L’ONU n’ira pas à Guantanamo
Les Nations unies ont renoncé vendredi à effectuer une inspection du camp-prison américain de Guantanamo Bay, à Cuba, faute d’avoir obtenu de Washington l’autorisation de parler librement aux prisonniers. L’Onu souhaitait y enquêter sur les «graves accusations de torture, de traitement cruel, inhumain et dégradant», de détention arbitraire et de violations des droits des détenus. Quelque 500 prisonniers sont incarcérés dans ce camp depuis le 10 janvier 2002, en dehors de tout cadre légal. Une partie d’entre eux observerait une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détentions. Mais personne n’est sûr de rien en raison de l’opacité imposée par l’administration américaine sur ce camp-prison.
La décision onusienne est de nature à mettre dans l’embarras le gouvernement américain. Même des dictatures ont de part le monde accepté d’ouvrir leurs prisons à l’Onu, afin d’éviter d’être stigmatisé par la communauté internationale. Le rapporteur spécial de l’Onu sur la torture doit ainsi se rendre en Chine et au Tibet à la fin du mois. Pékin a accepté les conditions de visite minimales imposées par le rapporteur spécial. L’Onu exige, entre autre, de pouvoir parler en tête à tête, sans témoins, aux détenus de son choix. Condition que, paradoxalement, la Chine a accepté, mais pas Washington…
Les négociations entre l’Onu et les Etats-Unis concernant la demande de visite à Guantanamo du rapporteur spécial avaient commencé en avril 2004. Elles ont donc duré un an et demi, pour finir sur un échec. La stratégie dilatoire de Washington avait été critiquée par l’Onu voilà six mois. «Le fait que l’accès aux prisonniers ait été refusé pendant si longtemps aux enquêteurs de l’Onu», avait déclaré Manfred Nowak, le rapporteur spécial sur la torture, est «un signe qu’ils souhaitent dissimuler certaines choses à la vue du public (…) A un moment, il faut considérer les accusations fondées comme des faits avérés en l’absence d’explication claire du gouvernement concerné». Paul Hunt, rapporteur spécial de l’Onu sur le droit à la santé physique et mentale, avait cité des cas de «détérioration inquiétante de la santé mentale de nombreux détenus», des dizaines de tentatives de suicide et des méthodes d’interrogatoire coercitives, y compris par la privation de sommeil.
Le rapporteur spécial et son équipe doivent de toutes façons achever fin décembre un rapport sur les conditions de détention à Guantanamo, lequel sera présenté au commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme en mars.