L’ouverture des dossiers sur les secrets de Bush
« Il y a depuis longtemps trop de secret dans cette ville, » a déclaré le Président Obama lors de son premier jour au pouvoir, au moment où il annonçait de nouvelles mesures favorisant la franchise dans le gouvernement. Depuis, les journalistes et les autres professionnels concernées par la Freedom of Information Act (FOIA, loi sur la liberté de l’information) ont parlé de l’urgence à diffuser les documents qu’ils recherchent, dans certains cas depuis des années. Un groupe compile la liste des dix documents gouvernementaux les plus recherchés, et il y a beaucoup de propositions.
« Plus important que tout, je veux que le Ministère des Finances nous dise ce qu’ils ont fait avec l’argent du renflouage, » explique Lucy Dalglish, directrice exécutive du Comité des Reporters pour la Liberté de la Presse. Bloomberg News a intenté une poursuite judiciaire en vertu de la FOIA le 7 novembre, pour obtenir les informations de la Réserve fédérale concernant les bénéficiaires des 700 milliards de dollars du Troubled Assets Relief Program, introduit précipitamment dans la loi en automne dernier, et sur les « actifs à problème » que le gouvernement a accepté en garantie. Cette demande a été rejetée le 8 décembre, six semaines avant qu’Obama ne prenne ses fonctions, parce que, selon Mark Pittman de Bloomberg, les 231 pages de documents devaient être bloquées car ce sont des notes de service internes contenant aussi des informations sur les secrets commerciaux. Selon Lucy Dalglish, cette décision devrait être annulée par l’équipe du Secrétaire au Trésor, Timothy Geithner.
D’autres ont des priorités différentes. Pour Jameel Jaffer, directeur du Projet de Sécurité Nationale de l’ACLU, le numéro un est les notes de service secrètes du Bureau du Conseiller juridique (OLC) du Ministère de la Justice, qui a autorisé sans mandat la torture et la surveillance des Étasuniens au nom de la sécurité nationale. L’ACLU a déposé trois recours judiciaires sous la FOIA, visant à contraindre l’administration Bush à libérer des douzaines de notes juridiques en rapport à des traductions interprétatives, interrogatoires et détentions abusifs et autres infractions envers les libertés civiles. Le 17 février, le gouvernement et l’ACLU se sont mis d’accord pour différer de trente jours la date d’une audience à propos d’une demande de l’ACLU, pour que le pouvoir Obama mette fin au litige et libère les dossiers.
Steven Aftergood, directeur du Project on Government Secrecy of the Federation of American Scientists, a la même priorité : « Ce sont des documents de grande, parfois décisive importance politique, qui ont souvent été cachés, même au Congrès, » a-t-il dit. « Ces documents remplissent directement les conditions requises par le genre de libération discrétionnaire préconisée par les mémorandums d’Obama. »
Le projet ProPublica du journalisme d’investigation a mis en place propublica.org/special/missing-memos, où sont énumérés et décrits les mémos toujours secrets de l’OLC.
L’affaire des courriels de la Maison Blanche apparaît en premier sur la liste de Thomas Blanton. Il est directeur des Archives de la Sécurité Nationale de l’Université George Washington, la principale banque de documents concernant la sécurité nationale, diffusés au fil des ans en vertu de la FOIA. Les archives sont en litige avec la Maison Blanche à propos des courriels depuis 2007. Lors d’une audience en tribunal sur les courriels manquants, l’avocat de la Maison Blanche a admis avoir « trouvé » 14 millions de courriels qui sont signalés être détruits. C’est un autre domaine où Obama pourrait tout simplement arrêter de défendre en justice l’administration Bush et où les Archives Nationales pourraient organiser et diffuser les courriels. Mais, le 20 février le Ministère de la Justice a refusé de le faire et a continué à défendre la position de Bush devant le tribunal.
Les registres de visiteurs de la Maison Blanche tenus par le Secret Service sont au sommet de la liste de Anne Weismann. Weismann est conseillère en chef de Citizens for Responsibility and Ethics in Washington. Le CREW a gagné un procès sous la FOIA le 9 janvier, quand, à Washington, le juge de district Royce Lamberth a rejeté l’argument de l’administration Bush, selon lequel le public n’a pas le droit de connaître le nom des gens qui visitent la Maison Blanche, quel qu’en soit le but. Le Secret Service a refusé de se conformer à la demande sous la FOIA du CREW sur l’ordre du Vice President Cheney, qui tentait de garder secrets les noms des leaders fondamentalistes chrétiens qui lui ont rendu visite. La Maison Blanche de Bush a annoncé qu’elle faisait appel de la décision, mais l’administration Obama pourrait simplement laisser tomber l’appel et diffuser les documents.
Les dossiers de la FEMA sur l’ouragan Katrina sont en premier sur la liste de Rick Blum. Blum est le coordinateur de Sunshine in Government Initiative, une coalition de groupes de médias, allant d’Associated Press à la National Association of Broadcasters. Il signale la requête en vertu de la FOIA, déposée en 2005 par Mark Schleifstein du Times-Picayune de la Nouvelle Orléans, qui a remporté deux prix Pulitzer, pour service public et reportage en 2006, pour la couverture de l’ouragan Katrina. Schleifstein avait demandé les documents produits par la FEMA sur l’évaluation rapide des besoins des équipes, qui a déterminé les besoins en nourriture, eau, logement et assistance médicale, pour les communautés frappées. Il a écrit : « J’ai cherché à mieux comprendre l’historique des causes du sabotage de la délivrance d’aide par la FEMA pour le redressement de la catastrophe. » Mais la seule réponse qu’il ait reçu est un plaidoyer annuel de la FEMA, accompagné d’une demande de renseignement pour savoir s’il désirait toujours les documents. Il a écrit en fin janvier dans Times-Picayune « J’ai répondu « OUI. »
Dans la liste des documents secrets, les autres dossiers candidats à la publicité les plus recherchés incluent ceux du Ministère de la Justice sur la motivation politique derrière le limogeage des procureurs ; la liste officielle des gens détenus à Guantánamo ; les données de l’EPA, enlevées du web par l’administration Bush après le 11/9, sur les toxines dans l’eau potable et l’environnement ; les informations de la Nuclear Regulatory Commission sur l’innocuité des site nucléaire ; la transcription de l’entrevue que Dick Cheney a donné au FBI dans le cadre de son enquête sur la fuite dans la presse du nom de l’agent de la CIA Valerie Plame ; et, bien entendu, les informations sur le puissant groupe de travail secret de Cheney, qui a été très contesté durant les sept dernières années.
Chacun de ces points comporte un impératif pour l’avancée d’Obama : la FEMA doit non seulement diffuser les dossiers de l’ouragan Katrina, mais aussi ses préparatifs et mesures actuels en cas de catastrophes ; le Ministère de la Justice doit non seulement dévoiler ses méfaits passés, mais aussi ses activités et politiques actuelles ; la Maison Blanche d’Obama a besoin d’archiver non seulement les courriels de l’ère Bush, mais aussi les siens.
L’enquête pour l’identification des Dix Documents Gouvernementaux les Plus Recherchés est dirigée par OpenTheGovernment.org. Le directeur du groupe, Patrice McDermott, dit que les résultats seront publiés à la mi-mars lors du Sunshine Week, un événement annuel, parrainé par l’American Society of Newspaper Editors, qui souligne le droit du public à savoir ce que trafique son gouvernement. En ce moment, bon nombre des documents les plus convoités pourraient être déjà diffusés. Après tout, lors de son premier jour au pouvoir Obama a dit, « à partir d’aujourd’hui, chaque Ministère et organisme doit savoir que ce gouvernement est non pas du côté de ceux qui cherchent à retenir l’information, mais plutôt de ceux qui cherchent à la faire connaître. »
Texte original en anglais : Opening the Files on Bush’s Secrets , 25 février 2009.
Traduction : Pétrus Lombard.