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L’Union européenne est décidée à intervenir militairement au Kosovo
Par Jürgen Elsässer
Mondialisation.ca, 21 mars 2007
Horizons et Débats, 7e année, no 10 21 mars 2007
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https://www.mondialisation.ca/l-union-europ-enne-est-d-cid-e-intervenir-militairement-au-kosovo/5146

La mission de l’UE au Kosovo a été au centre des délibérations entre le ministre allemand de la Défense Franz-Josef Jung (CDU) et ses homologues européens jeudi dernier à Wiesbaden. L’UE est censée garantir avec ses propres troupes la sécession de la province qui appartient toujours, selon le droit international, à la Serbie. C’est l’Allemagne qui, au cours des mois à venir, fera la proposition au Conseil européen dont elle assure la présidence. Selon le plan de Martti Ahtisaari, représentant spécial des Nations Unies, l’UE doit reprendre l’administration civile et le commandement des troupes de la KFOR. Celles-ci comprennent environ 16 000 soldats, le plus grand contingent étant celui des 3000 soldats de la Bundeswehr. Le commandement de la KFOR est déjà assuré par un Allemand, le général Roland Kather. Selon le plan d’Ahtisaari, il faut accorder au Kosovo une sorte d’«autonomie surveillée», ce qui veut dire que le nouvel Etat disposera, outre d’un gouvernement souverain, de son armée à lui ainsi que de services secrets. Ces propositions prévoient cependant l’institution d’un représentant spécial de l’ONU ayant compétence d’annuler les décisions prises par les institutions du Kosovo.

Cela correspond à peu près à la situation de la Bosnie-Herzégovine où un Haut Commissaire, mandataire des grandes puissances, décide, en dernière instance, de tout.

Le Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité communes Xavier Solana a précisé, au début de la semaine déjà, qu’en ce qui concerne la mission militaire européenne, il chercherait à obtenir un mandat du Conseil de sécurité qui inclut les compétences dérivées de l’article 7 de la Charte des Nations Unies, lequel permet une intervention militaire contre les fauteurs de troubles. Sont visés ici avant tout les quelque 100 000 Serbes restés au Kosovo qui, avec le soutien gouvernemental de Belgrade, ont refusé catégoriquement toute forme de séparation du Kosovo de leur patrie.

C’est pourquoi une intervention militaire européenne pourrait viser également la Serbie. La Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP) (Fondation pour la science et la politique), un des plus importants think tanks du gouvernement Merkel, a pronostiqué, au mois de septembre 2006, une situation «qui fait penser à la crise de 1999», ce qui veut dire des bombardements de l’OTAN. Des émeutes pourraient s’étendre du Kosovo aux provinces de Serbie centrale: Vojvodine, Sandjak et vallée de Presevo.

L’étude de la SWP évoque «des manifestations de masses qui dégénéreront en confrontations violentes entre les forces modérées et les forces radicales ainsi qu’avec la police et pourraient aller jusqu’à la dissolution des structures de l’Etat.» Si les structures étatiques serbes s’effritent, l’UE pourrait alors facilement, selon son concept politique, vouloir jouer un rôle stabilisateur et apporter son soutien «fraternel».

Mais Solana a fait savoir qu’il n’était pas favorable à une intervention sans mandat du Conseil de sécurité. Comme la Russie a menacé plusieurs fois d’opposer son veto au plan Ahtisaari, des idées circulent au sein du gouvernement américain sur la reconnaissance unilatérale d’un nouvel Etat nommé Kosova et cela même sans l’aval l’ONU. Si Solana fait preuve de fermeté, il incombera aux Etats-Unis d’appuyer cette nouvelle violation du droit international avec leurs propres troupes et les contingents européens devront se retirer. Mais l’expérience nous a appris qu’il est vain de nourrir de tels espoirs.   

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