principal determinant of the current world trend, and its military expenditure now accounts for almost half of the world total» (sipri.org ) (figure 1). Selon le Coordination Office for the Decade to Overcome Violence du Conseil mondial des Églises la part des pays en développement dans le bilan des dépenses militaires mondiales a doublé entre 1989 et 1999 et les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité furent leurs principaux fournisseurs d’armements classiques entre 1996 et 2003 et ce en fonction d’ententes bilalatérales avec ces pays (overcomingviolence.org ).
Figure 1. Dépenses militaires mondiales, 1988-2005
Source : Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) :
http://www.sipri.org/contents/milap/milex/mex_world_graph.html
De nombreux conflits armés ont pris fin durant cette période (dans 35 pays entre 1988 et 2002 selon Project Ploughshares, 2003) et l’ONU a été appelée, dans plusieurs cas, à intervenir pour maintenir un état de paix relatif. Elle a conduit 45 missions et opère en 2005 dans 17 pays en conflit (un.org ). Ces opérations conduites depuis des décennies ont été saluées au plus haut niveau et ont permis aux forces de maintien de la paix ou casques bleus de recevoir le Prix Nobel de la Paix en 1988. Ces missions ont été conçues dans le cadre du rétablissement d’un certain ordre pouvant préparer le terrain pour le développement, une bonne intention qui est restée lettre morte dans la majorité des cas, un fait reconnu par le Secrétaire général lui-même : «Pendant la majeure partie du dernier demi-siècle, on a cherché de façon générale à assurer la sécurité collective plutôt en portant remède qu’en prévenant, encore n’a-t-on envisagé la prévention qu’en termes presque exclusivement militaires» (Annan, K., 2002). Les opérations de maintien de la paix ont été conduites selon cette approche et n’ont pas créé réellement «la stabilité et le bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales». Selon K. Annan, «on peut donc s’appuyer sur la Charte pour préconiser une approche globale et à long terme de la prévention des conflits fondée sur une conception élargie de la paix et de la sécurité» (Annan, K., 2002).
Le concept de la diplomatie et de l’intervention préventives encore à inventer et à mettre en œuvre
«Depuis la fin des années 80, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont cherché à renforcer le mandat conféré aux Nations Unies par la Charte en matière de prévention des conflits. La résolution 47/120 A intitulée : «Agenda pour la paix : diplomatie préventive et questions connexes réaffirme avec une particulière netteté le rôle important dévolu au Secrétaire général dans la diplomatie préventive et l’a invité à renforcer la capacité du Secrétariat de collecter des informations et de les analyser ainsi qu’à mettre en place un mécanisme d’alerte rapide» (Annan, K., 2002).
Le Conseil de sécurité a tenu des débats publics en 1999 et 2000 sur les questions de diplomatie préventive. Beaucoup d’États ont souligné qu’il fallait surtout s’attacher aux causes socio-économiques des conflits et ont préconisé un accroissement de l’aide au développement comme moyen de prévenir les antagonismes. Selon d’autres, la défense des droits de l’homme, la bonne gestion des affaires publiques, l’état de droit et la démocratisation étaient les domaines les plus importants où pouvait se manifester une action préventive.
«Les Déclarations adoptées lors de ces débats ont souligné que l’alerte rapide, ainsi que la diplomatie, le déploiement et le désarmement à titre préventif, et la consolidation de la paix après les conflits constituaient des éléments interdépendants et complémentaires d’une stratégie globale de prévention des conflits» (K. Annan, 2002).
«Dans les cadres du Sommet du Millénaire le Secrétaire général a lancé un appel pour que la communauté internationale ne se borne plus seulement à réagir mais fasse sienne la culture de la prévention. On a été largement d’accord sur le fait que la méthode la plus prometteuse consistait à élaborer des stratégies intégrées et à long terme, combinant un vaste éventail de mesures politiques, économiques, sociales et autres visant à réduire ou à supprimer les causes qui étaient à l’origine des conflits. Dans la Déclaration du Millénaire on a reconnu le rôle vital que le système des Nations Unies dans son ensemble pouvait jouer dans la prévention des conflits et l’on a pris l’engagement de rendre les Nations Unies plus efficaces dans ce domaine» (K. Annan, 2002).
Et que s’est-il passé depuis l’expression de ces vœux et de ses engagements de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité? Le déclenchement des guerres d’occupation en Afghanistan et en Irak sans que le système onusien et des manifestations populaires de grande ampleur ne puissent faire quoi que ce soit pour les empêcher. Le déclenchement ou la poursuite de 32 conflits armés régionaux qui sévissent maintenant dans 27 pays, la majorité déployés dans des pays que l’on retrouve dans l’échelle moyenne ou inférieure de l’IDH mettant en évidence à leur origine le facteur de la grande pauvreté qui les affecte (Project Ploughshares, 2006 Carte des conflits armés en 2005 ).
En somme, la diplomatie préventive s’avère encore une approche à concevoir et à mettre en œuvre. Dans le contexte géopolitique actuel les facteurs neutralisants sont encore trop nombreux et généralisés pour lui permettre de triompher. Il importe d’en mentionner quelques-uns : La volonté sans cesse affirmée de puissance et d’hégémonie des USA sur l’ensemble de l’espace terrestre, maritime et aérien à partir de plus de 750 bases militaires réparties dans 50 pays sur tous les continents; le maintien de la capacité des arsenaux des armées nationales voire leur modernisation continue avec l’aide soutenue de Washington avoisinant en 2005 la somme de 10 milliards de dollars ( National priorities.org ); les pressions du lobby industriel militariste très puissant qui se manifestent dans un très grand nombre de foires, d’expositions ou de salons internationaux de l’aérospatiale, des armements et d’autres équipements militaires ( Army recognition.com ) ; l’aide directe apportée par les gouvernements de nombreux États à la réalisation des projets de fabrication de nouveaux équipements militaires plus sophistiqués et le soutien à la R-D dans ce domaine; le commerce international florissant des armes légères; les processus de militarisation, de contrôle et de surveillance accrus des activités économiques et sociales et la grande vulnérabilité de nombreux régimes politiques cherchant à se maintenir au pouvoir par la force.
Le désarmement et le Traité d’Ottawa
Face à ces facteurs l’entreprise du désarmement semble, à nos yeux, un élément de pure rhétorique et le projet d’élimination des armes de destruction massive et des armes classiques ainsi que du contrôle de la fabrication et du commerce illicite des armes légères restera encore longtemps à l’Agenda des travaux de l’ONU.
Toutefois, une entente, la première convention véritable de désarmement, a été signée par 122 États à Ottawa en décembre 1997. C’est le Traité d’Ottawa dont la conception et les négociations ont été principalement l’initiative et l’œuvre de plusieurs organisations mondiales de la société civile qui a reçu, tout au long de ce processus, un soutien important de la part du gouvernement canadien. Cette Convention mondiale sur l’interdiction des mines antipersonnel vise l’élimination définitive de ces engins cruels et destructeurs des communautés rurales dans des dizaines de pays dans le monde. Ce Traité est entré en vigueur en 1998 et a été ratifié en date du 1er juillet 2006 par 151 pays (Land mine Monitor ). Une quarantaine de pays n’ont pas encore signé le traité dont trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (handicap-international.org ) (Carte 3). L’ONU, de concert avec le CICR et Handicap International, joue un rôle important en encourageant toutes les nations à adhérer à cette convention et aux autres traités interdisant les armes de guerre destructrices.
Carte 3. États signataires et non signataires du Traité d’Ottawa en 2005
Source : handicap-international.org : le traité d’Ottawa
Les réalisations de l’ONU pour la sauvegarde du Patrimoine naturel et culturel de l’humanité
La contribution de l’ONU aux travaux entourant la préservation du patrimoine naturel et culturel ayant une très grande valeur pour l’humanité et la conservation in situ des ressources vivantes compte parmi les grandes œuvres de l’Organisation.
Le Patrimoine mondial unique et exceptionnel de l’humanité
En 1972, sous l’égide de l’Organisation la Convention du patrimoine mondial de l’Unesco était adoptée par la Conférence générale de l’Unesco et entrait en vigueur en 1975. Depuis 830 sites dont 162 naturels, 644 culturels et 24 mixtes ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial et ce dans 138 États parties (http://whc.unesco.org/fr/list ) (Figure 3 et Photos 1, 2).
En 2006, 18 nouveaux sites ont été inscrits sur la Liste dont deux naturels (http://whc.unesco.org/fr/nouveauxbiens/ ).
«L’avantage prédominant de l’adhésion à la Convention du patrimoine mondial est l’appartenance à une communauté internationale qui apprécie et sauvegarde les biens d’importance universelle incarnant un monde d’exemples exceptionnels de la diversité de la culture et de la richesse de la nature» (http://whc.unesco.org/fr/164/ ).
Figure 2. Image satellitaire de l’archipel des Galapagos, Équateur, situé dans l’océan Pacifique à 1000 km à l’ouest du continent sud-américain. Premier site à être inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1978.
Source : (http://veimages.gsfc.nasa.gov/2538/Galapagos.A2002071.1625.500m.jpg ).
Photo 1.
Cité préhispanique de Teotihuacan, Mexique. Site culturel inscrit en 1987.
Source: http://members.lycos.nl/tomjutte/Mexico/Teotihu1.php
Photo 2.
L’île de Pâques ou Rapa Nui, Chili, située dans l’océan Pacifique à 4000 km à l’ouest du continent sud-américain. Le Parc national Rapa Nui a été inscrit en 1995. Un site archéologique exceptionnel avec la présence de 830 statues géantes ou Moai dont un grand nombre se trouvent sur les versants du volcan Rano Raraku, lieu de leur fabrication. Source: http://www.culturadechile.be/Paaseilanden.htm
La conservation des ressources vivantes in situ
Au cours des années 80, l’ONU a créé la Commission mondiale sur l’environnement et le développement ou Commission Brundtland qui a soumis son rapport «Notre avenir à tous» à l’attention des membres de l’Organisation en octobre 1987. Ce rapport a défini et permis la large diffusion du concept du «développement durable» dont la bonne compréhension et l’intégration réelle à l’intérieur des règles de la gouvernance politique, économique et sociale permettraient certainement d’extirper plus efficacement les racines du mal développement.
À partir de 1980, l’ONU a participé, principalement par le biais du PNUE et de l’Unesco, à l’élaboration de plusieurs stratégies mondiales pour la conservation des écosystèmes : La stratégie mondiale de la conservation en 1980, la stratégie de l’éducation et de la formation relatives à l’environnement en 1987, la stratégie pour l’Avenir de la Vie en 1991 et la stratégie globale de la biodiversité en 1992.
Sur la base de ces stratégies elle a organisé et tenu une série de Sommets mondiaux sur l’environnement et le développement : Stockholm en 1972, Nairobi en 1982, Moscou en 1987, Rio de Janeiro en 1992, New York en 2000 et Monterrey et Johannesburg en 2002. À chaque occasion, des ententes mondiales sur la restauration et la protection de l’environnement ont été signées. En 1992, le Sommet de la Terre a proposé trois ententes de portée mondiale majeures, la Convention-cadre sur le changement climatique, la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention de lutte contre la désertification, qui ont pavé la voie à un changement profond de la conscience collective vis-à-vis des menaces qui pèsent sur l’environnement et les zones de renouvellement de la vie. Aujourd’hui, ces trois conventions sont appliquées à l’échelle mondiale. La lutte contre le réchauffement climatique planétaire est loin d’être gagnée et l’application des engagements du Protocole de Kyoto s’avère un processus qui n’a pas encore obtenu l’adhésion réelle des plus grands pollueurs, plus enclins à privilégier leurs propres intérêts qu’à relever ce défi collectif d’une importance cruciale pour les espèces vivantes et la survie de l’humanité (Mantell, K. 2004). Les efforts de conservation des organisations internationales telles que l’Union mondiale pour la Nature (UICN), dans le cadre de l’application de la CDB à partir de 1993, ont permis d’établir plus de 100 000 aires ou sites protégés (parcs terrestres ou aires marines protégées et autres aires de conservation) correspondant à une superficie de 20 millions de kilomètres carrés. Le rôle des États membres est primordial à l’intérieur de ce processus pour assurer la bonne gestion de ces aires et éduquer le public à la conservation de l’environnement et à l’utilisation durable des ressources tout en assurant le bien-être des communautés habitant ces aires ou vivant aux alentours.
Le Sommet mondial de l’ONU et l’avenir de l’Organisation
Malgré son état chronique d’impuissance devant les menaces qui compromettent l’avenir de la majorité de la population mondiale l’ONU a été et continue d’être le porte-étendard des valeurs universelles de justice et de paix. Elle a sans cesse rappelé à ses membres que le droit doit primer sur la force et la violence armée et qu’ainsi ceux-ci doivent remplir leurs obligations, devoirs et responsabilités et ainsi respecter les règles de la gouvernance démocratique participative permettant de les assumer.
Mais, au cours de la dernière décennie, l’Organisation a mis l’accent sur la nécessité d’agir dans toutes les sphères du développement et de trouver les moyens opérationnels pour atteindre les objectifs fixés. L’Agenda 21, les objectifs et cibles de développement du Millénaire, le programme d’action pour le développement durable de Johannesburg (United Nations, 2003) sans oublier le Plan d’action d’une extrême importance que constitue le NPDA (UNEP, 2002) sont autant d’éléments qui tracent la voie à emprunter pour sauver la Planète et soulager la misère de l’humanité.
Lors du Sommet mondial de l’ONU en 2005 deux projets visant à rendre l’Organisation plus efficace ont fait l’objet d’un accord de principe chez les États membres : La création d’une Commission de consolidation de la paix destinée à éviter que des pays sortant d’un conflit retombent dans la violence faute d’une aide internationale adéquate et la création d’un Conseil des droits de l’homme remplaçant la Commission des droits de l’homme. De plus, il convient de rappeler que les engagements pris lors des précédents sommets ont été réaffirmés et, en particulier, les objectifs de développement du Millénaire (ODM).
Les scénarios de développement ou les futurs possibles
Le PNUE, dans GEO-3 «L’avenir de l’environnement mondial 3» (PNUE, 2002) esquisse les divers scénarios ou futurs possibles de développement qui pourraient se matérialiser au cours des prochaines décennies suivant les choix et les priorités qui seront privilégiés par les membres de l’Organisation : 1) L’adoption d’un modèle de société libéralisée, fondée sur le marché d’abord; avec ce scénario nombreux sont ceux «qui estiment que les dysfonctionnements déjà observés dans les systèmes sociaux, environnementaux et écologiques annoncent, pour l’avenir, des effondrements plus massifs et plus généralisés»; 2) La seconde alternative est l’application d’un modèle de gouvernance responsable des États dotés d’institutions imputables et propres à prendre en compte, à long terme, les coûts environnementaux et sociaux dans la définition des politiques de développement économique; 3) la troisième voie, celle de la conception du monde privilégiant les principes du marché et de la sécurité, semble celle qui régit présentement l’ensemble des activités humaines. Comme le premier scénario cette avenue est celle d’un ordre autoritaire établi à l’échelle mondiale par la force et la violence dans le but de protéger les marchés des plus puissants et des mieux nantis tout en maintenant l’Apartheid Nord-Sud; 4) le quatrième est celui de la durabilité d’abord. Ce paradigme esquissé dans la stratégie mondiale de la conservation, puis dans le Rapport Brundtland et ensuite lors des Sommets mondiaux des vingt dernières années «est soutenu par des valeurs et institutions nouvelles et plus équitables. Une conception plus visionnaire de l’avenir s’impose, où les changements radicaux de la façon dont les gens communiquent les uns avec les autres et avec le monde qui les entoure (plus de convivialité et plus de solidarité) encouragent l’adoption de politiques de développement durable et un comportement responsable des grandes entreprises. Il existe une collaboration beaucoup plus riche entre les gouvernements, les citoyens et les autres parties intéressées, dans les décisions prises sur les questions d’intérêt commun. Un consensus se dégage sur ce qu’il convient de faire pour satisfaire les besoins fondamentaux et réaliser les objectifs individuels sans compromettre le sort d’autrui ni les perspectives de la postérité» (PNUE, 2002, pp. 328-349).
Est-ce que l’Organisation saura persuader les États membres et, en particulier, les plus puissants, d’adopter le scénario de la durabilité qui permettrait de mettre en place un système économique mondial plus juste pour toutes les nations? Sera-t-elle en mesure de freiner voire de stopper la course folle des dépenses militaires mondiales (Dufour, J., 2004) en instaurant la culture de la diplomatie préventive ou la résolution pacifique des conflits tout en favorisant le transfert des ressources consacrées à la guerre ou à sa préparation vers les autres secteurs de l’économie et de la société, vers l’éducation, vers la santé, vers la restauration de l’environnement et vers la sauvegarde de la diversité biologique, en fait vers une véritable reconversion de l’économie de guerre?
Kofi Annan, dans son discours d’adieu devant les membres de l’Assemblée générale, en septembre dernier, était fier de rappeler les grandes réalisations de l’ONU et réaffirmait sa confiance dans le système onusien pour résoudre les problèmes planétaires: «Yes, I remain convinced that the only answer to this divided world must be a truly United Nations. Climate change, HIV/AIDS, fair trade, migration, human rights – all these issues, and many more, bring us back to that point. Addressing each is indispensable for each of us in our village, in our neighbourhood, and in our country. Yet each has acquired a global dimension that can only be reached by global action, agreed and coordinated through this most universal of institutions (http://www.un.org/News/ossg/sg/stories/statments_full.asp?statID=4 ). Son successeur aura l’obligation de poursuivre l’oeuvre sans cesse inachevée de l’Organisation qui se devra de relever le plus grand défi du XXIième siècle, celui de vaincre «la pauvreté humaine» et faire en sorte que les peuples de la Terre reprennent en leurs mains le pouvoir de vivre et de prospérer (PNUD, 2003). Pour ce faire, Ban Ki-moon sera-t-il le serviteur de l’humanité ou le valet des grandes puissances ?
En somme, l’Organisation devra faire triompher «le concept de la sécurité commune, coopérative et solidaire en le promouvant dans toutes les instances. Cela ne sera pas aisé car la situation géopolitique mondiale actuelle se présente comme ‘un bourbier’ qui exigera encore et davantage de la part de l’ONU des interventions de rétablissement de la paix ainsi que des opérations humanitaires et de secours d’urgence.
Jules Dufour, Ph.D., est Président de l’Association canadienne pour les Nations Unies (ACNU) /Section Saguenay-Lac-Saint-Jean, membre du Cercle universel des Ambassadeurs de la Paix, membre du Conseil national de Développement & Paix.
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