L’Otan se prépare aux guerres de 2020

Une nouvelle encourageante pour les chômeurs, les précaires, les familles touchées en Italie par les coupes dans les dépenses sociales : « La contribution de l’Italie au fonds de soutien des forces de sécurité afghanes au terme de la transition, fin 2014, sera conséquente et dans la lignée, en quantité et en qualité, de sa présence dans cette dernière décennie en Afghanistan ». Déclaration du ministre italien des Affaires étrangères Giulio Terzi à Bruxelles pendant la Réunion ministérielle Affaires étrangères et Défense de l’Otan.

Le montant total du fonds sera décidé au Sommet Otan qui se tiendra à Chicago les 20-21 mai prochains, mais le secrétaire général Anders Rasmussen l’a déjà quantifié à 4 milliards de dollars annuels au moins. Le gros de la dépense pour conserver les « forces de sécurité » afghanes, environ 350mille hommes, pèsera sur les plus grands pays de l’Alliance, Italie comprise. Rasmussen  le présente comme une affaire, en soulignant qu’il est moins coûteux de financer les forces locales que de déployer des troupes internationales en Afghanistan.

 
D’ici 2014, est prévue la sortie progressive des troupes Otan, environ 130mille hommes. Mais, a souligné le secrétaire étasunien à la Défense, Leon Panetta, « nous n’abandonnerons pas l’Afghanistan ». En d’autres termes, l’Otan ne partira pas. D’une part, elle entraînera et armera les « forces de sécurité » gouvernementales, qui seront de fait sous commandement Otan ; d’autre part, elle potentialisera les forces pour les opérations spéciales, avant tout celles des Usa organisées en une nouvelle « Force d’attaque », qui continueront à opérer en Afghanistan après 2014. Dans le même temps, de nombreuses fonctions, auparavant assurées par les armées officielles, seront confiées à des contractors de compagnies militaires privées (rien que celles dépendantes du Pentagone dépassent 110mille personnes).

 
Ce redéploiement de force entre dans le déplacement progressif du centre focal de la stratégie Usa/Otan vers la région Asie/Pacifique. Concernant la Syrie, Rasmussen a déclaré que « nous n’avons pas l’intention d’intervenir », mais, a-t-il précisé, « nous suivons la situation de près ».  De très près, car les services secrets et forces spéciales de pays de l’Otan arment et entraînent déjà les « rebelles ». Concernant l’Iran, ils poursuivent les préparatifs de guerre en coordination étroite avec Israël. L’Otan cependant regarde plus loin, vers la confrontation avec Russie et Chine.

  
« Nous ne considérons pas la Russie comme une menace pour les pays de l’Otan, et la Russie ne devrait pas considérer l’Otan comme une menace pour elle», a assuré Rasmussen à la réunion de Bruxelles ; en soulignant que « notre système de défense antimissile n’est pas projeté pour menacer la Russie ».

En attendant pourtant, avec son élargissement à l’est, l’Otan continue à déplacer des forces et des bases (y compris à capacité nucléaire) au bord de la Russie et, sous prétexte de « menace iranienne », elle est en train d’installer en Europe des systèmes de radar et missiles qui lui permettront d’acquérir un avantage stratégique ultérieur sur la Russie.

 
Mais c’est surtout vers la Chine que regarde l’Otan, en se préparant à potentialiser ses propres capacités militaires par une série de mesures techniques et organisationnelles, appelée « Smart Defence » (Défense intelligente). Au prochain Sommet de Chicago, les chefs d’Etat et de gouvernements de l’Otan « jetteront les bases des futures forces de l’Alliance pour 2020 et au-delà ». C’est dans ce cadre que s’insère le « Schriever Wargame », une manœuvre organisée par le Commandement de la force aérospatiale étasunienne, focalisée sur l’ « utilisation de l’espace et du cyberespace dans un conflit futur ». Dans sa dernière édition, en 2010, le scénario était celui d’un conflit dans le Pacifique, clairement (même si non explicitement) contre la Chine.

 
Au « Schriever Wargame 2012 », en cours depuis le 19 jusqu’au 26 avril, participe pour la première fois aussi l’Italie (liste des participants, dont la France, et objectifs de l’opération  en fin de texte[1], NdT). Les Usa, a déclaré un porte-parole de l’Otan, « encouragent les alliés européens à investir davantage dans ces capacités : participer au Schriever Wargame leur donne l’opportunité de travailler ensemble sur des systèmes basés dans l’espace, qui seront de plus en plus importants dans les futures opérations ». Le scénario de cette année est une expédition Otan dans la Corne d’Afrique, contre des « pirates soutenus par al-Shabaad, affiliée à al-Qaeda en Afrique ».

  
L’Otan n’a désormais plus de frontières : de l’Atlantique Nord elle est arrivée à l’Océan Indien et au Pacifique, en chevauchant les montagnes afghanes, et elle est désormais lancée vers les guerres spatiales de 2020. Tandis qu’en Italie l’argent manque pour reconstruire les maisons détruites par le tremblement de terre dans les Abruzzes.

Edition de samedi 21 avril 2012 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120421/manip2pg/08/manip2pz/321550/ 

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Lire également :


La course folle de la dépense militaire
Dernières données du Sipri
– par Manlio Dinucci – 2012-04-18


Manlio Dinucci
est géographe et journaliste.

[1] « Neuf nations (Canada, Danemark, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Turquie, Royaume-Uni et Usa), ainsi que l’Australie participeront à la manoeuvre. En outre, les NATO HQ, ACO, ACT, JFC Brunssum, et le JAPCC ainsi que divers représentants d’organisations civiles (liste non fournie sur la page du site Otan) étasuniennes et européennes participeront aussi au Schriever Wargame » Voir :

http://www.act.nato.int/index.php/activities/seminars-symposia/schriever-wargame-2012

Pour la France, voir site du Ministère de la Défense (« Pour une défense d’avance »):

« L’Otan ne possède pas de capacités spatiales propres et dépend de ses nations pour la fourniture de services. Toutefois, la France contribue contractuellement à la fourniture de services de communication par satellite dans le cadre du contrat NATO SATCOM post 2000 (NSP2K) avec l’Italie et le Royaume-Uni. Elle a également déclaré vouloir contribuer au système d’alerte avancée de l’Alliance en fournissant des données issues de son système d’alerte prévu pour 2020.

Les capacités spatiales sont le reflet du savoir-faire industriel et technologique national. Elles sont sensibles et soulèvent des problématiques de souveraineté, de maintien des compétences, de positionnement sur la scène internationale et de préparation du futur. C’est la raison pour laquelle, la France ne prévoit pas à ce jour de soutenir une politique de développement de capacité en commun, mais soutient le processus actuel de génération de force selon lequel les nations fournissent des capacités ou des services au profit des opérations de l’Alliance (surlignage traductrice).

Suite à : http://www.defense.gouv.fr/actualites/dossiers/espace-militaire/fiches-techniques/la-france-et-l-otan . Je n’ai pas trouvé sur le site le chiffrage du coût de l’opération Schriever Wargame 2012 pour la France. NdT.



A propos :

Manlio Dinucci est géographe et journaliste. Il a une chronique hebdomadaire “L’art de la guerre” au quotidien italien il manifesto. Parmi ses derniers livres: Geocommunity (en trois tomes) Ed. Zanichelli 2013; Geolaboratorio, Ed. Zanichelli 2014;Se dici guerra…, Ed. Kappa Vu 2014.

Avis de non-responsabilité : Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que le ou les auteurs. Le Centre de recherche sur la mondialisation se dégage de toute responsabilité concernant le contenu de cet article et ne sera pas tenu responsable pour des erreurs ou informations incorrectes ou inexactes.

Le Centre de recherche sur la mondialisation (CRM) accorde la permission de reproduire la version intégrale ou des extraits d'articles du site Mondialisation.ca sur des sites de médias alternatifs. La source de l'article, l'adresse url ainsi qu'un hyperlien vers l'article original du CRM doivent être indiqués. Une note de droit d'auteur (copyright) doit également être indiquée.

Pour publier des articles de Mondialisation.ca en format papier ou autre, y compris les sites Internet commerciaux, contactez: [email protected]

Mondialisation.ca contient du matériel protégé par le droit d'auteur, dont le détenteur n'a pas toujours autorisé l’utilisation. Nous mettons ce matériel à la disposition de nos lecteurs en vertu du principe "d'utilisation équitable", dans le but d'améliorer la compréhension des enjeux politiques, économiques et sociaux. Tout le matériel mis en ligne sur ce site est à but non lucratif. Il est mis à la disposition de tous ceux qui s'y intéressent dans le but de faire de la recherche ainsi qu'à des fins éducatives. Si vous désirez utiliser du matériel protégé par le droit d'auteur pour des raisons autres que "l'utilisation équitable", vous devez demander la permission au détenteur du droit d'auteur.

Contact média: [email protected]